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Haïti /santé : priorité aux soins ou à l’argent ?

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Plusieurs hôpitaux privés refusent des soins à des patients, même à ceux dont l’état nécessite une prise en charge urgente, parce qu’ils ne sont pas en mesure de payer le montant d’argent qui leur est demandé. Cette situation qui a déjà fait plusieurs victimes suscite une vive indignation et est déplorée par plusieurs citoyens.

Les grèves qui pullulent dans la majorité des hôpitaux publics, la difficulté d’accéder aux soins ou de trouver des médecins disponibles poussent la population à frapper aux portes des établissements de santé privés, surtout dans les cas où il faut une intervention en urgence pour sauver la vie du patient comme c’est surtout le cas lorsque surviennent des accidents de la circulation. Cependant, s’ils n’y rencontrent pas les mêmes difficultés qu’avec les hôpitaux publics, il arrive que ces patients se heurtent parfois à l’indifférence de la part des hôpitaux privés pour cause d’argent.

« J’ai dû conduire mon père à l’hôpital en toute urgence au cours de la période du pays lock, je n’avais pas de cash et pas de moyen d’aller à la banque à cause des routes qui étaient bloquées », témoigne Daniel qui a vu l’hôpital refuser de donner des soins à son père alors qu’il avait la quantité d’argent demandée sur sa carte. « Ils ont dit qu’ils ne recevaient pas d’argent de cette manière et mon père n’a pas pu recevoir de soins jusqu’à ce qu’un ami se propose d’emprunter la somme pour moi. C’est cela qui a sauvé mon père », continue-t-il avec hargne.

Mathie a connu la même situation avec une connaissance. « Il a fait une crise cardiaque et on a refusé de le recevoir. Il en est mort », témoigne-t-elle, avec tristesse. Aussi, dans ces cas-là, l’argent a plus de valeur que la vie du patient en danger de mort. Cette situation révolte beaucoup de gens qui trouvent un tel comportement injuste et contraire à la mission des médecins, en contradiction avec le serment d’Hyppocrate qu’ils ont prononcé, et même inhumain. « La vie devrait-être la première chose à laquelle il faut penser dans les cas d’urgence, l’argent devrait venir après », lâche Pierre qui trouve que c’est monstrueux de laisser quelqu’un se vider de son sang alors qu’on aurait moyen de le sauver.

Selon le Président de l’Association des pharmaciens haïtiens, Pierre Hugues Saint-Jean, cette situation est due à l’absence de loi sur la question. « Dans les hôpitaux privés en Haïti, pas d’argent, pas de soin, pourtant, toute personne dont la vie ou l’intégrité est en danger, a le droit de recevoir les soins que requiert son état », nous dit-il. Pour lui, le développement d’une politique de santé publique passe par la possibilité d’accéder facilement aux soins. « Mais, l’absence de loi sur les soins d’urgence, les comportements et pratiques de certains professionnels et d’établissements de santé, constitue un obstacle à la réalisation de cet objectif en Haïti », déclare-t-il. Il poursuit pour dire que la liberté laissée parfois aux acteurs du processus de soins conduit parfois à des situations où une personne en demande de soins se voit opposer un refus. Pourtant, selon lui, quel que soit l’état de santé et la situation sociale, tout le monde devrait recevoir les soins que nécessite son état.

Par ailleurs, il reconnait que ce refus de soigner les gens sans argent est aussi lié à l’impact que cela pourrait avoir sur les finances de l’établissement. « Soigner un patient en situation d’urgence sans aucune garantie de récupérer l’argent peut entraîner la fermeture de l’institution hospitalière », explique-t-il. Le fait qu’une bonne partie de la population ne travaille pas et ne soit pas couverte par une assurance complique les choses. Selon lui, l’État doit garantir la couverture sanitaire universelle. Il estime tout de même qu’une loi qui placerait en mauvaise posture les institutions refusant assistance à des citoyens en situation absolue est nécessaire afin de mettre un terme à cette situation indigne.

Ketsia Sara Despeignes

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