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Reconnaissance de Taïwan: la carte diplomatique à jouer pour Haïti

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Que la présidente taïwanaise ait choisi Port-au-Prince pour première étape de sa tournée caribéenne est symbolique du conflit diplomatique dans la région: les Dominicains voisins ayant noué des relations avec Pékin, Haïti est l’un des 17 pays à encore reconnaître Taïwan, avec de grandes attentes parfois déçues.

Cette préférence diplomatique ne constitue pas un point de débat au sein de la classe politique haïtienne, même si le revirement l’an dernier de Saint-Domingue en faveur de Pékin a permis à la République dominicaine d’obtenir de la Chine continentale des milliards de dollars.

La rencontre officielle prévue samedi entre la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen, bête noire de Pékin, et son homologue haïtien Jovenel Moïse suscite beaucoup d’espoirs.

En mai 2018, la visite du président haïtien à Taipei avait au contraire déçu, car elle s’était soldée sans grande annonce.

« Il n’y a eu rien de concret, rien de nouveau sinon la confirmation d’un accord de prêt qui avait été déjà négocié bien avant la visite », rappelle l’économiste haïtien Etzer Emile.

Alors que les investissements et prêts offerts par Pékin à la République dominicaine voisine avoisineraient les trois milliards de dollars, Taipei a accordé 150 millions pour aider à l’électrification d’Haïti.

Depuis ces fonds n’ont toujours pas été décaissés car la ratification du prêt par le parlement haïtien se fait toujours attendre. 

A la chambre des députés, les élus préfèrent évoquer la responsabilité du pouvoir exécutif dans la faiblesse de la relation haïtiano-taïwanaise.

« Si Haïti n’a pas exigé une coopération beaucoup plus importante avec Taïwan, on ne peut pas dire que la relation avec Pékin serait plus profitable » considère Alfredo Antoine, député de la majorité présidentielle, à la tête de la commission des affaires étrangères.

 Carte à jouer

Disposant pourtant d’une importante carte diplomatique à jouer, Haïti ne semblerait donc pas profiter de la situation. 

« La pression de Pékin pour récupérer la région pourra être une bonne occasion pour Haïti d’exiger plus des partenaires traditionnels en termes d’investissements et de financement de projets d’envergure », analyse Etzer Emile. « Mais il faut bien savoir se positionner sinon on va continuer à nous faire des dons mensuels de dizaines de tonnes de riz », craint l’économiste.

Alors que les manifestations réclamant sa démission se sont multipliées depuis un an, le président Jovenel Moïse n’a plus de gouvernement fonctionnel depuis trois mois et le parlement haïtien peine à rassembler suffisamment d’élus pour tenir séance. Cette crise politique dans laquelle Haïti s’enfonce pénalise d’autant le pouvoir de négociation du pays sur la scène diplomatique.  

Dans ce contexte délicat, la guerre commerciale lancée par Donald Trump contre Pékin est une pression additionnelle pour que le pays maintienne ses relations avec Taipei.  

« Il revient à Haïti de définir ses relations: aucun pays ne peut nous dire avec qui tenir des relations », assure Alfredo Antoine.

En janvier, sous pression de Washington, Haïti a voté en faveur d’une résolution de l’organisation des États américains condamnant le régime de Nicolas Maduro, ce malgré une relation historique de coopération avec le pouvoir chaviste. 

Si la présidente taïwanaise peut s’assurer du maintien des liens diplomatiques avec Haïti, les investisseurs qui l’accompagnent ne devraient dévoiler aucun projet majeur, au grand dam des responsables politiques haïtiens. 

« Il faut aider le pays à trouver des prêts qui répondent aux exigences du monde moderne: routes, aéroports, ports… On ne veut plus de dons: ça nous enfonce davantage dans l’abîme car ça ne peut en rien aider au développement réel du pays », juge pour sa part Evalière Beauplan, sénateur de l’opposition qui dirige la commission des affaires étrangères à la chambre haute. 

Avec les affrontements désormais quasi quotidiens entre gangs dans la capitale, la situation sécuritaire à Port-au-Prince ne favorise guère les entrées de dignitaires étrangers. 

Jovenel Moïse n’a encore reçu aucun de ses homologues au palais présidentiel. Le dernier chef d’Etat à être venu en Haïti est le président dominicain Danilo Medina en octobre 2016.

Amelie BARON/ AFP

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