23 février 2025

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Comment Haïti peut-il tirer profit du conflit commercial lancé par le Président américain Donald Trump ?

Depuis son retour à la Maison Blanche le 20 janvier 2025, le Président américain Donald Trump s’est lancé dans un conflit commercial avec certains pays en les imposant une augmentation des droits de douane, l’imposition de quotas et d’autres. Si pour certains pays ces représailles peuvent être désastreuses du point de vue économique, pour d’autres, il y a une opportunité à saisir.  Interviewés à ce sujet par Le Quotidien News ce 22 février 2025, l’économiste Guy Mary Hyppolite et l’experte en négociation et en résolution des litiges commerciaux internationaux Rose Tania Charles estiment, chacun de leur côté, que Haïti peut exploiter les tensions commerciales mondiales en renforçant ses industries locales, en modernisant ses infrastructures et en améliorant son climat des affaires sans oublier que Haïti se trouve dans une position géographique idéale.

Haïti s’enlise dans une crise multidimensionnelle sans précédent depuis plus de quatre ans. Cet état de fait n’est en rien une fatalité. Car à chaque situation de troubles, il y a toujours des opportunités à saisir. Et aujourd’hui, Haïti a un coup à jouer dans le conflit commercial qui existe entre les États-Unis et certains de ses alliés, mais aussi la Chine. « Haïti peut exploiter les tensions commerciales mondiales en renforçant ses industries locales, en modernisant ses infrastructures et en améliorant son climat des affaires», explique Mme Charles. À en croire l’experte en négociation et en résolution des litiges commerciaux internationaux, les accords HOPE/HELP, qui permettent aux textiles haïtiens d’accéder au marché américain sans droits de douane, représentent un levier clé pour l’économie nationale. Cependant, dit-elle, « leur expiration prévue en septembre 2025 menace des milliers d’emplois et l’ensemble du secteur manufacturier. Leur renouvellement est donc une priorité absolue».

Pour M. Hyppolite, Haïti pourrait potentiellement bénéficier de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine en se positionnant comme une alternative pour certaines importations américaines. En 2020, a-t-il rappelé, « Haïti a exporté vers la Chine pour une valeur totale d’un peu moins de trois millions de dollars, tandis que ses importations en provenance de Chine étaient nettement plus élevées ».

D’après l’économiste Guy Mary Hyppolite, les restrictions sur les produits chinois pourraient inciter les entreprises américaines à rechercher d’autres fournisseurs. « Haïti, qui exporte déjà une grande partie de ses marchandises vers les États-Unis, principalement des articles manufacturés comme les textiles et les vêtements, pourrait accroître sa part de marché en diversifiant et en augmentant sa production pour répondre à la demande américaine », affirme M. Hyppolite.

Quoiqu’il existe déjà un rapport commercial entre Haïti et les États-Unis, Rose Tania Charles encourage les autorités haïtiennes à ne pas seulement prioriser le marché américain. Elle les conseille de se  tourner vers d’autres marchés également. Celle qui est détentrice d’un Master en médiation et résolution des litiges commerciaux internationaux estime que la diversification des débouchés commerciaux est essentielle. « L’exploration de nouveaux marchés en Amérique latine, en Afrique et dans la Caraïbe pourrait offrir des opportunités économiques plus avantageuses. Par ailleurs, des partenariats stratégiques avec des pays comme le Canada, la France et l’Allemagne, engagés dans l’industrialisation et l’économie verte, ouvriraient la voie à des investissements et transferts de technologies bénéfiques», affirme  Mme Charles  en soutenant que le développement des infrastructures portuaires, notamment à Miragoâne, Saint-Louis du Sud et au Cap-Haïtien, améliorerait la connectivité commerciale et renforcerait l’attractivité du pays auprès des investisseurs étrangers.

En adoptant une approche proactive et en diversifiant ses alliances commerciales, Haïti pourrait non seulement atténuer les risques liés aux accords HOPE/HELP, mais aussi s’intégrer durablement dans l’économie mondiale, explique Rose Tania Charles.

À en croire l’économiste Guy Mary Hyppolite, Haïti peut exploiter plusieurs opportunités économiques découlant de la guerre commerciale lancée par Donald Trump. « Diversification des exportations,  attraction d’investissements étrangers et renforcement des accords commerciaux », pense-t-il. De plus, il soutient que si Haïti parvient à exploiter les opportunités offertes par ce conflit, cela pourrait stimuler la croissance économique, créer des emplois, améliorer les infrastructures, renforcer la stabilité économique.

Haïti doit-il s’inquiéter de ce conflit commercial ?

Selon Mme Charles, ce conflit commercial doit être signal d’alarme pour Haïti. « La reconfiguration des échanges mondiaux crée des opportunités, mais elles ne profitent qu’aux économies prêtes à les saisir. En modernisant ses infrastructures et en améliorant son climat des affaires, Haïti pourrait capter des investissements redirigés des grandes puissances», affirme-t-elle. Cependant, selon M. Hyppolite, Haïti doit rester vigilant en dépit du fait que ce conflit commercial ne cible pas le pays directement. « Un ralentissement de l’économie mondiale résultant de ces tensions pourrait réduire la demande pour les exportations haïtiennes. De plus, une perturbation des chaînes approvisionnement mondiales pourrait affecter les importations essentielles d’Haïti », croit l’économiste Guy Mary Hyppolite.

Le conflit commercial entre les États-Unis et la Chine présente des défis et des opportunités pour Haïti, martèle M. Hyppolite. De plus il souligne qu’en se positionnant stratégiquement, Haïti pourrait tirer parti de cette situation pour stimuler son développement économique.  Cependant, avance-t-il, pour exploiter pleinement ces opportunités, Haïti doit renforcer sa sécurité intérieure. « La violence orchestrée par des groupes armés a conduit à une contraction du PIB de 4,2 % en 2024, illustrant l’impact négatif de l’insécurité sur l’économie nationale. De plus, des dirigeants forts et visionnaires sont nécessaires pour défendre les intérêts du pays sur la scène internationale et pour mettre en œuvre des politiques favorables au développement. Enfin, la consolidation d’institutions solides est essentielle pour garantir la stabilité, attirer les investissements et instaurer un climat de confiance propice aux affaires. Sans ces fondations, les opportunités offertes par le contexte international pourraient ne pas se traduire par des bénéfices concrets pour Haïti et sa population», a-t-il insisté.

De son côté, Rose Tania Charles exhorte le gouvernement haïtien à agir sans tarder en ratifiant et en mettant en œuvre l’Accord sur la Facilitation des Echanges (AFE) afin de simplifier les procédures douanières, réduire les coûts commerciaux et attirer davantage d’investissements étrangers. « Parallèlement, il est impératif de renforcer les infrastructures portuaires et logistiques, notamment à Miragoâne, Saint-Louis du Sud et au Cap-Haïtien, pour faciliter les exportations et positionner Haïti sur les nouvelles routes commerciales. Enfin, la diversification des partenariats économiques est essentielle : en développant des accords commerciaux avec des pays d’Amérique latine, d’Afrique et de la Caraïbe, le pays pourra réduire sa dépendance aux États-Unis et mieux résister aux chocs économiques mondiaux», a-t-elle conclu.

Jackson Junior RINVIL

rjacksonjunior@yahoo.fr

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