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Haïti-Insécurité : une semaine agitée à Port-au-Prince

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L’insécurité ne cesse de marquer des points au sein de la société haïtienne. Cette semaine, le pays n’a pas été épargné de par ces épisodes, qui, malheureusement se font familiers à mesure que le laisser-faire devient la règle.

Peur, stress, tirs, morts, kidnappings : des mots qui font aujourd’hui partie du quotidien en Haïti, surtout pour ceux qui évoluent dans la capitale. Ils sont prononcés à la radio, par les proches. On les lit dans les journaux et ils font écho dans les esprits. Si l’insécurité est, en ce moment, l’un des sujets les plus préoccupants, si elle compte parmi ceux qui font couler le plus d’encre cette semaine, il est difficile de dire qu’elle inspire des actions concrètes du côté des instances chargées de la sécurité de la population.

Aussi, le phénomène kidnapping continue de faire son chemin, au mépris des droits fondamentaux du citoyen. Cette fois, le gang  mawozo n’hésite pas à faire parler de lui à l’échelle internationale avec le kidnapping de 17 missionnaires, le week-end dernier» Le chef du gang menace d’attenter à leurs vies, au cas où la rançon, 17 millions de dollars, ne serait pas versée.

Pendant ce temps, le pasteur Jean Mary Ferrer Michel, fondateur de l’église « Jesus Center », se trouve encore entre les mains de ses ravisseurs quoique, selon les membres de sa famille, la rançon ait été versée. Ses proches craignent pour sa vie, surtout qu’il a été enlevé sans ses médicaments alors qu’il est âgé et aurait la santé fragile.

Instabilité et dysfonctionnement

Accablée et mécontente de cette situation, la population de Port-au-Prince a observé deux journées de grève, à l’initiative des chauffeurs de transport en commun, cette semaine, paralysant de nombreuses activités : fermetures d’écoles et de plusieurs entreprises et administrations. La situation n’a pourtant pas changé d’un pouce puisque, dès la reprise timide des activités le mercredi 20 octobre 2021, des rumeurs d’enlèvements ont encore circulé.

Cette reprise d’activités n’a pas duré non plus, puisque les transporteurs de produits pétroliers ont annoncé un arrêt de travail pour le lendemain, protestant contre l’enlèvement de plusieurs d’entre eux. Ainsi, dès jeudi matin, les rues de Port-au-Prince ont été le lieu de beaucoup de tensions. Mécontents contre la pénurie de carburant, beaucoup de chauffeurs ont exprimé leur mécontentement : pneus enflammés, barricades… C’est dans ce climat que les élèves ont regagné leurs demeures, dans ce climat aussi que beaucoup de professionnels ont dû rentrer chez eux.

Pendant ce temps…

Tandis que le kidnapping bat son plein, le Ministre de l’intérieur et de la justice, Liszt Quitel, qui devrait être l’un des plus concernés par la situation est menacé d’être démis de ses fonctions pour une cause pour le moins surprenante : l’homme d’État aurait une implication présumée dans l’enlèvement du pasteur de l’église « Jesus Center ». Le ministère chargé de veiller à la justice serait donc en pleine période de crise, alors que sa bonne marche est essentielle pour pallier à cette situation.

Parallèlement, le directeur général de la Police Nationale d’Haïti (PNH), Léon Charles, a remis sa démission le jeudi 21 octobre 2021. Il est remplacé dans ses fonctions par Frantz Elbé, déjà contesté par Me Samuel Madistin qui souligne son passé douteux au sein de l’institution. Le nouveau Directeur général promet pourtant de : « Renforcer les dispositifs de sécurité à travers tout le pays spécialement dans la zone métropolitaine », cela, afin de prévenir les cas de kidnapping. Pourtant, c’est dans l’incertitude que se trouve la population, qui ne sait plus sur qui elle peut compter, regardant les institutions qui devraient garantir sa protection, s’enfoncer de plus en plus dans la corruption.

Et après…?

Si beaucoup n’ont de cesse de réclamer un changement de la situation, la psychologue Verlanda Alexandre voit plus loin que cela. Elle craint les séquelles que cette situation d’insécurité et d’instabilité pourrait occasionner. Selon elle, la psychose de peur, le découragement, ne sont rien face à ce que cette situation pourrait générer. Plus que la tendance à vivre au jour le jour, sans planifier pour demain, retrouvée chez nos jeunes, la psychologue craint « l’évitement, l’hyper-vigilance et la reviviscence ».

« Vivre un jour à la fois dans un tel contexte, c’est déjà ça », déclare-t-elle. L’évitement, selon Verlanda Alexandre, peut avoir des incidences sur la routine et les habitudes d’avant de la personne qui en souffre. « Qui, à l’avenir, pourra s’adapter à Martissant, Croix-des-Bouquets et autres zones rongées par l’insécurité ? », s’inquiète-t-elle. Selon elle, la population devra se guérir de ses traumatismes, afin d’apprendre à vivre normalement, une fois qu’elle aura atteint le bout du tunnel.

L’hyper vigilance affecte aussi la routine et pousse la personne en question a toujours vouloir se préparer au pire, jusqu’à vivre dans l’anxiété. Toutefois, c’est la reviviscence qui, selon la psychologue, est la plus difficile à vivre. Elle concerne ceux qui ont vécu la situation stressante ou traumatisante de près : la personne a vécu une tuerie, ou a été kidnappée, a dû fuir sous les balles, etc. Elle se manifesterait déjà chez beaucoup d’Haïtiens qui ont le réflexe de fuir au moindre bruit qui ressemble à celui des balles.

Ce sont autant de conséquences de l’insécurité qui pourraient se prolonger dans l’avenir.

Ketsia Sara Despeignes

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