Covid-19 – Disparition d’une grande étoile haïtienne
3 min readIsaacson Buteau, ce talentueux virtuose, ce chanteur d’opéra classique international, dont la terre entière s’était amourachée, vous dit-il quelque chose ? Ah-Ha, je ne suis nullement étonné. Mais vous connaissez très bien les « yayades1 » de Martelly, par exemple ? « Ah, voilà ! J’comprends », pour imiter Maurice Sixto2, avec son accent nasillard.
Chers lecteurs, c’était tout un personnage. Une voix très recherchée de par le monde. Isaacson Buteau a sillonné l’Amérique pour le bonheur de plusieurs admirateurs. Il s’est produit à Miami, Atlanta, Boston, New Jersey et New York. En Floride, il a également remporté plusieurs concours télévisés. Quelques villes européennes tombèrent en pâmoison au son de sa voix.
En décembre 2011, il a été le second ténor haïtien, après Guy Durosier, à fouler les planches du célèbre Carnegie Hall, à New-York, dans le cadre des « 120 ans d’Histoire du Centre des Arts de la Scène ». Il a littéralement incendié les cœurs et les esprits de ceux et de celles qui l’ont vu et entendu, aussi bien dans ses interprétations des œuvres de Verdi et de Puccini. Il était habité par un amour absolu de la musique.
Né aux Cayes en février 1973, il a émigré aux USA en 1993, où il a poursuivi des études en musique (le chant), à Miami Music Works et à l’Université de Miami. Jouant aisément du piano et de la guitare, polyglotte, il s’exprimait couramment en anglais, français, espagnol, portugais et en italien, à part sa langue maternelle, le créole haïtien.
Atteint par le fatal coronavirus, il n’a pas pu résister et est parti doucement, laissant, de sa voix mélodieuse, simplement, l’écho d’un silence de cathédrale noyé dans le chagrin de ses proches et de ses fans.
C’est une réalité indéniable, nous ne faisons que passer. Mais, il est de ces pertes qui nous fracassent le cœur et l’âme au point de se demander : pourquoi lui ! C’est une question absurde, inhumaine et irréfléchie. Mais à la perte d’un être cher, il nous arrive souvent de déblatérer, malgré nous, loin de toute rationalité, tant l’affliction et la douleur s’avèrent incommensurables.
Haïti n’avait pas eu la chance d’entendre souvent le phénomène qu’était Isaacson Buteau, parce que, dans ce pays, la culture est aux vaches. Le ministère éponyme n’est en fait qu’une coquille vide. Les titulaires choisis ignorent jusqu’à la vocation de leur boîte et ne voient pas la nécessité de pousser nos vedettes au firmament de la scène internationale, pour porter certains idiots à jeter un coup d’œil autour d’eux avant de nous traiter de pays de merde.
Isaacson est parti, en nous léguant une discographie assez singulière. Vous pouvez retrouver facilement certains de ces échantillons sur DVD. Je vous conseille de l’écouter dans «Nessun Dorma » (Que nul ne dorme), un air pour ténor, tiré de l’opéra Turandot de Puccini, et vous m’en direz tant.
Pour un dernier hommage à ce compatriote hors du commun, qui vient de tirer sa révérence au mois d’octobre 2020, écoutons l’adieu de l’animateur Valerio Saint-Louis, sur les ondes de Tele Image, à Miami, en cliquant sur ce lien : https://youtu.be/u705TmjK5ZI . Pour ceux qui n’avaient jamais entendu Isaacson, vous aurez l’occasion de faire la connaissance de cette voix chaleureuse et enivrante, qui lui survit grâce à la magie de l’électronique.
Adios compadre ! Haïti, malgré son insouciance, se souviendra longtemps de toi.
Max Dorismond
Note
1 – Yayade : expression créole désignant des déhanchements lascifs à connotation sexuelle
2 – Maurice Sixto : Célèbre humoriste haïtien