Carole Demesmin, la légende léoganaise
4 min readÀ travers la voix de Carole Demesmin, les musiques traditionnelles haïtiennes trouvent une fraîcheur à nulle autre pareille. Pendant longtemps, cette chanteuse au talent féerique, a été l’ambassadrice de la culture haïtienne. Chantant partout dans le monde l’histoire de son peuple dont elle est si fière. Carole Mawoule est en effet à la fois une icône pour ceux dont l’enfance a été bercée par sa voix, et un mythe pour cette nouvelle génération.
L’histoire de Carole Demesmin, chanteuse éminente, commence à la cité d’Anacaona où elle a grandi au sein d’une famille chaleureuse, animée notamment par la musique et la poésie de son père. Enfant, elle aimait admirer son père se tortiller en jouant du violon, et s’amusait à interpréter les textes qu’il rédigeait. L’ambiance était encore plus attrayante en vacances, quand elle mettait en scène avec d’autres enfants de sa famille et de son quartier, des petites pièces pleines d’innocence. Mais, ce qui la fascinait le plus était la peinture. « Pour une raison que j’ignore, mon père n’a jamais voulu que je fasse de la peinture », s’est rappelé Carole dans une interview avec le journaliste Carel Pedre.
Poussée par ses parents, Carole a migré aux États-Unis où elle a bouclé ses études secondaires, plus précisément à Boston, à un moment où la dictature battait son plein en Haïti. De là, elle a rencontré Paula Clermont Péan qui l’a invitée à assister une séance de répétition d’un groupe de jeunes qui faisaient du théâtre à l’époque. C’est dans le groupe Haïti-Culturelle, qu’elle a rencontré le parolier Jean-Claude Martineau dit « Koralen », qui est à l’origine d’une grande partie des paroles de ses chansons. C’est aussi dans les séances de répétition avec ce groupe, qu’elle a pu découvrir son talent dans la musique.
« Lè l a libere Ayiti va bel » est l’une de ses premières interprétations comme lead vocal de ce groupe d’artistes révolutionnaires qui évoluaient à Boston. « À travers ce chant, on voulait dire aux gens que nous sommes Haïtiens, et que par conséquent nous sommes de passage dans leur pays. Et qu’un jour, nous retournerons dans notre pays », a-t-elle expliqué. Consciente de sa virtuosité, Carole la léoganaise, conseillée par son ami pianiste Gerdes Fleurant, s’est rendue à « Berkeley College of Music », afin de perfectionner davantage son talent. Par ailleurs, elle a étudié la peinture, cet art qui la passionnait le plus et ce, bien avant sa rencontre avec la musique, au « Massachusetts College of art ».
De sa collaboration avec le poète et compositeur, « Koralen », ont vu le jour une pléiade de titres qui ont bercé plus d’une génération. « Carole Mawoule », son premier opus sur lequel se trouve Lumane Casimir, le titre qui l’a mise un peu plus au-devant de la scène, est un classique né de la plume du conteur. « On me disait souvent que j’avais le charisme de Lumane Casimir, quand je chantais. Donc, il fallait que je découvre qui était cette chanteuse…Et c’est ainsi que j’allais découvrir l’un de ses titres à succès, ‘’Papa gede bèl gason’’ », a fait savoir la chanteuse, sur l’origine de ce morceau sensationnel, composé en hommage à cette légende de la musique haïtienne des années 50. Lumane Casimir est en effet l’un de ses plus grands succès, si ce n’est le plus.
« Men rara », son deuxième album sorti en 1983, qui reflète les couleurs traditionnelles du vodou haïtien, a été primé aux États-Unis. Elle s’est engagée à travers son art à protéger les valeurs traditionnelles haïtiennes. Elle compte dans sa riche discographie trois albums : « Lawouze », « Bèl Kongo » et « Carole la léoganaise ».
En outre, ses œuvres ont enrichi le folklore haïtien en y introduisant de nouvelles sonorités qui ont rendu plus agréables certains rites traditionnels qu’elle chantait. La voix de « sou chimen pèdi tan », un titre à succès dans son répertoire, dit s’inspirer grandement du Vodou dans sa création artistique. Pour Carole Demesmin, prêtresse du vodou, il est important pour un Haïtien d’avoir une idée de ce qu’est la culture du vodou. Depuis quelques années, elle s’est lancée dans une démarche qui consiste à internationaliser le vodou en explorant les racines africaines des cultures caribéennes et de l’Amérique ibérique.
Sou chimen pèdi tan
Nou tout ape mache
Men nou pa konn kote
Nou prale
Sou chimen pèdi tan
Nou mache kòt a kòt
Men nou pa vle
Kole youn ak lòt…
Durant environ une quarantaine d’années, les paroles chantées par la voix de « Lesivyè », ont décrit la sinistre réalité de la politique haïtienne, mais elles ont également insufflé de l’espoir au peuple haïtien qui traverse, comme un « Mawoule », une voie pleine d’obscurité parsemée d’embûches. Sa musique nous dit que la lumière est au bout du tunnel. Honorée pour sa carrière, Carole Mawoule est une icône pour ceux dont l’enfance a été bercée par sa voix, une légende pour cette nouvelle génération.
Statler LUCZAMA