Les déplacés de Gressier sont en train de vivre un enfer dans la cour de l’auditorium du lycée Anacaona de Léogâne. Mal logés, n’ayant aucun accès à l’eau potable, les déplacés font face entre autres à des maladies contagieuses au niveau de la peau (Gale), à la tuberculose ainsi que des infections sexuellement transmissibles (IST).
L’offensive des gangs armés à Gressier a contraint de nouvelles vagues de déplacement au sein de la population haïtienne. Ces déplacés vivent dans des conditions difficiles. À en croire le président de l’organisation MEDIC Haïti lors d’une interview accordée à Le Quotidien News le 11 août 2025, les déplacés de Gressier sont éparpillés aujourd’hui un peu partout à Léogâne et dans la région des Palmes. En revanche, avance-t-il, un très grand nombre d’entre eux vivent dans des camps de déplacés internes au centre-ville de Léogâne, sur la cour de l’auditorium du lycée Anacaona, à Guérin et à Sigueneau.
Sur la cour du lycée Anacaona à Léogâne — comme c’est le cas dans les autres camps des déplacés à Léogâne — les personnes qui y habitent, vivent dans une condition infra-humaine, indique Ulysse Jean Chenet soulignant que les déplacés internes n’ont pas d’accès à l’eau potable, aux intrants hygiène. « Ils sont très affamés et ils sont exposés à toutes sortes de maladies, comme des maladies de la peau (la gale), les infections respiratoires aigües, la tuberculose, les IST », explique M. Chenet.
« Les promoteurs de santé et des officiers de terrain de MEDIC Haïti se rendaient sur les lieux pour évaluer la situation. Le premier rapport fait mention des faits suivants :
1) l’espace est inappropriée pour recevoir un si grand nombre de déplacés;
2) Il y a un manque d’oxygène dans l’espace pour alimenter tout ce monde ;
3) Il y a des fumées tout près du centre d’hébergement qui intoxiquent l’environnement du centre;
4) Il y a aussi des déplacés qui cuisinent dans l’espace et qui dégagent encore des fumées en abondance et parmi les victimes, il y a certaines d’entre elles qui souffrent déjà des maladies chroniques et respiratoires qui méritent des attentions soutenues », a soutenu M. Ulysse, précisant que 85% des gens ont des problèmes de la peau et de plus 80% des enfants de 1 à 10 ans sont malnutris.
À cela, faut-il ajouter que « les cas de maladies hydriques et diarrhéiques sont très fréquents et les problèmes des infections respiratoires, des IST, de la tuberculose, des maladies métaboliques chez les personnes âgées ».
Quelles sont les causes de ces maladies ?
La surpopulation, le manque d’aération, l’insalubrité sont autant de facteurs qui détériorent la santé des déplacés internes, sans oublier le stress et d’autres traumatismes psychologiques, fait remarquer Ulysse Jean Chenet. En outre, il souligne que le soir, les déplacés internes se couchent au sol, sur des haillons. Parfois, ils passent leurs nuits debout, surtout quand il pleut. « L’espace n’est pas assez grand pour que tout le monde puisse se sentir à son aise. Au sein de l’espace, l’ambiance est très malsaine. Il y a un désespoir sur le visage des déplacés de Gressier qui s’installent dans la cour de l’auditorium du lycée Anacaona. Tout porte à croire qu’ils sont livrés à eux-mêmes. Dans certains coins et recoins de l’espace, l’air n’est pas agréable à respirer. C’est une odeur nauséabonde qui nous caresse nos narines. Par ci et par là, il y a des cas de maladies », explique-t-il.
Que font les autorités pour les déplacés ?
Ulysse Jean Chenet critique « le comportement des maires de Gressier» qui, selon lui, n’ont jamais rendu visite aux déplacés internes. En ce qui concerne la mairie de Léogâne, le président de MEDIC Haïti a fait savoir que c’est une mairie pauvre « qui ne reçoit presque pas de subvention de l’État central, surtout depuis l’assassinat du Président Jovenel Moïse et les gens ne paient pas leurs taxes ».
Pourquoi les déplacés de Gressier se retrouvent-ils dans la cour de l’auditorium du lycée Anacaona ?
Avant de se retrouver dans la cour de l’auditorium, « les réfugiés de Gressier s’étaient logés sur la place publique de Léogâne», a révélé M. Chenet. Mais, à l’occasion de la fête patronale, explique-t-il, la mairie de Léogâne, la Protection civile et des ONG internationales ont précipité pour relocaliser les déplacés de Gressier dans un endroit inapproprié situé dans la cour de l’auditorium du lycée Anacaona de Léogâne.
Il importe de rappeler que selon l’UNICEF, le 11 mai 2024, des groupes armés cherchant à étendre leurs territoires ont forcé plus de 33 000 personnes à fuir Gressier vers la commune de Léogane. Les deux tiers de ces personnes déplacées à l’intérieur du pays sont des femmes et des enfants. Par ailleurs, selon l’ONU, on compte au moins 246 sites de déplacés à Port-au-Prince. La majorité se trouve aujourd’hui submergée par l’arrivée incessante des populations, accueillant en moyenne 2 000 personnes chacune. Les conditions de vie y sont extrêmement précaires, avec un accès limité, voire inexistant, à l’eau, à la nourriture et aux soins de santé. L’hygiène et l’intimité sont quasi absentes.
« Les conditions de vie et d’hygiène sur les sites de personnes déplacées internes que nous visitons sont de plus en plus difficiles. Les familles entières s’entassent dans des petites salles ou sous des hangars. Des femmes avec des enfants en bas âge dorment à même le sol, parfois à la merci des intempéries et exposés à toute forme de violence. Si rien n’est fait, cette situation pourrait empirer », avait prévenu Mamoudou Diallo, responsable du programme Eau et Habitat pour le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) en Haïti, à travers un article paru sur le site internet du CICR en juillet dernier.
Jackson Junior RINVIL
rjacksonjunior@yahoo.fr