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Grande conférence internationale sur l’insécurité en Haïti organisée par l’UniQ : Le système judiciaire pointé comme le « maillon faible »

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Depuis bientôt cinq ans, l’insécurité est devenue l’une des préoccupations fondamentales de la société haïtienne. Dans un grand webinaire, un consortium d’universités, dont l’Université Quisqueya, vient de rassembler près d’une cinquantaine de professeurs, chercheurs, diplomates, hauts-commis de l’État, des personnalités de la société civile, en vue d’aborder la crise de sécurité qui sévit dans le pays. Pour l’un des panélistes, le système judiciaire haïtien est considéré comme le « maillon faible de la chaîne de sécurité publique ».

Le phénomène d’insécurité occupe de plus en plus l’espace public haïtien, tant tous les secteurs de la vie nationale sont affectés par les activités criminelles des bandes armées. Dans l’objectif de contribuer à la réflexion sur « les causes profondes et l’histoire » de l’insécurité en Haïti, d’apprécier ses impacts sur la société et définir les paramètres d’un plan de redressement et de relance économique, et de proposer la « marche à suivre pour une gouvernance démocratique et responsable à travers des élections démocratiques et transparentes », l’Université Quisqueya a organisé, les 28 et 29 juin 2023, une grande conférence sur le phénomène de l’insécurité en Haïti, avec des acteurs et chercheurs nationaux et internationaux.

La Primature, le Haut Conseil de Transition (HCT), la Police Nationale d’Haïti (PNH), les Forces Armées d’Haïti (FADH), des syndicats, des corps de métiers, des organismes de défense des droits humains, les chambres de commerce, des organisations du secteur politique, de la diaspora, des associations de femmes et de jeunes, des professeurs d’université, des historiens, des diplomates et autres acteurs internationaux, autant de structures et personnalités ont été invités à ces deux journées de conférence, composant pas moins de 11 panels de discussions.

L’Université Quisqueya, par cette initiative, entend « contribuer au débat sur la sécurité en mobilisant une expertise dont les idées se fondent à la fois sur une connaissance empirique et théorique du sujet ». « L’Université n’échappe pas à cette interpellation en raison de sa mission de service à la société », a fait savoir le bureau de communication de l’Université Quisqueya dans un document publié pour l’occasion.

La criminalité, un défi de taille

Participant au premier panel de discussions aux côtés des économistes et professeurs Mathias Laureus, Charles Clermont, Frederic Gerald Chery et Kesner Pharel, l’avocat et Doyen de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’Université Quisqueya, Me Bernard Gousse, est intervenu ce  28 juin à cette conférence, sur le système judiciaire haïtien, considéré comme le « maillon faible de la chaîne de sécurité publique » en Haïti. Pour l’ex-Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique, le système judiciaire haïtien est en mauvais état, accusant des déficits à divers points de vue. Selon lui, avec un tel système, la lutte contre l’insécurité est inefficace, et il parle d’un « système judiciaire dont le personnel n’est pas adapté, et dont les moyens sont dérisoires et ne correspondent pas à la criminalité à laquelle nous faisons face,  et de l’impossibilité d’imputer ces crimes à des personnes à cause des manques à la fois législatifs et personnels, et des moyens de répression qui sont dérisoires ».

Pour lui, face à ces faiblesses du système judiciaire, la population haïtienne perd confiance, et le phénomène du « Bwa Kale » auquel nous assistons depuis quelques semaines est, « non pas une réponse, mais un constat de l’absence de confiance de la population dans le système judiciaire qu’elle considère comme un maillon faible, voire inexistant dans la lutte contre l’insécurité ».

D’un autre côté, le professeur James Boyard, de l’Université d’État d’Haïti, intervenant dans un autre panel sur le thème, « Haïti dans la spirale de la criminalité transnationale », aux côtés du politologue Robert Muggah, du professeur Arol Enol Alphonse, du Directeur de l’Institut pour la Justice et la Démocratie en Haïti, de Brian Concannon, et de l’ex- Gouverneure générale du Canada, Michaelle Jean, a défini les grandes lignes de la criminalité transnationale en Haïti.

Pour le professeur James Boyard, les indices nationaux de la criminalité transnationale organisée dressent un portrait des moins flatteurs, avec : un indice du crime organisé estimé en 2022 à 5,73/10 par le Global Initiative Against Transnational Organized Crime ; un score de 17/100 dans l’indice de perception de la corruption ; une remise en 2022 sur la liste noire des pays de transit ou producteurs de drogue ; et la présence du pays, depuis 2021, sur la liste grise du GAFI des 22 pays soumis à une surveillance accrue en matière du non-respect du protocole sur la lutte contre le blanchiment d’argent et du financement du terrorisme (LCB-FT).

Doit-on s’attendre une intervention militaire internationale ?

Depuis 2022, des doutes planent chez certains sur les capacités des forces de l’ordre dans la lutte contre l’insécurité qui sévit dans le pays. La communauté internationale, très impliquée dans la vie politique haïtienne ces trois dernières décennies, est attendue, surtout par le gouvernement et d’autres acteurs, en réponse à la crise haïtienne. Participant à un panel sur « la réponse de la communauté internationale à la crise haïtienne », le professeur Stephen Baranyi de l’Université d’Ottawa, Georges Fauriol du ‘’Think Tank Haïti’’, le professeur Sergio Aguayo du ‘’Colégio de Mexico’’, Ricardo Seitenfus, ancien représentant de l’OEA en Haïti, et Peter Hakim de l’Inter American Dialogue, ont fait le point sur la présence de la communauté internationale en Haïti, et ses possibles apports à la crise haïtienne.

Lors de ces échanges, M. Seitenfus a une fois de plus pointé du doigt la communauté internationale, son symbolisme et son rôle dans l’état de la situation en Haïti. Parlant de la communauté internationale, l’ancien diplomate dit n’y voir « qu’une question seulement de sémantique, car de communauté, elle n’a pas grand-chose ». Selon lui, vu le contexte géopolitique actuel, Haïti n’a pas à espérer une intervention militaire issue des organisations internationales, car l’approche multilatérale se retrouve bloquée d’une part au niveau du Conseil de Sécurité de l’ONU, et d’autre part par une absence de consensus au niveau des organisations régionales avec une absence de consensus sur la question, et un manque de volonté fort.

« La Charte de San Francisco a donné au Conseil de Sécurité le monopole de l’utilisation de la violence. Or, on sait très bien que le Conseil de Sécurité, par les jours qui courent, est complètement bloqué. Donc, on peut parler ce qu’on veut au Conseil de Sécurité, au Secrétaire Général, mais le fait est qu’il n’y a pas de consensus pour une mission ni policière, ni militaire au regard du chapitre 7 de la Charte », a estimé Ricardo Seitenfus, invitant le Gouvernement haïtien a adopté de préférence une approche bilatérale, plus susceptible d’aboutir.

Des perspectives de la conférence

Plusieurs autres panels ont été organisés lors de cette Conférence internationale sur l’insécurité en Haïti. C’est ainsi que Rosy D. Auguste, Responsable de programmes du RNDDH, la Professeur Sabine Lamour de l’UEH, Darline Alexis, Secrétaire Générale de l’Université Quisqueya, et la journaliste Peguy Flore Pierre, sont intervenues dans un panel sur la question de l’insécurité et des droits humains.

Par ailleurs, les forces de sécurité haïtienne ont été analysées par le Général Jodel Lessage, commandant en chef des FAD’H, Papa Samba Mbodj, commissaire de Police pour le BINUH, et le rédacteur en chef du quotidien Le Nouvelliste Frantz Duval. Le thème « Insécurité et lien social » a été également abordé par Georges Wilbert Franck du Ministère de l’Education Nationale et de la Formation Professionnelle (MENFP), Caroline Hudicourt du COSPE, le Professeur Jean André Victor et Jean Robert Charles de la CORPUHA.

« Les forces de sécurité face aux gangs armés » ont été analysées par l’ex-DG de la PNH Mario Andresol, par Ashley Laraque du Groupe de Travail sur la Sécurité (GTS) et Francklin Benjamin, professeur à l’Université Quisqueya. « Impunité et justice privée : le système judiciaire face au défi du phénomène Bwa Kale » a rassemblé Aimée Thérèse Faye, cheffe du DDR-CVR, Jacques Letang de la Fédération des Barreaux Haïtiens, le Professeur Prospère Charles du GTS, et le Professeur Marc Prou de l’Université Quisqueya. Les points de vue des Universités Publiques en Région (UPR) ont été apportés par le Vice-recteur Berthony Pierre-Louis, les Recteurs Jean Elie Gilles et Joram Vixamar et le Professeur Prospère Charles. Les « Élections en contexte d’insécurité » et « le facteur Vodou : Mythes et Réalités », ont été également analysés lors de cette conférence.

L’initiative n’est pas à son terme après ces deux journées de conférence, un « Comité de suivi de la conférence » sera mis en place, et « sur la base des présentations et des échanges menés lors de la conférence internationale et des ateliers départementaux, il est prévu de produire à l’attention des autorités haïtiennes un ensemble de recommandations pratiques et opérationnelles ».

Clovesky André-Gérald PIERRE

cloveskypierre1@gmail.com

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