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Organisation d’un Forum sur la réduction de la violence communautaire dans les dix  départements géographiques du pays par une Task force regroupant des représentants du Gouvernement haïtien, du PNUD et du BINUH

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Dans le cadre du respect des principes de la démocratie participative et de la bonne gouvernance qui encouragent l’implication des acteurs des communautés locales dans la formulation des politiques répondant à leurs besoins propres, des responsables de certains organismes étatiques et représentants d’organisations de la société civile dans les dix départements géographiques du pays ont pris part du 11 au 27 février à un Forum visant l’élaboration d’un Plan d’action autour de la Stratégie de réduction de la violence communautaire.

En effet, à un moment où la nation fait face à un niveau de criminalité et d’insécurité sans précédent, œuvre d’un ensemble de gangs armés, il est apparu urgent pour les membres d’une Task force regroupant à la fois plusieurs institutions régaliennes de l’État haïtien et des représentants du PNUD et du BINUH de donner la parole aux autorités et aux citoyens des communautés locales, afin qu’ils participent à la détermination du cadre logique d’action destiné à inspirer un Plan d’action national en matière de réduction de la violence communautaire.

Cet intérêt d’organiser une consultation citoyenne à l’échelle nationale sur les enjeux et défis de la violence communautaire était d’autant plus urgent que certains spécialistes, dont James Boyard, estiment que le phénomène de l’insécurité criminelle connait aujourd’hui au moins six expressions négatrices des droits de l’Homme et de l’ordre public, dont :

  • la dynamique de la « Prolifération des gangs armés » :Si entre 2004 et 2007, on a évalué le nombre des gangs armés à travers tout le pays à environ 34, ce nombre est estimé depuis 2018 entre 130 à 162, dont la plupart sont localisés dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince ;
  • la dynamique de la « Radicalisation de la violence criminelle » : alors que pendant les années antérieures, les gangs armés recouraient à la violence seulement de manière occasionnelle ou ciblée, depuis 2020, ces bandits se permettent même de prendre l’initiative d’attaques frontales contre les forces de l’ordre, au point qu’on a estimé en 2022 le nombre de policiers assassinés à 54, sans compter qu’une quinzaine ont déjà été exécutés au cours des deux premiers mois de l’année 2023. A ces chiffres, il faut aussi ajouter un total de 2183 cas d’homicides et 1359 cas de kidnapping durant l’année 2022, alors qu’en 2020 on comptait seulement 698 cas d’assassinats et 47 cas de kidnapping. Cette radicalisation de la violence des gangs, précise le Consultant en sécurité James Boyard est due non seulement au fait que ces bandits ont désormais accès à des sources d’approvisionnement en armes et munitions de gros calibre, mais aussi parce ces derniers versent de plus en plus dans une logique de « politisation » ou de « théâtralisation » de la violence au cours de laquelle la violence est « mise en scène » pour devenir une arme médiatique de terreur ;
  • la dynamique de la « Sanctuarisation des zones de repli des gangs » :baptisées « Zones de non droit », ces territoires entièrement contrôlés par les gangs armés, explique le Professeur James Boyard, sont devenus grâce à la morphologie anarchique de leur habitat, à l’absence d’infrastructures routières et aux reliefs escarpés de ces zones, de réelles places fortes inaccessibles aux forces de l’ordre. Ce blindage des frontières de ces zones de repli des gangs armés est d’autant plus évident que ces gangs utilisent les membres de la population limitrophe comme bouclier humain contre les tentatives de pénétration de la Police ;
  • la dynamique de l’« Extension continue des territoires soumis au contrôle des gangs » : si auparavant les gangs armés restaient confinés dans leurs « zones de repli », quitte à procéder à des débordements isolés sur les grands axes pour procéder à des actes de kidnapping ou de détournement de camions de marchandises, depuis le début de l’année 2021, il n’existe presqu’aucun quartier dans l’air métropolitaine de Port-au-Prince qui ne soit pas exposé à une présence des gangs. Ce processus d’extension territoriale, nous dit le consultant en sécurité James Boyard, s’explique par trois facteurs, notamment la quête de ressources, à travers notamment le kidnapping de résidents des beaux quartiers capables de payer de fortes rançons, la volonté de certains chefs de gangs d’accéder à une position hégémonique vis-à-vis d’autres gangs adverses et surtout le désir pour ces bandits de contrôler des quartiers de grande densité dans une perspective électoraliste ;
  • La dynamique de l’« Attractivité des gangs armés pour les enfants des rues » : alors qu’autrefois, les gangs armés procédaient à l’enrôlement forcé des enfants des rues au sein de leur effectif, depuis au moins l’année 2020, ces gangs ont la capacité de recruter ces enfants sur une base volontaire, en les offrant selon le cas 50 dollars américains par jour ou par semaine. Le problème, précise Monsieur Boyard, c’est que même si le traitement financier accordé à ces enfants démunis est alléchant, leur survie au sein de ces gangs demeure de très courte durée, du fait qu’ils sont utilisés en première ligne ou comme chair à canon durant les guerres de territoire ou les épreuves de force avec la Police ;
  • La dynamique de la « Féminisation de la violence communautaire » : à cause de la forte culture toxique de misogynie qui caractérise le milieu criminel, les filles et les femmes deviennent de plus en plus les premières cibles de la violence des gangs. Lorsqu’elles ne sont pas sauvagement tuées pendant les expéditions punitives menées par un gang dans un quartier contrôlé par un gang adverse, elles servent de tribut aux gangs vainqueurs et sont soumises systématiquement à des viols individuels ou collectifs répétés.

          Autant dire, c’est dans l’idée de mobiliser toutes les communautés locales contre les conséquences de l’activisme des gangs qu’il a été décidé d’organiser ces séries de consultations citoyennes, avec l’encadrement technique de certains spécialistes, dont l’Ex-Inspecteur général de la PNH, Stanley Brice (représentant du Ministère de la Justice), James Boyard (Consultant pour le PNUD), Innocent Joseph (Membre du CNDDR), Joseph Forester Louis Jean (Cadre du BINUH), Me. Carlos Hercule (Consultant pour le PNUD), Ideveny Bastia (Consultant du PNUD), etc.

Aussi, dans le souci d’optimiser la contribution de ces acteurs étatiques et non étatiques locaux, chaque Forum départemental a été étendu sur deux journées. La première a été consacrée aux présentations techniques et contextuelles des membres de la Task force, des experts-consultants du PNUD et des autorités des collectivités territoriales, suivies d’une longue période de débats et d’interactions avec les citoyens ou les représentants des organisations de la société civile locale. La deuxième journée du Forum a été destinée à des travaux de réflexion dans six Ateliers thématiques, dont les Ateliers « Sécurité », « Justice », « Relèvement économique communautaire », « Compétences jeunes », « Protection des Droits fondamentaux » et « Violence sexuelle basée sur le genre ».

          À la fin de ces consultations, un mécanisme regroupant certains acteurs étatiques et responsables de la société civile locale a été mis en place pour garantir le suivi des actes de ces Forums départementaux.

Professeur James Boyard

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