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Doit-on encore espérer un compromis entre les acteurs politiques haïtiens ?

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Le compromis semble être une parfaite utopie dans la vie politique haïtienne. À chaque période d’incertitude ou de détour de la formalité comme aujourd’hui, le compromis est sur toutes les lèvres, sur tous les agendas publiés, mais les actes fuient toujours les mots. Pour Jean-Claude CHÉRUBIN, professeur de sociologie politique à l’Université Quisqueya, le compromis n’est aucunement un élément de la culture politique haïtienne, et c’est le plus fort a toujours raison.

« Conférence nationale souveraine », « États généraux sectoriels de la nation », ou tout simplement « dialogue », les expressions sont multiples pour désigner un événement qui ne dépasse pas le stade du discours. Pour plus d’un, le dialogue entre ce qu’il convient d’appeler « les forces vives de la nation » serait la meilleure entreprise en vue d’une sortie de crise. Cependant, de l’ex-sénateur Turneb Delpé à l’ex-Président Jovenel Moïse, et aujourd’hui l’opposition entre divers accords, le consensus semble être encore loin.

Dans une interview accordée au journal Le Quotidien News, le sociologue Jean-Claude CHÉRUBIN explique que la vie politique haïtienne garde encore aujourd’hui de nombreux traits de la dictature alors que le pays a initié depuis plus d’une trentaine d’année une transition démocratique. « La notion de compromis qui est au cœur du fonctionnement de la démocratie représentative n’a pas encore pénétré la culture politique haïtienne. Pour la raison simple que nous tardons encore à rompre avec ce que certains appellent l’esprit macoute. Malheureusement, nous ne sommes pas encore sortis, à ce niveau, de la dictature. La logique « chen manje chen » prime toujours dans nos rapports politiques et la communauté internationale sait très bien s’en servir pour nous transférer les conséquences de ses propres brigandages », a-t-il soutenu.

L’insécurité et la problématique du dialogue

Si un consensus semble pouvoir mettre un terme à la crise politique qui secoue le pays depuis plusieurs années, il n’en est pas de même pour la question concernant les gangs armés. « On doit partir d’une mise au point préalable. Si l’on doit considérer la crise dans sa dimension sécuritaire celle qui est la plus manifeste, elle n’a pas grand-chose à voir avec l’absence de consensus entre les acteurs politiques porteurs d’un accord et le Gouvernement de facto », rappelle le professeur CHÉRUBIN. Selon lui, certains acteurs, ceux de l’Accord du 30 août 2021 dit de Montana, n’ont aucun lien avéré avec les gangs armés, et leur participation à un consensus n’aurait que très peu d’impact sur les activités et fonctionnements des groupes criminels.

Pour le professeur, il est important de sortir de ce qu’il considère être un piège de l’international consistant à ramener le chaos administré à Haïti à une affaire de mésentente entre  Haïtiens  pour se dégager de ses propres responsabilités. « L’instrumentalisation des gangs participe du dispositif de contrôle du Sud global à la sortie de l’ère bipolaire. Le démantèlement des souverainetés périphériques commandé par le déferlement de la politique néolibérale a produit un vide sécuritaire dû à la liquidation du monopole de la violence légitime de l’État. En Haïti ce phénomène se constate à travers le « déchoucage » de la milice macoute suivi de l’élimination de l’armée. Pour contrôler la population, les gangs ont émergé », a-t-il expliqué.

« Cette modalité de contrôle criminel est le signe le plus évident de deux choses. La criminalisation de l’économie par la prépondérance du commerce illicite, des trafics de toutes sortes qui entraînent la criminalisation de la politique. Et d’autre part, l’existence avérée de ressources stratégiques dans le sous-sol haïtien. Il en résulte le besoin pour l’ordre mondial de mettre sous scellé l’espace national », estime le professeur.

Les avis sont peut-être divergents concernant les causes des malheurs du pays, ainsi que la meilleure façon de sortir de la crise qui est multidimensionnelle. Cependant, une chose semble être certaine, une solution durable doit nécessairement être haïtienne, et cela doit forcément passer par un compromis entre les différents acteurs, ne serait-ce que démêler l’aspect politique de la crise.

Clovesky André-Gérald PIERRE

cloveskypierre1@gmail.com

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