Richenel Ostiné à Radio-Canada !
4 min readJ’ai été agréablement surprise d’écouter l’entrevue que M. Richenel Ostiné avait accordée à Radio-Canada à l’espace Première Heure, une émission très écoutée du célèbre journaliste québécois Claude Bernatchez, dans le cadre de la commémoration du dixième anniversaire du séisme du 12 janvier 2010. Voici le lien vers l’entretien autour du thème « 10 ans après le séisme en Haïti : l’impossible reconstruction psychologique » : https://ici.radio-canada.ca/premiere/emissions/premiere-heure/segments/entrevue/150424/haiti-seisme-tremblement-terre-reconstruction-michelle-dhaiti-richenel-ostine
Le tremblement de terre a fait 300 000 morts en moins d’une minute. Les séquelles sont encore là. On ressentait encore l’émotion d’un miraculeux qui a échappé à la fureur du séisme grâce à son empathie et son sens de l’amitié : « c’est en apportant une assistance à un ami qui avait un malaise que j’étais obligé de laisser l’auditorium de l’École Normale supérieure où j’organisais à l’époque une conférence-débat sur l’écrivain français Albert Camus », a-t-il souligné. Ce qui m’a le plus marqué dans les propos de M. Ostiné, au-delà du poids de la commémoration et des cicatrices émotionnelles, c’est son optimisme lucide, sa foi inébranlable dans son pays et dans son avenir. Pour conclure l’émission, à la réponse de l’animateur qui lui a demandé s’il souhaite retourner dans son pays après avoir bouclé ses études de deuxième cycle en administration et politiques de l’éducation, il a répondu, sans la moindre hésitation, qu’il n’a pas d’autres choix de s’y rendre définitivement : « Haïti m’a tout donné, il me faudra tout lui rendre en retour », a-t-il affirmé.
Quelques jours plus tard, j’ai téléphoné M. Ostiné pour commenter les événements de la dernière décennie. Sous un ton calme, pesé et mesuré, il a porté un regard intelligent et sans concession sur son pays. Après le séisme, il y a eu le temps de l’incompréhension et de l’impuissance. Puis, c’était de la solidarité entre les haïtiens. Il a insisté là-dessus : avant la solidarité internationale, les Haïtiens se sont mutuellement entraidés. Ensuite, il y a eu l’aide humanitaire, la dépendance par rapport à la coopération internationale, le CIRH, le choléra, la dilapidation des fonds de pétro Caribe, les mouvements de protestation contre la corruption et pour la reddition des comptes.
Toutefois, malgré ce constat glacial, en s’appuyant sur une démarche socio-historique, capable de mettre l’accent sur le déroulement du temps long et, du coup, permettre de mieux apprécier l’évolution des acteurs, M. Ostiné refuse toute pratique d’autoflagellation ou de commisération par rapport à son pays d’origine, Haïti. Il affirme, de ce fait, que cette décennie a permis d’assister à l’éclosion d’une nouvelle société civile dynamique, solidaire et impliquée. C’est aussi, pour lui, la décennie du numérique, avec la valorisation de nouveaux métiers, graphistes, développeurs, Web Masters, experts en informatique, etc. Les médias se sont ajustés par rapport à cette réalité. Il faut le reconnaitre. Haïti est, en quelque sorte, au cœur de la révolution numérique, avec évidemment toutes les réserves que cela implique. « On a vu des jeunes, malgré les difficultés structurelles, mettre sur pied des startups, apportant ainsi de la valeur ajoutée dans leurs champs respectifs. On a vu l’émergence de nouveaux talents, à la radio, à la télévision et sur les réseaux sociaux. Pour répéter mon ami Ricarson Dorcé, il y a une relève qui se crée, qui prend forme, qui s’améliore et qui se renforce. On a vu l’entrée triomphale des jeunes femmes dans certaines professions. Par exemple, elles sont de plus en plus nombreuses à être chroniqueuses sportives. Ici et là, ce sont des petites victoires qui renforcent ma foi dans ce pays », a-t-il précisé.
Il n’est plus à démontrer que le numérique peut être un puissant facteur de développement durable. L’économie numérique peut être au service du bien commun. Celui qui partage sa vie entre New-York, Port-au-Prince et le Québec, affirme que l’innovation technologique, la créativité et le progrès technique font partie des forces productives pouvant permettre la création des richesses. Il y a du potentiel à exploiter dans ce domaine. Dans cette perspective, en partenariat avec son épouse, quelques amis, des personnalités du monde du spectacle et tant d’autres, Richenel Ostiné compte s’approprier de cette bulle en vue de créer une startup innovant dans un domaine très prometteur d’ici peu. « C’est un scoop. Ce sera tout un évènement ! », nous a-t-il dit tout en souriant. Ainsi, avec le sens du savoir-faire, de la loyauté, d’une bonne maitrise de communication et des règlements clairement définis, on peut faire des merveilles. Il y a des ressources humaines de qualité qu’on peut mobiliser partout. Le miracle haïtien est encore possible !
Stéphanie F. Laguerre