Haïti s’enlise dans une spirale de violence sans fin marquée par une banalisation excessive de la vie humaine. Entre le 27 janvier et le 27 mars 2025, les localités rurales de Kenscoff et des quartiers de Carrefour, deux communes de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, ont subi des attaques répétées des gangs criminels. À la suite de ces attaques, au moins 262 personnes ont été tuées (115 membres de la population et 147 membres de gangs) et 66 autres ont été blessées (59 membres de la population et sept membres de gangs), a révélé le Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti BINUH) à travers un rapport paru au début du mois d’avril 2025.
Les attaques des bandits armés dans les localités de Kenscoff et des quartiers de Carrefour ont forcé plus de 3.000 personnes à fuir leurs localités, selon BINUH soulignant que les membres des gangs ont fait preuve d’une brutalité extrême, cherchant à semer la peur au sein de la population. « Ils ont exécuté des hommes, des femmes et des enfants, à l’intérieur de leurs maisons et en ont abattu d’autres sur les routes et sentiers alors qu’ils tentaient de fuir la violence, y compris un nourrisson », a révélé la mission politique de l’Organisation des Nations Unies en Haïti précisant en outre que les corps des victimes ont ensuite été brulés.
Selon le BINUH, des violences sexuelles contre au moins sept femmes et jeunes filles ont également été commises lors de la préparation et le déroulement des attaques. Les gangs ont aussi saccagé des maisons et ont incendié plus de 190 d’entre elles », explique BINUH.
Que font les forces de sécurité publique pour repousser les attaques des gangs armés ?
Disposant de ressources humaines et logistiques limitées et déjà déployées dans plusieurs zones à travers la capitale et le département de l’Artibonite, des unités de police spécialisées, accompagnées des Forces armées d’Haïti (FAd’H) et de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS), sont arrivées dans la zone le 27 janvier 2025, environ cinq heures après le début des attaques, a révélé le BINUH. « Si ce déploiement a pu repousser les gangs, ces derniers ont repris leurs assauts contre les localités de Belot, Bois d’avril et Godet, le matin du 3 février», a précisé la mission politique de l’ONU en Haïti. Malgré, cette fois-ci, dit le BINUH, une réponse rapide des forces de sécurité, la violence avait déjà provoqué une panique totale et entraîné de nouveaux déplacements de population.
Contentieux entre le Premier Ministre Alix Didier Fils-Aimé et le Directeur Général de la PNH Normil Rameau : Le BINUH en parle
D’après le BINUH, le retard pris par les forces de sécurité le 27 janvier pour répondre aux attaques des gangs, ainsi que les déclarations du Premier Ministre et du Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique, indiquant que les autorités avaient reçu des informations sur la préparation de ces attaques plusieurs jours avant qu’elles soient menées, pourraient souligner un manque d’alignement entre la direction de la Police nationale et le Gouvernement. Et de plus, « certaines instructions ministérielles émises en réponse aux attaques pourraient être interprétées dans ce sens», a écrit le BINUH.
Pourquoi les bandes armées veulent avoir le contrôle de la commune Kenscoff ?
Située au Sud de Port-au-Prince, la commune montagneuse de Kenscoff revêt une importance stratégique, car elle surplombe la commune de Pétion-Ville où se trouvent de nombreuses institutions, banques, zones commerciales et ambassades, fait remarquer l’organisme des Nations Unies en Haïti. Selon lui, les gangs auraient également mené les attaques pour contrôler la route récemment réhabilitée entre Kenscoff et Jacmel, la seule alternative routière relativement sûre pour accéder au sud d’Haïti. Selon le BINUH, la prise de contrôle de cet axe entraînerait des restrictions sévères de déplacements et entraverait les opérations de livraison de l’aide humanitaire dans le sud du pays. «Enfin, l’hypothèse d’attaques en vue de déstabiliser les autorités en place, en exposant leurs difficultés à protéger l’une des zones les plus résidentielles de la capitale, n’est pas à écarter », a précisé le BINUH.
Les recommandations de BINUH !
Le BINUH recommande aux membres du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) et du Gouvernement de « mettre en place des pôles judiciaires spécialisés pour lutter contre les crimes impliquant un grand nombre de victimes et les violences sexuelles, en vue de combattre l’impunité et de garantir aux survivants l’accès à la justice et aux réparations. Il plaide aussi pour le renforcement, avec le soutien de la communauté internationale, de la disponibilité des services pour les survivants de la violence, y compris garantir l’accès à un soutien adéquat en matière de santé mentale et psychosociale ».
En ce qui concerne les autorités judiciaires, le BINUH les recommande de « mener des enquêtes et poursuivre en justice les individus soupçonnés d’avoir commis des crimes lors des attaques de Kenscoff, notamment ceux impliquant des violations graves des droits de l’homme ». En outre, le Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti recommande à la Direction Générale de la Police Nationale d’Haïti d’ «élaborer un plan global pour reprendre le contrôle territorial des zones touchées par la violence des gangs et protéger la population. Il s’exprime favorablement pour le renforcement des capacités de collecte de renseignements de la Police Nationale d’Haïti (PNH) et assurer leur intégration dans la planification et l’exécution des opérations afin d’anticiper les mouvements et actions des gangs».
Toujours dans le rapport, le BINUH et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), « entre le 1er janvier et le 27 mars 2025 (dernière mise à jour disponible au moment de la publication), au moins 1.518 personnes ont été tuées et 572 blessées en Haïti, en raison des attaques menées par des gangs, des opérations des forces de sécurité, ainsi que les actes de violence perpétrés par des groupes d’autodéfense et des membres non organisés de la population». Ces chiffres, poursuit BINUH, s’ajoutent aux 5.601 personnes tuées et 2.212 blessées dans des circonstances similaires, à travers le pays en 2024. Par ailleurs, II importe de rappeler que ces derniers jours des pertes en vies humaines ont été enregistrées dans les rangs de la PNH. Les policiers Jose Rony et Simon Job ont été tués mercredi 9 avril 2025, sur la route de l’aéroport.
Jackson Junior RINVIL
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