19 juillet 2025

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Prix Théâtre RFI 2025 : trois dramaturges haïtiens dans la sélection!

La sélection des finalistes du Prix Théâtre RFI 2025 a été rendue publique le 11 juillet. Douze textes issus de 22 pays ont été présélectionnés parmi 143 pièces reçues, principalement en provenance du continent africain, mais avec une belle présence haïtienne. Cette cuvée, marquée par la diversité formelle et thématique, témoigne d’une scène théâtrale francophone engagée qui interroge les oppressions politiques, sociales, sexuelles et coloniales avec une force rare.

À la lecture des textes retenus, le théâtre apparaît ici comme un espace de résistance, de réparation et de mémoire. Les figures centrales sont souvent des femmes, des enfants, des personnes en marge ou traumatisées. Leurs voix, longtemps tues ou minimisées, trouvent un territoire d’expression dans une langue profondément poétique, où se mêlent oralité populaire, imaginaire collectif et urgence politique. Le comité de sélection du Collectif À mots découverts souligne d’ailleurs « un théâtre frontal, prosaïque, voire trivial, mais aussi poétique, à la langue imagée et à l’oralité puissante ».

Une belle présence haïtienne

Parmi les douze finalistes, trois auteurs haïtiens ont été distingués : Rolaphton Mercure (Furieuses), Jamie Moom Dayiti (Traduit du délire) et Smeralda Jean Philippe Tanis (Épine). Chacun, à sa manière, explore des tensions intimes qui résonnent avec les fractures sociales de l’Haïti contemporaine.

Dans Furieuses, Mercure construit un drame féministe envoûtant, dans lequel deux femmes, amoureuses et victimes d’un système patriarcal violent, sont prises entre désir, honte et répression sociale. Portée par une narration divine inspirée du vaudou, la pièce questionne la violence conjugale, l’homophobie et l’emprise familiale.

Traduit du délire, de Jamie Moom Dayiti, nous plonge dans la psyché d’un jeune homme enrôlé dans un gang. Entre créole et français, entre pulsions de violence et résurgences de tendresse, l’auteur dresse le portrait nuancé d’une jeunesse dépossédée de son avenir.

Quant à Épine, de Smeralda Jean Philippe Tanis, le texte aborde un sujet rarement traité : la transmission de la violence à travers les générations, notamment lorsqu’elle émane de figures féminines autrefois complices de régimes autoritaires. Un miroir tendu à l’histoire politique d’Haïti.

Une cartographie des luttes francophones

Au-delà des textes haïtiens, la sélection 2025 se distingue par une forte présence d’auteurs venus de la République démocratique du Congo, du Bénin, du Mali, du Burkina Faso ou encore du Cameroun. On y retrouve des récits de guerre, de mémoire et d’exil (Ce pays en moi de Sylvain Nanad), des tragédies poétiques inspirées de faits divers (Ce ciel d’orage sous nos paupières d’Alphonse Montcho), ou encore des fables politiques aux échos universels (Le Prince de Djika de Nathalie Hounvo Yekpe).

Les dramaturges sélectionnés partagent une volonté de déchiffrer les systèmes d’oppression : patriarcat, néocolonialisme, répression étatique ou violence armée. Ce sont aussi des voix qui appellent à une relecture sensible de nos histoires collectives.

Rendez-vous à Limoges pour le verdict

Le nom du ou de la lauréat(e) sera révélé le dimanche 28 septembre 2025, dans le cadre du festival Zébrures d’automne à Limoges, en France. Le Prix Théâtre RFI, organisé en partenariat avec la SACD, l’Institut français, Théâtre Ouvert et les Francophonies – Des écritures à la scène, offre une série d’opportunités majeures à l’auteur(e) primé(e). Ce dernier ou cette dernière bénéficiera d’une dotation de 2 000 euros octroyée par la SACD, d’une résidence de création soutenue par l’Institut français, ainsi que d’un séjour artistique à la Villa Saint-Louis Ndar au Sénégal. Le texte primé fera également l’objet d’une lecture publique au Festival d’Avignon, sera mis en avant lors des Francophonies à Limoges et profitera d’une diffusion radiophonique sur RFI. Un accompagnement dramaturgique sur mesure, assuré par Théâtre Ouvert, viendra compléter ce dispositif de professionnalisation.

Une scène haïtienne qui s’affirme

La triple présence haïtienne dans cette sélection confirme le dynamisme de la scène théâtrale haïtienne francophone, en dépit d’un contexte de précarité institutionnelle et d’insécurité chronique. Les dramaturges haïtiens, portés par une nouvelle génération audacieuse, trouvent dans les scènes internationales des espaces d’écoute et de rayonnement. À travers leur écriture, ils rappellent que le théâtre n’est pas un luxe en temps de crise, mais un outil de survie, d’affirmation et de résistance.

Par Hector Marcoslev

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