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Bois Caïman : entre mémoire et oubli

Chaque 14 août, Haïti se souvient du Bois Caïman, cette cérémonie mystique de 1791 qui marqua le point de départ de la Révolution haïtienne. De Boukman à Cécile Fatiman, l’histoire a retenu ces figures qui, par leur serment, ont allumé l’étincelle de la liberté. Mais plus de deux siècles après, ce lieu symbolique reste paradoxalement livré à l’oubli.

Au-delà des discours et des célébrations annuelles, la réalité est amère. La route menant au Bois Caïman demeure difficile d’accès et l’espace où s’est tenue la cérémonie ne bénéficie d’aucune mise en valeur structurée. Quelques petites maisons de fortune entourent le site, mais rien ne traduit l’importance historique qu’il représente pour la nation.

« On vient ici chaque année pour commémorer nos ancêtres, mais le lieu reste tel quel. Aucune amélioration, aucun aménagement. C’est une honte pour notre mémoire collective », confie Emilson Jean, habitant de la zone.

Même constat du côté d’une étudiante venue de Cap-Haïtien : « On nous enseigne l’importance du Bois Caïman à l’école, mais quand on arrive sur place, on est déçu.  Ce site devrait être un centre historique, culturel et touristique digne de ce nom».

Pourtant, le potentiel est immense. Selon une étude de la Banque interaméricaine de développement (BID, 2022), Haïti pourrait attirer plus de 200 000 visiteurs annuels grâce à ses sites patrimoniaux si des infrastructures de base étaient mises en place. Le seul tourisme mémoriel lié à la Révolution haïtienne pourrait générer plusieurs millions de dollars en retombées économiques pour les communautés locales. Or, actuellement, moins de 5 % des visiteurs étrangers qui arrivent au Cap-Haïtien se rendent au Bois Caïman, faute d’aménagement et d’information.

Si le Bois Caïman incarne la naissance de la liberté et de l’identité haïtienne, il ne reflète pas encore cette grandeur dans son état actuel. Les autorités publiques, année après année, multiplient les déclarations, mais les actions tardent à suivre.

Le défi reste clair : transformer ce lieu de mémoire en un espace valorisé, qui honore l’héritage de 1791 tout en devenant un levier de développement local. Car une nation qui néglige ses racines, court le risque de perdre peu à peu l’essence même de son histoire.

Bois caïman n’est pas seulement un souvenir, c’est la racine de notre liberté. Laisser ce lieu dans l’oubli, c’est renier ce que nous sommes. Il est temps de passer des discours aux actes.

Dubois Olry

Agroéconomiste

olrydubois@gmail.com

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