Le nouveau coordonnateur du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), Fritz Alphonse Jean, lors de son discours à la cérémonie de passation de pouvoir le 7 mars 2025 à la Villa d’Accueil a déclaré que le pays est en guerre. « Nous devons impérativement nous unir pour gagner cette guerre », martèle-t-il en présence des autres membres du Conseil…Deux conseillers-présidents ont déjà pris les rênes du CPT et les dispositions pour lutter efficacement contre l’insécurité restent toujours vaines.
La violence en Haïti a atteint un niveau sans précédent. Les gangs armés, dans la capitale surtout, pillent et violent les filles et les femmes sous l’œil passif des autorités étatiques. Pour le nouveau président du CPT, l’économiste Fritz Alphonse Jean, Haïti est en guerre. Et pour gagner cette guerre, avance-t-il, « nous devons nous unir ». M. Jean est favorable à l’idée qu’il y ait un « budget rectificatif de guerre qui doit orienter les dépenses dans les directions des défis qui se dressent devant nous ».
Dans le cadre de ce budget rectificatif, Fritz Alphonse Jean a fait savoir qu’il faudra mobiliser les moyens qui permettront à l’État de satisfaire aux besoins de relèvement engendrés par les dégâts causés par l’insécurité sur les plans économique et social. « Le comité national de sécurité, mis en place, devra guider et orienter les forces de l’ordre et aura la charge de s’assurer avec elles de la pertinence du plan stratégique de sécurité », a-t-il expliqué lors de son discours.
La situation de violence dans laquelle se trouve Haïti aujourd’hui n’est en aucune manière un simple hasard. Elle est alimentée par certains secteurs. À entendre le président-conseiller Jean, « la violence est instrumentée par des trafiquants de tout acabit (drogues, organes et personnes, armes et munitions) sans oublier des entrepreneurs politiques et certains éléments du secteur des affaires ».
Insécurité : les mesures à prendre
C’est une illusion de prétendre qu’on peut résoudre le problème de l’insécurité sans mettre en place un service de renseignement efficace. Le nouveau président du CPT Fritz Alphonse Jean est de cet avis. Il insiste sur le fait qu’« il y a lieu de veiller à l’opérationnalisation, au renforcement et à l’harmonisation des services de renseignement à travers l’activation du décret portant création de l’agence nationale d’intelligence (ANI) ».
Sans un effectif adéquat, poursuit Fritz Alphonse Jean, les forces de l’ordre ne seront pas en mesure de mettre à l’insécurité. « Fort de ce constat, cette année même, plus de trois mille recrues seront formées pour combler le déficit en hommes de troupe sur le terrain au niveau de la Police Nationale d’Haïti et des Forces Armées d’Haïti », a-t-il annoncé.
« Il me plaît de vous informer qu’un protocole d’accord sera signé entre les Forces Armées d’Haïti et la Brigade des Aires Protégées pour la mobilisation des agents de la BSAP dans la guerre contre les gans », a révélé l’économiste Fritz Alphonse Jean en informant que « des démarches sont en cours pour un support aérien et maritime de façon à mieux protéger nos frontières maritimes et terrestres ».
Le déficit des gouvernances de l’État est l’un des points essentiels auxquels il faut s’attaquer, car il produit un effet néfaste sur la crédibilité de l’État auprès de la population, estime le nouveau coordonnateur du CPT. « Dans la mesure où il ne coïncide point avec l’établissement d’un terrain de jeu égale pour tous dans un contexte de capture de l’État par certains groupes », ajoute l’ancien gouverneur de la Banque Centrale en précisant qu’il croit fermement au rôle que doit jouer l’accès à l’information dans le cadre de la promotion de la bonne gouvernance.
« Des mesures concrètes seront initiées pour la mise en place de systèmes d’information ouverts au public sur les actions de différentes institutions de l’administration publique. L’appui aux institutions de surveillance comme l’ULCC, CSCCA, la CMNP, entre autres, sera maintenu », a promis M. Jean en annonçant par ailleurs la mise en place d’un centre d’appel en vue de permettre à la population d’alerter sur des cas de corruption et d’abus au sein de la DGI, de la Douane et de l’immigration.
Sur le plan économique, indique M. Jean, l’objectif consiste à poser des jalons en vue de casser le rythme de décroissance des six dernières années. « Pour cela, il faut soutenir la production nationale et stimuler tant le plan de consommation que l’investissement en favorisant une approche régionale », explique-t-il.
Si l’on peut croire l’ancien gouverneur de la Banque Centrale, sur le plan humanitaire, plusieurs actions urgentes seront prises pour reloger les déplacés internes, la constitution de structures d’accueil pour les déportés, le support nutritionnel d’urgence pour les personnes en situation d’insécurité alimentaire.
Toutefois, son objectif majeur est le retour à l’ordre constitutionnel. « Conformément aux accords convenus et aux engagements pris, nous devons prendre des mesures concrètes pour préparer le rendez-vous du 7 février 2026. Sur les élections, par exemple, il faudra continuer à alimenter le fonds dédié à la tenue des élections et au CEP, financer les activités du comité de pilotage et de la conférence nationale, œuvrer à la mise en place d’un vaste programme d’identification des Haïtiens », affirme M. Jean.
Par ailleurs, il importe de préciser qu’au début de son discours, l’économiste Fritz Alphonse Jean a jugé nécessaire de saluer ceux qui l’ont précédé au poste du président du CPT. « Je salue également les organisateurs de l’accord Montana qui ont placé leur confiance en moi pour les représenter au sein du CPT», déclare-t-il en signe de reconnaissance.
Cependant, lors de son intervention, le coordonnateur sortant Leslie Voltaire a souhaité un heureux combat à Fritz Alphonse Jean tout en lui rappelant, par ailleurs, qu’il peut compter sur les conseillers-présidents, le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé pour mener à bien cette glorieuse mission.
Il importe de préciser que la cérémonie de passation des pouvoirs s’est déroulée entre autres en présence de l’équipe gouvernementale, des commandants en Chef de la PNH, des FAD’H et de la Mission Multinationale d’Appui à la Sécurité, et des représentants du corps diplomatique et consulaire.
Jackson Junior RINVIL
rjacksonjunior@yahoo.fr