Était-ce nécessaire?
3 min readLe débat s’articule autour du retour à la stabilité du pays. Dans l’opinion publique, la grogne prend de plus en plus de place. Ce qui se dit en coulisse ou, qui est exprimé publiquement par le Premier Ministre ne plaît pas énormément à la population qui espérait voir la tendance de la violence changée de camp.
Indirectement, la question de l’amnistie pour les gangs refait surface. Le Gouvernement ne l’a pas dit ouvertement mais, à bien comprendre la position du Chef du Gouvernement, le dialogue avec les gangs armés n’est pas à écarter. Certes, il a posé des conditions mais ce ne sont pas en réalité des gages à la population qui se sentait soulagée par les premiers discours du Chef de la Primature. Un leader qui avait promis des changements importants dans le système. Un homme qui laisse sortir dans son discours de l’engagement et de la détermination.
Depuis son installation au début du mois de juin, les actions ne suivent pas ses discours. Cette communication intense qui, obnubile le Conseil Présidentiel, nous fait penser à l’ère de Gérard Latortue: un personnage fort par le discours. Dans la foulée, les civils armés, vraisemblablement, bien rassurés par leurs sponsors, redoublent d’effort. Ils ne sont point ébranlés. On dirait qu’ils ont reçu un message subtile les disant: « Ne vous inquiétez pas, nous avons le contrôle de la situation. Ce qui se dit et la parodie de déploiement de la force multinationale ce n’est que pour faire de la dissuasion. C’est pour produire de l’effet placébo. Occupez-vous de votre mission. Nous, de notre côté, nous continuons la distraction ».
M. Conille a pris la tête de la Primature avec tambours et trompette. Cependant, il n’arrive pas à rétablir la confiance dans l’autorité de l’État. Bien évidemment, certains peuvent dire qu’il est encore tôt. Mais, peut-on, dans la conjoncture, parler de période d’observation en Haïti où la population se fait massacrer au quotidien? On dirait que les dirigeants comprennent mal la notion d’urgence. Pourquoi nous faudrait-il une force étrangère si notre objectif était de dialoguer avec les gangs? Comment demander aux gangs de déposer les armes alors qu’ils sont en position de force? Comment un Gouvernement sans légitimité populaire peut-il prétendre à pardonner aux gens qui tuent les gens comme on jette les détritus à la poubelle? Est-ce que nous devons considérer le nouveau chef de la police et les kenyans déployés en Haïti comme des médiateurs ? Le flou persiste.
Le discours de rédempteur du Chef de Gouvernement était venu comme du placebo. On pensait qu’on allait être guéri ou libéré de notre mal juste parce qu’il nous a été promis par un homme qui profilait et qui incarnait le respect de la parole donnée. Plus d’un mois plus tard, les commissariats continuent de connaître la fureur des gangs. La population continue de se faire lâchement tuée. Les policiers également. L’effet du placebo commence à passer. Présentement, il nous faut des actions, pas de discours. Un homme de terrain, pas un pigeon voyageur. Une communication claire sur cette mission qui arrive au compte-gouttes. Il faut aller droit au but sans tourner en rond. Pourquoi autant de temps perdus, de destructions de biens publics et privés, d’angoisses populaires, de massacres civils et militaires, de deals politiques, de viols, de casses si c’est à ça que nous voulions arriver?
Daniel SÉVÈRE