L’Assemblée nationale a adopté, le 5 juin 2025, une résolution visant à interpeller les autorités françaises sur le processus de réparation de la double dette imposée à Haïti en 1825. Pour le Conseiller-Président Leslie Voltaire, « cette résolution historique » est « un pas significatif vers la mémoire, la vérité, la restitution et la réparation ».
La question de la double dette imposée à Haïti continue d’être portée au plus haut niveau des institutions françaises. Elle fait l’objet de nombreux débats au sein de la classe politique française. À preuve, l’Assemblée nationale française a adopté, avec solennité, une résolution historique appelant le Gouvernement à reconnaître l’injustice de l’ordonnance du 17 avril 1825 et à engager un processus de justice réparatrice. Selon les propos du Conseiller-Président Leslie Voltaire sur son compte X ce 6 juin 2025, c’est un pas significatif vers la mémoire, la vérité, la restitution et la réparation.
Retour sur les discussions qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale française
Proposé par le groupe CDR (communistes et ultramarins) et ce dans le cadre de sa « niche » parlementaire, le texte a été approuvé par 53 députés contre 9, issus du Rassemblement National (RN) et de son allié le groupe UDR, selon les médias français. À travers cette résolution, le Parlement français invite le Gouvernement à reconnaître l’injustice faite à Haïti, à considérer ses conséquences. Et sur la question des réparations, le texte invite à « une prise en considération des demandes et à étudier le processus de restitution de la double dette ». De plus, il appelle à la mise en place d’une commission indépendante et à « soutenir les initiatives s’inscrivant dans une démarche de justice réparatrice et particulièrement les initiatives franco-haïtiennes à portée mémorielle ».
Durant les débats qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale, les parlementaires n’ont pas raté l’occasion de souligner les conséquences économiques de cette double dette sur Haïti. À en croire Pierre Henriet, le député Horizon, c’est l’un des paradoxes les plus douloureux de l’histoire, à savoir « celui d’esclave affranchi qui a dû payer une indemnité exorbitante à ses anciens maîtres pour être reconnu comme nation souveraine ».
Gabrielle Cathala de la France Insoumise a été plus ferme dans sa prise de position. Car elle a fait savoir clairement que la France est responsable de la situation économique actuelle d’Haïti. « Sans la double dette, les économistes ont calculé qu’Haïti aurait le même PIB que la République dominicaine », a-t-elle indiqué. « Cela signifie que la France coloniale a contribué à diviser par six le PIB d’Haïti », a-t-elle ajouté.
Le député du Rassemblement National Émeric Salmon a une opinion différente du reste de l’hémicycle. Il a attiré l’attention de ses collègues sur le fait que la demande de réparation soulevait des « risques de précédent dangereux d’autres nations pour exiger réparation pour des faits historiques similaires menaçant l’équilibre diplomatique et économique mondial ».
Il importe de rappeler qu’à l’occasion du bicentenaire de la dette de l’indépendance d’Haïti, le Président français Emmanuel Macron avait annoncé la mise en place d’une commission mixte franco-haïtienne chargée d’examiner le passé commun des deux pays et d’en éclairer toutes dimensions. « Une fois ce travail nécessaire et indispensable accompli, cette commission proposera aux deux gouvernements des recommandations afin d’en tirer les enseignements et construire un avenir plus apaisé », avait déclaré le Chef de l’État français le 17 avril 2025 à travers une note parue dans le service de presse de la République française.
Emmanuel Macron avait même fait une approche historique pour parler de la genèse de la question. Le 17 avril 1825, par voie d’ordonnance, le roi de France Charles X reconnaissait l’indépendance d’Haïti, tout en lui imposant une lourde charge, admettait Emmanuel Macron. « En dépit de la conquête effective de sa liberté, dès 1804, par les armes et le sang, le dernier des Rois de France, en échange de la reconnaissance et de la fin des hostilités, soumettait le peuple d’Haïti à une très lourde indemnité financière, dont le paiement allait s’étaler sur des décennies », avait-il rappelé en soulignant que cette décision plaçait alors un prix sur la liberté d’une jeune Nation, qui était ainsi confrontée, dès sa constitution, à la force injuste de l’Histoire.
Aujourd’hui, en ce bicentenaire, il nous faut, ici comme ailleurs, regarder cette histoire en face, disait le chef de l’État français. « Avec lucidité, courage et vérité. Haïti, est né d’une révolution, fidèle à l’esprit de 1789, qui affirmait avec éclat les principes universels de Liberté, d’Égalité et Fraternité », avait-il reconnu. Ce combat d’Haïti, en harmonie avec les idéaux de la Révolution française, aurait dû offrir à la France et à Haïti l’opportunité de faire chemin commun, alléguait M. Macron. Mais, poursuivait-il, les forces en mouvement depuis la contre-révolution depuis 1814, la restauration des Bourbons et de la monarchie ont décidé autrement de l’écriture de l’Histoire.
Jackson Junior RINVIL
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