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Allez en paix!

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Une masse de poussière épaisse s’est élevée soudain dans un concert de bruits inhabituels. Les bâtiments s’affaissaient, la terre vibrait, les cris de désespoir se faisaient entendre un peu partout. C’était la confusion totale, le carnage si on peut le dire autrement. Dans l’Ouest, particulièrement à Port-au-Prince, Léogâne, entre autres, c’était la fin du monde.

 Les os des victimes craquaient sous des masses de béton énormes, des survivants coincés appelaient à l’aide, ceux libres de mouvements, couraient ça et là en quête de leurs proches. Les larmes aux yeux, ils appelaient désespérément ceux qu’ils ne voyaient pas encore. La lucidité faisait place à la folie. Chacun se demandait ce que devenaient  ses proches éparpillés, sortis pour des causes multiples ou qui habitaient loin. Ce mardi 12 janvier 2010, la fureur du tremblement de terre a provoqué la mise en terre de plusieurs centaines de milliers d’Haïtiens.

Moins d’une minute a suffi à la nature pour rendre solidaire le peuple. En près de cinquante secondes le tremblement de terre a provoqué un changement des comportements et, ne serait-ce que pour quelques semaines, a permis à l’Haïtien d’accepter l’autre et de se rendre compte qu’il y avait  nécessité de se serrer les coudes. Traumatisme physique, traumatisme mental, un nouveau départ s’offrait aux nègres de la patrie de Jean Jacques Dessalines. Onze ans après où en sommes nous?

L’aide désorganisée de la communauté internationale  s’emparait d’Haïti dans un contexte où l’État haïtien déjà à l’agonie, était sur le point de trépasser sous les tentes. Le pays était ruiné. Les bâtiments qui représentaient l’État, des buildings grossissant notre patrimoine culturel, des sites d’université et près de 300 mille individus gisaient dans la cendre et la poussière. Un grand boulevard a été offert  à l’arrivée en masse des organisations non gouvernementales  (ONG). Certaines exécutaient des projets identiques, d’autres étaient mêlées à des scandales rebutants. Conséquences: le pays n’a pas reconstruit malgré la CIRH, des bâtiments en ruine sont restés debout comme des sites touristiques, le nombre d’handicapés a augmenté sans appui psychosocial,  Les petites bourses ont été de plus en plus décapitalisées,  la bidonvilisation s’est accélérée. Bref,  c’est devenu le début d’un cycle infernal.

Les ONG ont terminé ‘’la gagotte’’ et sont parties. On n’entend plus parler de CIRH, ni de la reconstruction d’Haïti. Les palais national, législatif et celui des ministères  appartiennent au passé. Les administrations se succèdent pour ne rien apporter sinon, scandales de toutes sortes et crises interminables.

On en croyait tous à un renouveau de l’être humain haïtien. Que le tremblement de terre constituerait un nouveau départ. Que l’État aidé par cette catastrophe allait lancer la nouvelle ère haïtienne. On se sentait tout près de l’âge d’or haïtien. Mais hélas, les ONG ont brisé cet élan de fraternité observé le 12 janvier 2010 et même après. Ont recommencé les coups bas,  son réapparus l’égoïsme et le mépris des efforts intellectuels. Des recrutements partisans, des non qualifiés donnent le ton, des projets bidons pullulent; la population qui doit vivre à la belle étoile accepte tout dans les plus pénibles conditions.

Les mésaventures haïtiennes ont continué leur course avec le choléra qui a fait son entrée en scène. On a eu ensuite les cyclones, les crises politiques, le petrocaribe, la Covid-19 l’insécurité, le kidnapping, entre autres. Bilan : les affairistes maintiennent le cap de la dilapidation des fonds publics, la politique du « ôte-toi que je m’y mette ». Des lois de finances budgétivores ont été adoptées tandis que la population continue d’être appauvrie de jour en jour. Quant aux chefs de gouvernement et de cabinets ministériels, n’en parlons pas.

En cette année 2021, onze ans après, l’exécutif, sans doute , le plus décrié durant cette décennie, appelle à faire de la journée du 12 janvier une journée de réflexion. Ce faisant il n’a même pas pris les mesures  nécessaires pour aménager le site de Saint Christophe hébergeant la mémoire des tragiques disparus. Pourquoi réfléchir et mettre le drapeau en berne si vous tourmentez le repos des morts?

Pourquoi penser à eux, si la mort citoyenne ne veut rien dire pour cette nation qui banalise la vie de ses fils et de ses filles. Comment faire preuve d’amour envers ceux qui nous précèdent si le pays est devenu invivable 11 ans après leur sacrifice. Pourquoi doit-on dire qu’on se souvient d’eux, si vous ne faites rien pour empêcher que ceux qui vivent encore n’aillent  dans l’au-delà prématurément? Que valent les fleurs, les larmes de crocodile , si aucune mesure n’est prise pour stopper le kidnapping et les meurtres?

Onze ans après, la population vit la peur au ventre. Des ‘’gagotteurs’’ ont vendu le sang des disparus pour le pouvoir et la richesse. Le sang des victimes coûtent des milliards de dollars. Elles n’ont même pas droit à des funérailles symboliques voire, à une fosse commune construite dans la dignité. Ils se sont sacrifiés pour une Haïti renouvelée et prospère. Dommage, le prix de leur sacrifice contribue à enrichir des opportunistes et a terrorisé la masse. Le sang des victimes du 12 janvier sert à alimenter le kidnapping, les assassinats à récurrence, les gangs, la contrebande, la corruption, la crise sociopolitique, le désordre généralisé, entre autres.

Le 12 janvier 2010 a fait son chemin, les morts aussi si on peut dire. Et nous disons à ces âmes désincarnées: allez en paix, laissez nous gémir dans notre incapacité à nous entendre et à nous faire du bien collectif. Lumière intensifiée!

Daniel Sévère

danielsevere1984@gmail.com

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