La moitié de la population haïtienne, soit 5,7 millions de personnes, est confrontée à un niveau d’urgence de faim, selon le Programme Alimentaire Mondial (PAM). Lors d’une interview accordée à Le Quotidien News le 13 juin 2025, l’économiste Guy Mary Hyppolite propose, entre autres, de soutenir l’agriculture, de renforcer la distribution d’aide alimentaire ciblée dans les zones les plus touchées, de prépositionner les stocks humanitaires dans les régions vulnérables avant que les routes soient bloquées par les intempéries…
Haïti est en train de faire face à une crise humanitaire sans précédent. « Avec environ la moitié de la population, soit 5,7 millions de personnes, confrontée à un niveau d’urgence de faim, Haïti est l’un des cinq pays au monde où la faim est catastrophique », alerte le PAM.
Avec la saison des ouragans qui a débuté le 1ᵉʳ juin et se poursuivra jusqu’à fin novembre, Lola Castro, directrice régionale pour l’Amérique latine et les Caraïbes, à travers un point de presse tenu mardi, a déclaré qu’à l’heure où la moitié des Haïtiens souffrent déjà de la faim, une seule tempête pourrait précipiter des millions de personnes dans une catastrophe humanitaire.
Pour éviter que cette situation se produise, l’économiste Guy Mary Hyppolite plaide pour une réponse rapide et coordonnée. Il faut, dit-il :
• Renforcer la distribution d’aide alimentaire ciblée dans les zones les plus touchées comme l’Artibonite, le Centre et certaines zones de Port-au-Prince.
• Prépositionner les stocks humanitaires (nourriture, eau potable, kits d’hygiène) dans les régions vulnérables avant que les routes soient bloquées par les intempéries.
• Soutenir l’agriculture locale, en particulier les petits producteurs, avec des semences, des outils et un accès à l’eau.
• Mobiliser des financements internationaux urgents auprès de donateurs pour anticiper au lieu de réagir ». L’économiste a aussi précisé, comme Mme Castro l’avait soulignée, que sans cela, chaque cyclone risque de transformer une crise alimentaire en une catastrophe humanitaire de masse.
À en croire le PAM, le plan d’intervention humanitaire 2025 pour Haïti prévoit un peu plus de 908 millions de dollars, mais n’est financé qu’à hauteur de 8 %. Or, pour M. Hyppolite, si ces 908 millions de dollars nécessaires ne sont pas levés et si le financement reste bloqué à 8 %, Haïti risque de courir de graves dangers :
• « Des milliers de personnes pourraient mourir de faim, notamment les enfants et les personnes âgées dans les zones enclavées;
• Les systèmes de santé déjà affaiblis ne pourront pas faire face aux épidémies post-cycloniques (choléra, dengue, etc.);
• Le manque de soutien logistique exposera les populations déplacées aux intempéries sans abri ni nourriture ;
• La violence et l’instabilité pourraient augmenter dans les quartiers les plus défavorisés, provoquant une spirale d’insécurité sociale ».
Pour l’économiste Hyppolite, c’est donc un impératif moral et stratégique de renforcer les financements dès maintenant.
Pour lutter contre l’insécurité alimentaire aiguë en Haïti, il propose une stratégie en deux temps : l’urgence et le long terme. À court terme, il suggère la « distribution de bons alimentaires ou des transferts monétaires aux familles vulnérables et la « lutte contre les pertes post-récolte (stockage, conservation) ».
À long terme, il recommande d’ « investir dans l’agriculture familiale durable (irrigation, semences résilientes, formation) », de « créer des infrastructures rurales (routes, marchés, centres de transformation) », de « réformer les politiques agricoles et réduire la dépendance aux importations », d’ « intégrer la sécurité alimentaire dans les politiques de développement, de santé et d’éducation ». Selon lui, il s’agit de transformer la résilience locale en capacité durable de production et d’autonomie.
Les éventuels ouragans
Pour mieux se préparer contre les ouragans, M. Hyppolite estime qu’Haïti doit renforcer sa préparation communautaire et institutionnelle en établissant « un système d’alerte précoce fiable et accessible (radio communautaire, SMS d’urgence, etc.) ». De « former et équiper les comités locaux de gestion des risques pour qu’ils puissent agir dès les premières alertes ». Il suggère aussi de :
• Réhabiliter les abris d’urgence et s’assurer qu’ils soient opérationnels, surtout aux personnes handicapées et âgées.
• Cartographier les zones à risque et organiser des plans d’évacuation réalistes.
• Renforcer les digues, les bassins de rétention et les infrastructures pour limiter les inondations.
• Intégrer les écoles, les églises et les ONG locales dans un réseau de réponse rapide».
Pour M. Hyppolite, « une vraie politique de résilience commence par une décentralisation efficace de la gestion des catastrophes ».
Par ailleurs, le PAM a fait remarquer que, dans le passé, il disposait de stocks humanitaires prêts dans le pays et pouvait aider entre un quart et un demi-million de personnes immédiatement après une catastrophe. « Cette année, nous commençons la saison des ouragans avec un entrepôt vide », a déclaré Mme Castro tout en soulignant que si des ressources ne sont pas mises à disposition, le PAM n’aura pas la capacité de réagir : il n’y a pas de fournitures d’urgence, pas de tampon logistique et pas de bouée de sauvetage pour les plus vulnérables.
Jackson Junior RINVIL
rjacksonjunior@yahoo.fr