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Des étudiants se prononcent sur les sanctions prises contre des personnalités haïtiennes

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Les différentes sanctions  prises à l’encontre des « fauteurs de troubles » dans le pays depuis la Résolution 2653 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, ont été élargies au niveau bilatéral et appliqués à plusieurs autres  personnes par les États-Unis et le Canada. Face à ces nouvelles mesures, certains étudiants interviewés se disent ravis, d’autres s’interrogent sur les intentions des deux géants nord-américains.

Ces sanctions –, bien qu’ayant ciblé des officiels du Gouvernement,  d’Ariel Henry, ainsi que des élus encore en fonction – semblent faire l’affaire du Gouvernement en place. Ce jeudi 24 novembre 2022, la nouvelle Ministre a.i de la Justice et de la Sécurité publique, Emmelie Prophète Milcé, a fait savoir que  le Gouvernement a l’intention de solliciter l’accès aux dossiers des personnalités sanctionnées. Pendant ce temps, ses collègues Ministres, indexés, gardent encore leur poste au Gouvernement.

Pour Ray Jean-Louis, étudiant en économie, ces sanctions à l’encontre des personnes publiques faisant partie des élites haïtiennes  interviennent à un moment où il est crucial de dissuader les fauteurs de troubles. « Quand des gens détiennent le pouvoir pendant aussi longtemps et qu’ils se mettent aujourd’hui à financer les gangs parce qu’ils croient en ce système qui promet l’impunité, ils ne s’arrêteront jamais. Ces sanctions sont un message qui dit que non, cette situation ne peut plus durer, et elles sont dissuasives pour ceux qui voudraient poursuivre dans cette voie », a-t-il déclaré au journal Le Quotidien News.

Toutefois, l’étudiant aurait préféré que l’initiative vienne de la justice haïtienne. « Bien que ce ne soit pas notre justice qui se réveille, il faut quand même y voir un point positif : tous ceux qui ont les mains sales commencent à frémir, ils sont désormais connus », toujours selon les propos de Ray Jean-Louis. C’est également l’avis de Mialove Barthelemy qui termine ses études de droit, qui  voit là le dysfonctionnement de la justice haïtienne. « Ces sanctions internationales  montrent à quel point notre justice est dysfonctionnelle et que nous avons un État extrêmement fragile », s’indigne-t-elle. Pour elle, la justice haïtienne aurait déjà dû demander au Canada de collaborer afin de mettre l’action publique en mouvement contre les présumés fauteurs de troubles.

Ravis, mais douteux des intentions

« Ces données étaient disponibles bien avant.  Alors pourquoi maintenant ? Il est vrai qu’il ne leur incombe pas de mettre ces acteurs en face de leurs responsabilités et de les obliger à répondre de leurs actes, mais ils ont toujours eu des leviers pour intervenir », s’interroge Mialove Barthelemy. De son côté, Anne Manuella Darius se rappelle des trop nombreux contentieux historiques entre les États-Unis et Haïti, et reste méfiante quant aux intentions de la nation étoilée. « Je trouve que l’initiative est un pas en avant. Mais je me demande s’il n’y aura pas des « effets secondaires ». De notre histoire, nous voyons tous que les États-Unis ont toujours défendu leurs intérêts, même après avoir endossé la cape de « pays ami d’Haïti ». Je me pose la question », dit-elle.

Toutefois, elle veut bien croire le Canada qui n’a, selon elle, jamais exprimé de volonté douteuse contre le pays. « Peut-être que le Canada, lui, veut vraiment aider. C’est l’un des rares pays présents sur la scène haïtienne à ne pas avoir de contentieux –  du moins historique – avec le peuple haïtien », soutient Anne Manuella.

Pour Dimitry Jean-Baptiste qui boucle ses études en Sciences politiques, il est dommage que ce soit encore une fois la communauté internationale qui est parvenue à affirmer sa grande force sur la scène politique haïtienne en frappant « les grands acteurs de la vie politique post-86 », et il y voit une manœuvre politique. « Malheureusement, le peuple haïtien, une fois de plus, accepte que ce soit la communauté internationale qui prenne ces sanctions. Cela démontre leur grande influence sur Haïti », se désole l’étudiant.

Pour ce dernier, ces dossiers peuvent avoir été déjà disponibles, mais les auteurs des sanctions les réservaient pour servir leurs intérêts. « Chaque pays adopte une politique étrangère qui  lui est propre. Les États-Unis voient chaque élément extérieur comme un obstacle, ou un pion qu’ils peuvent utiliser ou rejeter à n’importe quel moment. Ils ont toujours eu un moyen politique ou légal pour rejeter ces personnalités à n’importe quel moment », soutient-il.

De son côté, Anne Manuella Darius estime que, malgré ses doutes sur les intentions réelles des auteurs des régimes de sanctions, leur portée devrait encore s’élargir afin de d’être plus dissuasive. « Je trouve que le gel des avoirs de ces acteurs et les interdictions d’entrer dans ces pays sont une bonne chose. Ce le serait plus encore si ces sanctions concernaient également leurs familles proches. S’ils contribuent à accentuer la crise en Haïti, c’est parce que leurs familles peuvent aller vivre ailleurs, là où ils ne créent pas de problèmes », affirme-t-elle.

Pour Dimitry Jean Baptiste, la population haïtienne doit se réveiller, et demander des comptes à ces individus indexés. « La population doit commencer à poser des questions. La principale victime, c’est elle, elle subit toutes les conséquences de l’insécurité », estime-t-il. Mialove, de son côté, estime qu’il n’y a pas lieu de s’étonner, il était connu que des membres des élites haïtiennes contribuaient à semer le chaos dans le pays. « Le Canada et les États-Unis ne font que dire à haute voix quelque chose que déjà nous savions tous », soutient l’étudiante.

Anne Manuella Darius estime que des régimes de sanctions doivent établis, élargis, tant au niveau bilatéral qu’au niveau multilatéral. Cependant, elle reste fermement opposée au déploiement de forces étrangères dans le pays, et estime que le bilan de la présence de militaires étrangers dans le pays n’a jamais été positif. « Quant au déploiement de forces étrangères dans le pays, je suis profondément contre une telle idée. Il est vrai que la situation est extrêmement grave, mais aucune bonne solution ne peut venir de l’extérieur. Et dans le pays, nous ne manquons pas de ressources humaines, il reste des gens dans ce pays, nous n’avons pas besoin de forces étrangères. Ils ne savent faire qu’une chose quand ils arrivent en Haïti, piller. Et ils continueraient encore ».

Entretemps, le Canada poursuit ses efforts  et a annoncé le dimanche 20 novembre plusieurs aides en faveur d’Haïti pour un montant total de 16,5 millions de dollars canadiens devant servir à aider le pays à endiguer l’épidémie de choléra et à lutter contre la corruption et l’impunité.

Clovesky André-Gérald PIERRE

cloveskypierre1@user

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