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Corruption: l’ULCC recommande des poursuites pénales contre d’anciens hauts fonctionnaires

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Les actes de corruption sont légion dans l’administration publique haïtienne. Ce 3 mars 2023, l’Unité de Lutte Contre la Corruption a recommandé des poursuites pénales et administratives contre d’anciens hauts fonctionnaires haïtiens. Neuf dossiers ont été soumis au parquet aux fins de suivis légaux.

Le dossier Petro Caribe est loin d’être le cas le plus flagrant de corruption dans l’administration publique haïtienne. Élus, hauts fonctionnaires, contractuels, aucune catégorie ne semble prête à épargner les maigres ressources de l’État haïtien. Dans un ensemble de dossiers publiés par l’ULCC ce 3 mars 2023, des cas de corruption ont été soupçonnés au niveau de l’Administration Générale des Douanes, du Bureau départemental de l’APN/Port international du Cap-Haïtien, du Sénat de la République, du Lycée Faustin Soulouque de Petit-Goâve, de la Mairie de Pétion-Ville, de la Caisse d’Assistance Sociale (CAS), et de l’Université Publique de l’Artibonite aux Gonaïves (UPAG)

Un phénomène qui se reproduit dans l’administration publique  est l’omission des fonctionnaires et autres de faire leur déclaration de patrimoine ni à leur entrée, ni à leur sortie de fonction, telle que prévue par la loi du 12 février 2008. Dans ses résumés exécutifs de rapports d’enquête, l’ULCC a communiqué la liste des Sénateurs de la dernière législature à n’avoir fait aucune déclaration de patrimoine. Parmi eux se trouvent les anciens Sénateurs Nawoom Marcelus, Dieudonné Etienne Luma, Sauveur Jean Jacques, Jean-Marie Junior Salomon, Richard Lénine Hervé Fourcand, Wilfrid Gélin et Willot Joseph.

Le cas de Romel Bell, ex-Directeur Général de l’AGD

Dans son « Résumé exécutif du dossier relatif aux violences exercées sur les agents de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) lors de la perquisition réalisée à l’Administration Générale des Douanes (AGD), le 20 mai 2022 », l’ULCC détaille les soupçons d’enrichissement illicite et de détournement de biens publics pesant contre M. Romel Bell, alors Directeur Général de l’AGD, et les conclusions d’une commission d’enquête mandatée à cet effet.

Lors de ses enquêtes, la commission s’est rendu compte que l’ancien Directeur Général de l’AGD s’est enrichi de façon illicite au détriment du Trésor public. Au niveau de ses déclarations de patrimoine, un très grand nombre de biens meublés et immeubles dont des véhicules, des comptes bancaires, des entreprises commerciales, des propriétés bâties, etc.,  ont été sciemment dissimulés, selon le rapport de l’ULCC. Pour Monsieur Bell qui a intégré la fonction publique le 13 mars 1995 à titre d’inspecteur à la douane du Cap-Haïtien avec un salaire de 2 500 gourdes, « un calcul partiel de la disproportion du patrimoine réel de M. Romel Bell par rapport à ses revenus légitimes a permis à la commission de constater une variation de cent cinquante-neuf millions cent cinquante mille huit cent trente un Gourdes et 24/100 (159 150 831.24), soit un pourcentage de 748.77% », a révélé l’Unité de Lutte Contre la Corruption.

« Il n’y a donc guère de doute que M. Bell s’est enrichi illicitement au détriment du Trésor public, ce qui l’expose à des poursuites pénales », conclut l’ULCC. Pour blanchir les produits du crime, le Directeur Romel Bell et sa femme se sont servis de l’organisation à but non lucratif dénommée : « Òganizasyon Renmen Timoun yo (ORT) » basé à Campion, 4e Section Bassin Diaman, Cap-Haïtien.

Selon le rapport, la commission a pu retracer entre le 16 août 2019 et le 6 novembre 2020, six transferts internationaux destinés à « Monverde Academy Inc », domicilié aux États-Unis d’Amérique, totalisant un montant de 94 063.25 dollars américains, pour payer la scolarité des enfants des époux Bell. Il est important de souligner que l’organisation en question a pour mission de « donner un foyer stable et sécurisant aux enfants orphelins, déshérités et abandonnés afin de devenir des citoyens à part entière ».

En conclusion, la commission d’enquête recommande la mise en mouvement de l’action publique contre Romel Bell pour « enrichissement illicite, blanchiment du produit du crime et fausse déclaration de patrimoine », et contre la dame Anna Dorvil Bell, son épouse, comme co-auteur de blanchiment du produit du crime.

Le cas de l’ancien sénateur Youri Latortue

Dans son « Résumé exécutif du rapport d’enquête sur l’émission de chèques par le Trésor public à l’ordre de Madame Carmen Immacula Cantave, mère de l’ex-sénateur Youri Latortue », l’ULCC a révélé les résultats de ses enquêtes menées sur la mère de l’ancien Président du Sénat haïtien, soupçonné de corruption après que des photos de chèques émis à l’ordre de sa mère, Carmen Immacula Cantave, avaient été publiées sur les réseaux sociaux.

Selon le rapport de l’ULCC, Mme Cantave a été engagée comme contractuelle par le Sénat de la République entre octobre 2017 et le 13 janvier 2020, en vue de tenir le rôle de coordonnatrice du Bureau du Sénateur Youri Latortue. Au cours de cette période, 9 chèques d’un total de 2 862 472.24 gourdes ont été émis par le Trésor public à son nom. L’enquête menée par l’ULCC révèle que l’emploi pour lequel Mme Cantave était rémunérée avait un caractère « purement fictif ». « Il s’agissait au fond d’un stratagème utilisé pour détourner les fonds publics à des fins privées », précise l’ULCC.

« Il importe aussi de signaler que le salaire octroyé à Mme Cantave s’est révélé deux fois supérieur à celui d’un Sénateur », lit-on dans le rapport. 350 000 gourdes pour Mme Cantave en tant que coordonnatrice du bureau de son fils, contre 121 200 gourdes pour un Sénateur. La commission a constaté, à partir de l’endossement des chèques, que huit des neuf ont été déposés sur le compte personnel du Sénateur Youri Latortue, et l’autre a été déposé sur un compte appartenant à la société NATIONAL SECURITY S.A. dont il est l’un des principaux actionnaires. « Il s’agit donc d’un acte avéré de détournement de fonds », précise l’ULCC dans son rapport d’enquête.

La commission a constaté également des chèques émis en 2017 à l’ordre de Mme Cantave pour motif « per diem », par lesquelles l’État haïtien avait pris en charge quatre voyages à l’étranger (Floride, Canada, Vietnam et Nice/Paris) et sept autres à travers différentes villes du pays, pour un montant total de 1 066 007.50 gourdes. Cependant, les informations fournies par la Direction de l’Immigration et de l’Émigration ont, toujours selon ce rapport, permis à la commission d’enquête d’attester que le dernier voyage à l’étranger de Mme Cantave remonte au 9 mai 2014.

Finalement, la commission d’enquête, malgré l’absence de collaboration de Joseph Lambert, Président du Sénat au moment de l’enquête, a pu arriver à la conclusion que la mère de l’ancien Sénateur de la République servait de couverture à une opération de détournement de fonds publics. Président du Sénat lors de la signature du premier contrat en 2017, le Sénateur Latortue avait pour obligation de « veiller à la sauvegarde des intérêts de l’institution en s’assurant de la régularité de ce contrat ». Ainsi, l’ULCC recommande à la CSC-CA un audit global de l’administration du Sénat durant la présidence de Youri Latortue, et sur le plan pénal, la mise en mouvement de l’action publique contre ce dernier pour « prise illégale d’intérêts et détournement de fonds publics ».

Clovesky André-Gérald PIERRE

cloveskypierre1@gmail.com

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