19 octobre 2025

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Un peuple fatigué qui attend le changement : quel rôle pour le citoyen dans le développement d’Haïti ?

                
Depuis des décennies, le mot changement revient dans tous les discours politiques, dans les conversations quotidiennes et même dans les prières. Les Haïtiens, fatigués par la précarité, l’instabilité et la perte de repères, rêvent d’un pays qui avance enfin. Mais derrière cette attente collective se cache une question essentielle : le changement est-il seulement l’affaire des dirigeants, ou bien celle de chaque citoyen ?

Une fatigue nationale devenue chronique

La population haïtienne vit une fatigue qui dépasse la simple lassitude physique : c’est une fatigue morale, sociale et existentielle. Les crises politiques se succèdent, les promesses se multiplient, mais les résultats concrets se font rares. Beaucoup de citoyens se sentent dépossédés de leur avenir et doutent de leur propre pouvoir d’agir.
Cette démotivation généralisée, alimentée par la pauvreté et la méfiance envers les institutions, crée une société où la résignation remplace peu à peu l’espérance.

Un réflexe d’attente profondément enraciné


Dans la culture politique haïtienne, le citoyen a souvent été réduit au rôle de spectateur. On attend du gouvernement qu’il règle tout : l’électricité, l’eau, la sécurité, les routes, l’éducation. Or, cette dépendance vis-à-vis de l’État a fini par créer une spirale d’inaction.
Chaque crise renforce cette idée selon laquelle « tout dépend des autres ». Pourtant, un pays ne se construit pas uniquement par des politiques publiques ; il se construit aussi par des citoyens conscients, responsables et actifs.

Le citoyen comme acteur central du changement


Le développement d’Haïti ne pourra se réaliser que si chaque individu comprend qu’il a un rôle à jouer.

Un citoyen qui jette ses ordures dans la rue, qui fraude dans un examen ou qui corrompt un agent public participe, consciemment ou non, au maintien du désordre.
À l’inverse, celui qui respecte les règles, qui s’implique dans sa communauté ou qui entreprend honnêtement, contribue déjà à bâtir une société plus stable.

La citoyenneté active ne se limite pas au vote. Elle englobe la participation communautaire, la protection de l’environnement, le respect de la loi, la promotion de la solidarité et l’éducation civique. Autant de petits gestes quotidiens qui, mis ensemble, peuvent transformer le pays en profondeur.

Un système éducatif à réinventer


Si l’on veut former des citoyens responsables, il faut d’abord repenser l’éducation. Trop souvent, l’école haïtienne transmet des connaissances sans inculquer les valeurs de civisme, d’éthique et de responsabilité collective.
Le système éducatif devrait préparer les jeunes non seulement à réussir individuellement, mais aussi à servir la société. Cela implique de réintégrer dans les programmes scolaires des notions de citoyenneté, de respect des biens publics et d’engagement communautaire.

La société civile, levier du changement durable


Face à la faiblesse de l’État, la société civile a un rôle crucial à jouer. Les organisations communautaires, les associations de jeunes, les médias et les entrepreneurs sociaux sont autant de forces capables de promouvoir une nouvelle culture de responsabilité.
Ces acteurs peuvent contribuer à renforcer la cohésion sociale et à restaurer la confiance entre les citoyens et les institutions, à condition que leur action soit orientée vers le bien commun et non vers des intérêts personnels.

Changer la mentalité avant de changer le système

Aucun projet de développement ne peut réussir si la mentalité collective reste marquée par la méfiance, la passivité et la corruption. Le véritable changement commence dans les comportements individuels :
refuser la facilité, valoriser le travail honnête, dénoncer l’injustice et respecter les règles communes.
Changer Haïti, c’est d’abord changer la manière dont chaque Haïtien conçoit sa place dans la société.

Un appel à la responsabilité partagée

L’avenir du pays ne dépend pas uniquement des réformes politiques ou des aides internationales. Il dépend d’abord de la volonté du peuple à se réapproprier son destin.
Un gouvernement, même compétent, ne peut rien sans la participation active de ses citoyens.

Le changement ne viendra pas d’en haut, mais de la base — de cette majorité silencieuse qui, si elle décide d’agir, peut transformer la fatigue nationale en énergie collective.

En conclusion, Haïti n’a pas seulement besoin de nouveaux dirigeants ; elle a besoin d’une nouvelle conscience citoyenne.

Chaque Haïtien, qu’il soit étudiant, commerçant, enseignant ou fonctionnaire, détient une part du pouvoir de transformation. Le véritable développement commence le jour où chacun cesse d’attendre et commence à agir.

Olry Dubois, Agroéconomiste

Olrydubois@gmail.com

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