L’insécurité qui règne dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince a contraint un nombre alarmant d’habitants à fuir leurs maisons. Face à cette crise humanitaire, l’Office de la Protection du Citoyen (OPC) a mené une enquête approfondie afin de mieux appréhender la réalité des personnes déplacées internes (PDI), notamment leurs mauvaises conditions de vie et les mesures de protection dont elles bénéficient.
Selon une étude de l’OPC sortie en avril 2025, la vie dans les camps de fortune aménagés dans des établissements publics ou privés est déshumanisante et ne respecte aucune norme de dignité humaine. L’OPC estime qu’environ 48 945 individus vivent en situation de déplacement sur 16 dans les zones de Port-au-Prince et de Delmas. Les conditions d’hygiène sont particulièrement préoccupantes. Le rapport révèle que 41 % des camps visités manquent de douches et 17 % n’ont pas de toilettes. Lorsque ces installations existent, elles sont en nombre largement insuffisant, rendant le maintien de l’hygiène quasi impossible. L’accès à l’eau potable est difficile, voire inexistant dans certains sites, forçant les déplacés à en acheter.
La gestion des déchets est aussi chaotique, avec des ordures s’accumulant et l’utilisation de sacs plastiques là où les toilettes manquent. Le traitement des eaux usées est approximatif. Cette insalubrité, combinée à une grande promiscuité, favorise la propagation de maladies. Les services de base comme l’assainissement sont irréguliers et l’électricité est presque absente. Ayant souvent tout perdu, les déplacés peinent à subvenir à leurs besoins essentiels, et l’aide humanitaire est jugée insuffisante et irrégulière.
Droits bafoués et protection absente
Concernant leurs droits et leur protection, le rapport met en lumière une violation généralisée des droits fondamentaux des personnes déplacées internes. Des droits essentiels tels que le droit à la dignité humaine, à la santé, au logement, à l’éducation, à l’alimentation, à l’identité et à la sécurité sont bafoués par les conditions de vie dans les camps. L’OPC souligne un vide juridique spécifique pour les déplacés internes en Haïti et déplore l’absence de mesures étatiques suffisantes pour faciliter leur retour, leur réinstallation et leur réintégration durable. La protection dans les camps est précaire, exposant les déplacés à toutes formes de violence, y compris les violences sexuelles.
Le rapport de l’OPC souligne également la vulnérabilité accrue de certaines catégories de personnes au sein de ces camps. Les femmes enceintes et allaitantes manquent cruellement de moyens pour accéder à des soins médicaux adéquats et à une nutrition suffisante. En effet, elles sont exposées à un environnement insalubre particulièrement dangereux pour leur santé et celle de leurs nourrissons. Un nombre important d’enfants ne sont pas scolarisés, certains se retrouvent non accompagnés, et la présence de camps dans les locaux d’écoles perturbe gravement le fonctionnement du système éducatif dans son ensemble.
Par ailleurs, les personnes en situation de handicap sont confrontées à des problèmes d’accessibilité majeurs sur les sites et manquent cruellement d’aides techniques essentielles à leur autonomie. Enfin, les personnes âgées voient leur dignité et leur santé se détériorer en raison de conditions de vie inadaptées à leurs besoins spécifiques, les rendant totalement dépendantes de l’aide extérieure et nécessitant une assistance quotidienne particulière.
Appel à l’action étatique et humanitaire
Face à cette crise, l’institution des droits humains exhorte l’État haïtien à fonder ses interventions sur une approche fondée sur les droits humains. Elle recommande également de renforcer l’action des forces publiques pour sécuriser les zones d’origine, de dépénaliser la police. Les organisations de défense des droits humains sont appelées à mieux maîtriser le droit spécifique des PDIPP (Personnes Déplacées à l’Intérieur de leur Propre Pays), à ne pas se substituer à l’État et à l’encourager à résoudre l’insécurité.
Toutefois, l’OPC se dit engager à renforcer ses propres capacités d’action, à intensifier son travail en matière de prévention, de protection et de recherches de solutions durables pour les PDI, notamment par la formation, le monitoring, le traitement des plaintes et la sensibilisation aux principes directeur relatifs au déplacement interne. Elle encourage vivement l’État à prendre toutes les mesures nécessaires pour rétablir la dignité des déplacés internes en facilitant leur retour et leur réintégration.
Marie-Alla Clerville