Haïti-Sécurité/SPNH: La liberté syndicale pour la PNH, est-ce la bonne solution ou sa raison de ne plus être?
5 min readLa Police Nationale est l’une des forces armées de la République d’Haïti. Créée le 12 juin 1995 conformément à la constitution du 29 mars 1987 amendée le 9 mai 2011, elle est placée sous la tutelle du ministère de la justice et a pour fonction d’assurer la sécurité publique et le maintien d’ordre sur le territoire national. Cette institution est régie par la loi du 29 novembre 1994 portant sa création, son organisation et son fonctionnement. Selon cette loi, cette institution est apolitique, c’est-à-dire, les membres de cette institution ne peuvent pas se livrer à des activités politiques. Toutefois, les policiers sont autorisés à exercer leurs devoirs civiques comme font les autres citoyens puisque, eux aussi, ils sont des citoyens à part entière.
Cependant, il est interdit aux policiers de se livrer à des activités politiques et d’avoir la liberté syndicale d’après le règlement intérieur de l’institution.
Faisons une analyse Constitutionnelle et Conventionnelle
Partons avec la Constitution du 29 mars 1987 version amendée en son article 35 alinéa 3 qui garantit la liberté syndicale à tous les travailleurs (euses) dans l’administration publique y compris privée.
Ensuite nous avons les Conventions signées par Haïti; en premier lieu on a la Convention Américaine des DROITS de L’ HOMME, en son article 16, qui garantit la liberté d’association à toute personne. Et en second lieu on a la Convention de l’Organisation Internationale du Travail qui garantit lui également la liberté d’association à tous et à toutes et la reconnaissance effective du Droit de Négociation collective.
Et en dernier lieu, le règlement intérieur qui interdit le syndicat dans la Police formellement. Tels sont quelques instruments juridiques nationaux comme internationaux qui ont leur point de vue particulier sur la question du mouvement syndical.
En outre, ces deux accords qu’ont été signé par Haïti, ils ont non seulement garantit la liberté syndicale, ils sont restés dans l’esprit de la Constitution, en dépit du fait qu’Haïti se catégorise parmi les Pays qui ont un système juridique Moniste, en ce qui a trait à la hiérarchisation des normes selon H. Kelsen, mais ils ont également donné une MARGE de manœuvre à l’État en question lorsqu’il s’agit d’octroyer la liberté syndicale à des forces militaires.
Voyons quelques marges de manœuvres de ces instruments:
La Convention Américaine relative aux droits de l’homme, dans l’article 16 alinéa 3 on cite: « La liberté d’association n’empêche pas l’imposition des restrictions légales, ni même l’interdiction de l’exercice du droit syndical aux membres des forces armées et de la Police. » De plus, la Convention de l’Organisation Internationale du Travail, dans l’article 9 alinéa 1 stipule que: « la mesure dans laquelle le droit syndical prévu par la présente convention s’applique aux forces armées et à la Police sera déterminée par la législation nationale. »
Autrement dit, en ce qui concerne à la Police ou à l’armée l’État peut restreindre ce droit(syndical) jusqu’à l’interdire, tel qui n’est pas une violation, c’est juste dans le but de protéger l’institution.
En Haïti, ce droit est interdit aux policiers à travers le règlement intérieur de l’institution, c’est normal pour plusieurs raisons. D’un côté, un éventuel syndicat pourra fragiliser la PNH, comme elle l’est aujourd’hui sans que cette liberté lui ait été octroyée, et de l’autre côté, on a pratiquement cette seule force de police qui protège les vies et les biens sur le territoire national. On s’imagine qu’un jour on entend que les syndicalistes de la PNH entrent en grève, juste parce que leurs revendications ne sont pas encore satisfaites?
L’unique force policière, imaginons un peu ce cauchemar!!!
Aujourd’hui on constate malgré sa présence, la majeure partie de la population fait face à l’insécurité, voire son absence.
Ceci étant dit, la liberté syndicale fragilisera davantage la PNH, car en Haïti l’idée qu’on a souvent en tête, c’est que le mouvement syndical est équivalent au droit de grève, pour répéter Me Samuel Madistin qui intervenait à l’émission le Point sur la Radio et Télé Métropole le 21 novembre 2019. Alors que ce droit de grève dont on parle ou revendique certains n’a même pas encore une loi d’application.
À titre d’exemple; à l’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti (HUEH), des patients rendent leurs derniers soupirs en présence des médecins qui sont en grève. Le pire au cours du mois de mai 2019 l’Association Nationale des Magistrats (ANAMA) et l’Association Professionnelle des Magistrats ( APM) lancent une grève à l’intention des Juges dans les 18 juridictions du pays pour des revendications entre autres; le paiement des arriérés de salaire, meilleurs conditions de travail, etc. Action qu’on pourrait interpréter en disant que “La Justice est en grève”, c’est du n’importe quoi. Bref, c’est juste pour montrer un peu l’effet négatif des mouvements de grève lancés par des syndicalistes.
Enfin de compte, les deux conventions qu’Haïti a ratifiées et le règlement intérieur de la Police ne permettent pas aux policiers(ères) de s’organiser en syndicat, ce dernier pourra considérer comme une entrave pour l’institution.
Personnellement, je ne pense pas que le droit syndical sera bénéfique pour l’institution, sinon de l’aggraver.
Tant qu’il n’y ait pas une loi pour réglementer le mouvement syndical et le droit de grève, l’institution doit s’abstenir de toute protestation, manifestation et tout autre mouvement qui peut prêter à équivoque. Néanmoins, on propose un meilleur salaire et une meilleure condition de travail pour les policiers, qu’il y ait une instance où les policiers(ères) peuvent faire leurs doléances et qu’ils auront la certitude que leurs revendications seront satisfaites. C’est pourquoi, on demande à ce que les organismes de défense des droits humains soient beaucoup plus professionnels dans leurs constats, interventions, et rapports vis à vis de la Police, on a l’impression qu’ils sont toujours là pour dénoncer les bavures policières que de défendre les policiers lorsqu’ils sont eux aussi victimes.
La Presse peut jouer sa partition également en essayant de tisser les liens entre la population et les agents de la Police.
Au total, ces propositions peuvent réduire les problèmes qui rongent cette institution et ramène ses fonctionnaires à l’ordre. Car c’est vrai que les conditions ne sont pas bonnes, le salaire est pitance, mais est-ce que la liberté syndicale résoudra ces problèmes en un clin d’œil???
Références: Edlène PETICAT, étudiant mémorant en Droit.
Me Jasmin dans La Police Nationale d’Haïti est-elle prête pour la liberté syndicale?
Don Waty BATHELMY
Économiste, Blogueur.