Haïti / Reconstruction : où en sommes-nous 11 ans après ?
4 min read11 ans après le séisme du janvier 2010, les séquelles sont encore présentes dans nos vies, nous nous en souvenons chaque année. Mais qu’en est-il de la reconstruction et des leçons que ce jour était censé nous apprendre concernant les normes de construction en prévision des catastrophes naturelles ?
12 janvier 2021. Onze années après le séisme, Port-au-Prince se réveille en ruminant le souvenir de ce jour qui est parti avec tant de vies. Elle ne saurait d’ailleurs oublier puisqu’en plus du nombre de personnes handicapées que le 12 janvier 2010 a laissées derrière elle, cette date est à l’origine d’une multitude de sans-abris jusqu’à ce jour. Si la plupart des ministères ont été reconstruits selon les normes parasismiques, il n’en a pas été de même pour le Palais national, un des symboles du pays. Cela n’a pas non plus été le cas pour toutes les maisons que le séisme avait durement éprouvées.
Une occasion de reconstruction ratée ?
Dès le lendemain de la catastrophe, on parlait déjà de reconstruction dans les normes et de prévisions pour d’éventuelles autres catastrophes naturelles. Le grand nombre d’Organisation Non-Gouvernementales (ONG) qui a valu au pays le surnom de République des ONG, laissait entendre qu’on planifiait une remise sur pied du pays, la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti (CIRH) a été formée. Toutefois, 11 ans après, la même précarité est observée dans le gros des constructions survenant après cette date terrible.
C’était pourtant sans doute le moment idéal pour jeter de nouvelles bases tandis qu’une grande partie de la population fuyait les maisons. Elle se serait pliée volontiers aux règles de construction à condition d’en avoir les moyens. Le souvenir du désastre étant encore frais, la population aurait été peut-être plus disposée à apprendre, à comprendre la nécessité de bien construire, si on le lui avait enseigné. Toutefois, la réalité a été tout autre. Sans aide aucune, une grande partie de habitants des tentes ont dû trouver tout seuls les moyens de se loger.
Une autre partie a été délogée sans doute par souci de donner l’impression d’un semblant de normalité et de retour à la vie. Si quelques-uns ont pu bénéficier d’une aide leur permettant d’espérer reconstruire, d’autres ont été dirigés vers des camps avec des abris en bois « provisoires », mais qui, dans certains endroits de Port-au-Prince, continuent encore d’abriter des sans-abris 11 ans après.
L’évaluation des maisons par le MTPTC oubliée
Le Ministère des Travaux Publics, Transports et Communications (MTPTC) a, au moment où ceux qui avaient encore une maison debout pensaient à la rejoindre, fait une évaluation de l’état des maisons restantes en parcourant chaque rue de Port-au-Prince et en marquant les maisons avec un code-couleur : vert pour celles qui sont restées en bon état, jaune pour celles nécessitant réparation et rouge pour celles qui devaient être démolies parce qu’elles représentaient un danger.
Aujourd’hui, ces marqueurs qui renseignaient sur l’état des maisons ne sont plus visibles. Cela ne serait pas un problème si les indications avaient été suivies d’effets. Mais, si certains des propriétaires des maisons marquées de jaune ont apporté les réparations nécessaires, d’autres se sont contentés d’une couche de peinture. Quant aux propriétaires des maisons marquées de rouge, beaucoup n’ont pas eu le cœur de démolir ces maisons qu’ils ont mis tant de temps à construire, ils ont donc préféré camoufler les murs et les poteaux fissurés sous de bonnes couches de béton.
Dès années après, aucune autre évaluation n’a été faite des suivis. Aucune évaluation non plus pour les nouvelles constructions et ce ne serait pas étonnant si, un bon matin, une maison qui avait l’air solide devait s’écrouler en ensevelissant avec elle tous ceux qui y sont puisqu’aucune mesure n’a été prise pour éviter la catastrophe.
Un Code de construction fantôme
Quelques mois après le séisme, soit en juin 2010, le MTPTC confiait qu’un code de construction était en cours d’élaboration. Toutefois, reconnaissant qu’une grande partie de la population construisait sans en informer l’État, le Ministère de l’Intérieur et des Collectivités territoriales, ainsi que celui des Travaux publics annonçaient aussi un « Guide de bonnes pratiques pour la construction de petits bâtiments en Haïti ». Le document, qu’ils prévoyaient facile, devrait servir de guide au secteur informel.
Si ce guide a été rendu officiel, ils ne sont pas beaucoup à le connaître dans le secteur informel et une grande partie de la population construit sans observer les normes, seulement par souci d’avoir un abri. Les parcelles de terres sont vendues au gré de leurs propriétaires et des maisons se construisent et reconstruisent partout, entassées, donnant naissance à de nouveaux bidonvilles ou les grossissant, oubliant combien cela avait été meurtrier le 12 janvier 2010.
Le séisme du 12 janvier 2010 a emporté sous les décombres des milliers d’Haïtiens. Il est bon que nous nous en souvenions chaque année. Toutefois, il serait bon aussi que nous respections leur mémoire en évitant les mêmes bêtises qui nous ont été fatales. Il serait temps de penser à construire selon les normes parasismiques puisque Haïti n’est toujours pas à l’abri d’une catastrophe naturelle.
Ketsia Sara Despeignes