Analyse de certaines faiblesses du système électoral haïtien
4 min readLes professeurs Rosny Desroches et Jean-Claude Cherubin, dans une interview distincte accordée au journal Le Quotidien News, analysent, et ce, de manière « méthodique» quelques aspects relatifs aux faiblesses du système électoral haïtien. La fréquence des élections et le mode de scrutin, entres autres, ont été auscultés.
La période post-duvaliériste est marquée par l’avènement du processus démocratique en Haïti. Celle-ci met l’emphase sur les élections comme un outil permettant de renouveler le personnel politique du pays et ce, en mettant en application les lois électorales à l’aide du système électoral haïtien. Selon le professeur Rosny Desroches, celui-ci est défini et régi par une loi électorale votée par le Parlement. « Un Conseil Électoral indépendant de l’Exécutif réalise les élections. Ce Conseil est coiffé par un Collège de 9 membres et comporte une administration répartie à travers le pays. Le Conseil Électoral est le seul juge en matière électorale. Il réalise les élections et représente le recours en cas de constatation. Le CEP se prononce sur la validité des candidatures », explique M. Desroches.
Eu égard aux différents éléments retrouvés au sein du système électoral haïtien, il est souligné par le professeur Rosny Desroches que les élections du Président et des Parlementaires se font au suffrage universel direct selon un régime majoritaire à deux tours, tandis que celles des élus locaux se fait selon un régime à un seul tour.
« Les responsables locaux pour les communes et les sections communales sont votés en cartel de trois membres. Les élections des assemblées territoriales du Conseil Départemental et du conseil interdépartemental se font selon un suffrage universel indirect. Toutefois, ce processus d’élection indirect n’a jamais été finalisé», explique-t-il. D’un autre côté, il souligne que l’un des éléments du système électoral qui représente un problème, c’est la fréquence des élections étant donné que la durée des mandats est différente suivant les fonctions : 4 ans pour les élus locaux et les députés, 6 ans pour les sénateurs renouvelables tous les 2 ans par tiers, 5 ans pour le Président si bien qu’on peut avoir une élection tous les deux ans et parfois chaque année.
« L’autre problème qui ne relève pas du système électoral, mais du régime politique, c’est le déséquilibre qu’il y a entre le pouvoir du Législatif et celui de l’Exécutif, en faveur du législatif et le déséquilibre qu’il y a entre le pouvoir du Premier Ministre et celui du Président en faveur du Premier Ministre», ajoute M. Desroches en précisant que « le véritable problème c’est le manque de culture démocratique de la classe politique haïtienne, qui n’accepte pas l’alternance, ne respecte pas la durée des mandats, privilégie l’insurrection et souvent la violence par rapport au débat argumenté et à la conception électorale ».
Selon le responsable de l’Observatoire Citoyen pour l’Institutionnalisation de la Démocratie (OCID), l’un des points faibles de ce système électoral, c’est le fait que le Conseil Électoral Provisoire (CEP) est juge et partie au sens où il réalise les élections et juge des contestations. « La durée des mandats devrait être harmonisée pour réduire la fréquence des élections. Avec une moins grande tendance à la fraude, une moins grande propension à la violence et un système de sécurité fiable dans toutes les zones du pays, ce système […] donnerait d’assez bons résultats », dit-il.
En ce qui concerne la question : qu’est-ce que le peuple haïtien peut-il espérer de mieux avec ce système électoral, le professeur Rosny Desroches a répondu que la fièvre n’est pas dans le drap, mais dans le malade.« Un renforcement de l’éducation civique, une meilleure socialisation politique […] et un renforcement des partis politiques amélioreraient grandement la situation politique », a-t-il rétorqué.
De son côté, le sociologue politique et professeur à l’Université Quisqueya Jean-Claude Cherubin s’est questionné sur le mode de scrutin. « L’autre dimension qui échappe étonnamment aux considérations des observateurs et des acteurs politiques se rapporte au mode de scrutin», affirme-t-il. À notre connaissance, explique M. Chérubin, les autres modes de scrutin (proportionnel ou mixte) n’ont jamais fait l’objet d’une quelconque investigation pour tester leur conformité ou leur pertinence à notre contexte électoral. Sans parler de la nécessaire réflexion sur cette modalité de sélection des dirigeants devenue une panacée universelle imposée par l’ordre mondial libéral, que constituent les élections ».
Pour le professeur Chérubin, « l’exercice du suffrage universel direct a ses avantages mais aussi ses exigences ». D’après lui, « quand il ne tient pas compte du contexte socio-historique, il peut être manipulé de manière à désarticuler les sociétés, faciliter le rétrécissement de la souveraineté nationale et alimenter le chaos politique».
Jackson Junior Rinvil