Depuis novembre 2024, la République d’Haïti s’enfonce chaque jour un peu plus dans un processus de désintégration territoriale et institutionnelle. Tandis que les bandes armées gagnent du terrain, le gouvernement, loin de défendre la population, semble avoir désigné un autre ennemi : le peuple lui-même.
Des territoires perdus et un État absent
Ce qui relevait autrefois d’une hyperbole est devenu une réalité crue : des quartiers entiers ont été désertés sous la pression des gangs. Les habitants, pris de panique, ont fui dans l’urgence, abandonnés par un État devenu simple spectateur, parfois même complice de leur déracinement. Les rares tentatives militaires sont improvisées, inefficaces et sans résultat concret. Aucune figure criminelle majeure n’a été neutralisée. Pendant ce temps, la terreur s’intensifie et le silence des autorités devient insoutenable.
Une offensive contre l’avenir
L’année 2025 a marqué un nouveau palier dans l’effondrement. En février, les groupes armés ont conquis de nouveaux périmètres à Port-au-Prince. Puis, en mars, ils ont pris le contrôle de plusieurs institutions scolaires et universitaires d’importance, notamment la Faculté des Sciences Humaines (FASCH), l’INAGHEI, l’Université Notre-Dame, et divers collèges du centre-ville. Ces lieux de savoir, jadis symboles d’espoir et de renouveau, sont aujourd’hui abandonnés ou occupés, révélant une stratégie claire : « anéantir l’avenir en frappant la jeunesse ».
Mirebalais et Saut-d’Eau : chute libre
La fin du mois de mars a été marquée par un nouveau désastre : la prise de Mirebalais et de Saut-d’Eau. Pillages, incendies, évasions massives de prison, destruction d’infrastructures publiques. Et toujours, pas de réponse significative de l’État.
Un budget de guerre contre les citoyens
C’est dans ce contexte d’effondrement que le gouvernement a annoncé l’adoption d’un budget de guerre. Une mesure qui, de prime abord, aurait pu marquer un sursaut d’autorité. Mais le 16 avril 2025, la brutalité de la répression d’une manifestation pacifique organisée pour réclamer la sécurité a révélé la véritable cible de ce budget : non pas les bandes armées, mais la population civile. Des militaires des FAd’H, des unités spécialisées de la PNH accompagnés, hélicoptère en patrouille, des forces déployées comme jamais depuis le début de la crise, mais contre des citoyens désarmés.
Un double standard qui s’interroge
Pourquoi l’État réagit-il avec autant de fermeté contre des manifestants pacifiques, mais reste-t-il inerte face à la prise de territoires entiers par des criminels ?
Pourquoi les convois d’armes et de biens circulent-ils librement sans être inquiétés ?
Pourquoi aucune opération de reconquête n’est-elle lancée alors que le pays s’effondre ?
Les faits parlent d’eux-mêmes : ce budget de guerre ne vise pas à défendre le peuple, mais à le contenir, le surveiller, le réprimer.
Un tournant tragique dans l’histoire nationale
L’État haïtien semble désormais considérer ses propres citoyens comme des ennemis. Ceux qui protestent, qui résistent, qui réclament leurs droits fondamentaux sont aujourd’hui traqués et écrasés. Dans ce climat de trahison institutionnelle, les mots de Jean-Jacques Dessalines résonnent avec une force renouvelée : « Je ne veux autour de moi que des braves ».
L’heure de la mobilisation
Il n’est plus temps de se taire. L’heure est à l’éveil des consciences, à l’action citoyenne. Nous avons le devoir historique de refuser cette logique mortifère, de dénoncer les incompétents et les marchands de silence, de défendre les droits fondamentaux bafoués. Haïti est en guerre contre elle-même. Mais si cette guerre doit être gagnée, elle le sera par l’union des braves hommes et femmes debout, qui refusent de plier devant le chaos.
Haïti ne se sauvera que par ses enfants
Haïti ne pourra renaître que si chacun de ses fils et filles décide de ne plus détourner les yeux. Le moment est venu de sortir du silence, de refuser l’indifférence et de faire entendre la voix de ceux qu’on voudrait faire taire. Chaque geste compte. Chaque parole, chaque action en faveur du bien commun est une étincelle dans cette nuit de chaos.
Nous ne pouvons pas attendre que le salut vienne d’en haut, quand ceux d’en haut ont déserté leur mission. C’est dans le peuple que réside la dernière lueur d’espoir. Dans les mères qui protègent, les jeunes qui rêvent, les enseignants qui tiennent bon, les citoyens qui s’organisent. C’est par notre union, notre courage et notre foi en un avenir possible que nous pourrons déjouer les ténèbres.
Ne laissons pas la peur nous voler notre pays. Ne laissons pas l’histoire se refermer sur une page de renoncement.
Levons-nous. Mobilisons-nous. Organisons-nous.
Haïti vivra, si ses enfants refusent de mourir en silence.
Walky TIJIN, Médecin