Concours de textes sur les femmes et leurs droits socioéconomiques : une deuxième édition réussie
6 min readLes lauréats et lauréates de la deuxième édition du concours de textes sur les femmes et leurs droits sont désormais connus. Après la Grande Finale ce 3 avril 2023, Roobens Isma, Staël Toussaint et Nathalie David ont remporté les premiers prix, respectivement dans les catégories « Handicap », « Avortement » et « Inclusion financière ».
C’est à la salle de conférence du Centre de Conservation des Biens Culturels (CCC) de l’Université Quisqueya, laquelle héberge le journal Le Quotidien News, que s’est tenue la grande finale du Concours de textes organisé sur le thème « Femmes et droits socioéconomiques » ce 3 avril. Dès dix heures du matin, devant plusieurs dizaines d’invités et un jury composé de cinq femmes triées sur le volet, les quinze finalistes ont fourni une prestation de qualité, et deux lauréats pour chaque catégorie ont été retenus.
Lancé depuis novembre 2022, ce concours de textes a été l’occasion pour Le Quotidien News, de renouveler ses engagements auprès de la jeunesse haïtienne et envers le respect des droits humains, en particulier ceux des femmes haïtiennes. « Nous avons inscrit ce concours dans une logique d’action intergénérationnelle qui consiste à préserver les acquis des générations passées et à les transmettre à la génération montante afin que nous puissions rester rattachés aux exploits les plus nobles de l’humanité », a fait savoir le PDG de Le Quotidien News, Cluford DUBOIS dans son discours.
De son côté, Alain SAUVAL, Directeur de la communication de l’Université Quisqueya et conseiller spécial du journal, y voit « un message fort » lancé à la jeunesse haïtienne. « Il s’agit ni plus ni moins que de contribuer à relever le drapeau de la condition féminine dans ce pays », a-t-il ajouté tout en relevant des interventions des différents participants « la nécessité pour les femmes de reconquérir leur dignité, leur intégrité, leur capacité à s’affirmer, à se poser comme sujet, et à refuser d’être traitées comme objet, un statut que les hommes leur imposent constamment ».
Également présent à cette cérémonie, M. Gilles Raharinandrasana, chef de la section « Changement Social et de Comportement » de l’UNICEF en Haïti, a dit voir en ce concours de textes une réalisation en phase avec la lutte pour l’égalité dans le pays, dans un contexte des plus difficiles. « Les crises socio-économiques et politiques, les catastrophes naturelles, la violence générée par les groupes armés et l’insécurité qui sévit dans le pays ces dernières années exacerbent les inégalités entre sexes et intensifient considérablement toutes formes de violences faites aux femmes et aux filles », a-t-il rappelé. Par ailleurs, il n’a pas cessé d’appeler les victimes de violences sexuelles dans le pays à porter plainte. « Si le silence continue d’être entretenu, ce fléau continuera de briser des vies entières et de se perpétuer de génération en génération », a affirmé M. Raharinandrasana.
Point de vue des six lauréats
Les idées innovantes et les discours contre l’inégalité ont été légion à la salle de conférence du CCC au cours de cette finale. Staël TOUSSAINT, premier lauréat pour la catégorie « Avortement », estime qu’il faut dépénaliser l’avortement en Haïti. Cependant, il croit que l’avortement remet également en cause « des valeurs importantes pour une société haïtienne attachée à la tradition, et profondément spirituelle ». Ainsi, il a jugé bon de prendre position pour une dépénalisation sous condition. « Pour éviter les dérives ou l’irresponsabilité sexuelle que craignent les adeptes de la morale religieuse, il faudrait redéfinir le cadre en garantissant l’avortement, dans les cas de viol, d’inceste, de malformation fœtale ou de risque pour le bien-être physique et psychologique de la femme ».
Parallèlement, Carl Henry BURIN, deuxième lauréat de cette catégorie, y voit une question de santé publique, et estime que la dépénalisation de l’avortement permettra d’éviter de trop nombreux cas de mortalité maternelle. « Beaucoup de femmes perdent la vie, en se confiant à des charlatans pour expulser de leur ventre le fœtus qu’elles ne veulent garder. L’avortement est par conséquent l’une des causes de mortalité maternelle les plus répandues au pays ». Cependant, contrairement à M. TOUSSAINT, Carl Henry BURIN semble plaider en faveur d’un droit à l’avortement libre de toute contrainte. « Cette revendication ne répond donc pas simplement à des exigences économiques ou sanitaires, mais exprime aussi bien le désir d’affirmation pour les femmes, de se sentir libres dans leur corps, sans avoir à subir les diktats d’un système-monde dont elles sont exclues ».
Roobens ISMA est le premier lauréat du concours pour l’inclusion des personnes handicapées dans la société haïtienne, et selon lui, « des changements majeurs doivent être avant tout opérés dans les structures sociales de la société ». « Il faut faire bouger les lignes tant sur le plan éducatif, politico-juridique, économique pour ne citer que ceux-là », estime M. ISMA. Également, il se veut être clair, il ne s’agit aucunement d’accorder des faveurs aux personnes en situation de handicap, mais de rétablir la justice. « Il ne s’agit pas ici d’accorder une quelconque faveur, mais de préférence respecter les droits inaliénables trop longtemps bafoués d’une catégorie de personnes, marginalisées ».
Vickania TURENNE, deuxième lauréate de cette catégorie, appelle à la démarginalisation des personnes en situation de handicap. « Deux mots : femmes et handicap. Chacun portant leur propre lot de marginalisation », s’est-elle indignée tout en réclamant pour ces 15% de la population l’accès aux infrastructures et aux services sociaux. Mlle TURENNE, elle-même interprète en langue des signes, a plaidé en faveur de la mise sur pieds « d’ écoles et d’universités inclusives avec des structures spécialisées », ainsi que la vulgarisation de l’enseignement des langues des signes ou des dispositions de traduction pour les sourds-muets.
Pour la catégorie « Inclusion financière », c’est Nathalie DAVID qui a remporté le premier prix. Selon elle, « Une meilleure croissance économique ne pourrait favoriser un développement durable sans l’insertion des femmes dans le secteur économique ». Pour Mlle DAVID, « Une déconstruction totale s’impose face à ce cataclysme systémique ».
Quant à Marc Hérold NORELUS, deuxième lauréat de cette catégorie, la priorité a été de s’attaquer à l’inégalité hommes-femmes dans l’accès aux opportunités, en particulier devant les institutions financières et au niveau des salaires. « Les femmes haïtiennes bénéficient de 51% des prêts totaux accordés dans le système financier contre 49% pour les hommes. Cependant, en termes de volume, les hommes reçoivent 70% du montant total accordé et les femmes seulement 30% », a-t-il rappelé en plaidant contre un système qui dit favoriser les femmes, mais qui, dans les faits, les traite en parents pauvres.
Rappelons que cette deuxième édition a été soutenue par la Banque de la République d’Haïti (BRH), l’Ambassade de France en Haïti, l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF), l’Université Quisqueya, la DIGICEL, l’Initiative Spotlight, l’Union Européenne, l’UNICEF et Panos des Caraïbes.
Clovesky André-Gérald PIERRE