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Haïti-Justice : l’enquête sur l’assassinat de Jovenel Moïse fait du surplace

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Le nouveau juge d’instruction sur l’assassinat de Jovenel Moïse, en l’occurrence Me Merlan Belabre,  pourrait-il se désister à son tour ? Dans une note, Me Belabre écritqu’il craint pour sa sécurité et celle de sa famille et de ses collègues tout en pointant du doigt l’État qui ne lui fournit pas les moyens nécessaires pour mener l’enquête.

Une note manuscrite datée du 12 mars 2022 et signée par le nouveau juge en charge de l’enquête sur l’assassinat de Jovenel Moïse, Me Merlan Belabre, a été adressée à la communauté haïtienne et internationale. Le juge Belabre a  fait savoir qu’il n’a toujours pas reçu matériellement le dossier, alors qu’il en a été chargé depuis 10 jours. Il ajoute que sa sécurité, celle de sa famille et de ses collègues n’est pas assurée par l’État et souligne que si malheur lui arrive, l’État serait entièrement responsable.

Assassinat de Jovenel Moïse, un crime contre la sûreté de l’État

Le 7 juillet 2021, Claude Joseph, Premier Ministre à l’époque a annoncé que le Président avait été tué dans la nuit du 6 au 7 juillet dans sa résidence privée à Pèlerin 5, et que sa femmeétait grièvement blessée. Un crime odieux qui a plongé le pays dans les abysses de l’insécurité où il se trouvait déjà. Ce crime aébranlé les fondements de l’État. Cet assassinat a été perpétré alors que 647 agents de l’Unité de Sécurité Présidentielle et de l’Unité de Sécurité Générale du Palais National n’avaient qu’un seul travail, celui de le protéger.

Rappel des évènements clés

Les jours quiont suivi ont été marqués par un bombardement d’informations. Les grandes lignes de l’affaire peuvent se résumer ainsi : Le Dr Claude Joseph annonce l’assassinat de Jovenel Moïse, Président de facto depuis le 7 février 2021, par des mercenaires. Au cours de la journée, la police procède à l’arrestation des mercenaires, dont 18 ressortissants colombiens, 3 Américains d’origine haïtienne, parmi eux James Solages. Ces derniersauraient été sur le territoire durant la période de janvier à juin 2021.

Suite à cette arrestation, le Général Jorge Luis Vargas affirme que deux des Colombiens qui ont été capturés, ont en effet participé à une planification visant à « arrêter le Président » et ils ont à leur tour contactés d’autres compatriotes. Informations répétées plus tard par le Président Ivan Duque.

L’enquête a vite pris une dimension internationale. En effet, le journal El Tiempo affirme après des investigations sur le sol haïtien que les ex militaires sont arrivés entre 2h30 et 2h40 dans la résidence du Président, ce qui impliquerait que  ce dernier était déjà mort et que les Colombiensn’étaient pas ceux qui l’ont assassiné. Le journal affirme que ce sont les mercenaires qui ont emmené l’ancienne première dame à l’hôpital.

De juillet à date, selon un rapport du Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) environ 44 arrestations ont eu lieu en Haïti, des mercenaires jusqu’au responsable en chef de la sécurité du Président, dont Dimitri Hérard, chef de l’USGPN, le 14 juillet 2021. Ce dernier, selon ce rapport, était chargé de fournir des munitions aux mercenaires. Il attend jusqu’à date l’ordonnance d’un juge instruction. Jean Laguel Civil a lui aussi été arrêté, son implication serait de soudoyer les agents qui devaient assurer la sécurité du Président, a fait savoir ce rapport.

Enquête au ralenti

Martine Moïse, ex-première dame et veuve de Jovenel Moïse, a annoncé le 20 septembre 2021 que sa familles était constituée en partie civile et a profité pour porter plainte contre le Dr Ariel Henry, Premier Ministre nommé par le Président Moïse,contre Joseph Felix Badio en cavale, son rôle était de surveiller les faits et gestes du Président, Emmanuel Sanon (qui devait remplacer M. Moïse) et Dimitri Hérard déjà appréhendé.

Malgré toutes ces démarches, l’enquête semblene pas avancer. Il parait qu’aucun effort n’a été consenti au niveau du gouvernement pour faire bouger les lignes. On dirait que l’enquête, les investigations se font hors du pays. En effet, plusieurs « suspects » clés dans l’affaire ont été appréhendés à l’étranger. Samir Handal a été arrêté en Turquie le 15 novembre 2021, pourtant il était en Haïti, a laissé le pays le 9 juillet via l’aéroport International de Toussaint Louverture. Pour l’instant,  son dossier d’extradition est toujours dans l’impasse.

C’est aussi le cas pour Mario Antonio Palacios Palacios qui était aussi au pays. Malgré le mandat de la Direction Centrale de la Police Judiciaire, il a été arrêté le 3 janvier 2022 à Panama et extradé aux États-Unis. DrClaude Joseph, sur son compte twitter a informé que l’accusé devrait être transféré dans son pays d’origine et non en Haïti.

L’ancien Sénateur John Joël Joseph, lui aussi un élément clé, était au pays jusqu’en novembre 2021 ; son rôle, selon les rapports policiers,  était de louer des véhicules pour l’assassinat. Il a laissé le pays avec la complicité des autorités, selon Pierre Esperance. L’ex-Sénateur a été appréhendé à la Jamaïque. Selon les dernières informations, le Ministre des Affaires Etrangères et des Cultes, Jean Victor Généus, aurait demandé qu’on le  ramène en Haïti, sans spécifier s’il devait être déporté ou extradé. C’est ce qu’a écrit le journal Miami Herald le mardi 15 mars 2022.

Rudolphe Jaar, condamné pour trafic de drogue, était une autre personne d’importance dans l’enquête. Lui aussi a été arrêté hors du pays, en République Dominicaine et a été extradé vers les États-Unis, le 19 janvier 2022.

Les États-Unis de leur côté veulent prendre en main l’enquête. En fait, un projet de loi intitulé « Haiti Development, Accountabiliy and Institutional Transparency Initiative Act» est en cours et devrait réclamer des institutions concernées comme la « CIA », le « FBI », des enquêtesapprofondies sur l’implication des étrangers et leur motivation dans l’assassinat.

Mais au niveau national pas d’actions concrètes pour capturer les auteurs intellectuels. Des points d’ombre demeurent jusqu’à présent, comme les conversations téléphoniques du Premier Ministre Ariel Henry avec Badio le jour de l’assassinat. Ce dernier clame haut et fort qu’il n’est pas impliqué, dénonçant les allégationsde CNN.  L’implication présumée de la juge Wendelle Coq dans l’affaire soulève la question de savoir pourquoi elle n’a pas été appréhendée ? Où en est la DCPJ dans la recherche de Felix Badio ? C’est, entre autres, autant d’interrogations qui se posent autour de l’enquête.

Un rapport du RNDDH a fait savoir que les auteurs ont utilisé deux institutions bancaires haïtiennes dans le cadre de leurs transactionsconcernant le crime. Pourquoi la DCPJ n’a pas accès à ces informations qui permettraient de remonter jusqu’à eux ? Les différents accusés seraient-ils mieux cachés en Haïti qu’à l’étranger ?

Faut-il signaler, de son côté, le Premier Ministre de fait Ariel Henry ne cesse de clamer que feu Moïse aura justice alors que le dossier piétine. En effet, le dossier aété déjà confié à au moins trois juges qui se sont désistés.

Danie Charlestan

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