Katiana Jean, la force d’une femme déterminée à réussir
4 min readKatiana Jean est la directrice du projet Hult Prize, et hausse sa voix pour affirmer que la femme est source de savoir, matrice de la société. « Fanm se poto mitan », a-t-elle scandé lors d’un entretien pour s’opposer au machisme qui gangrène les institutions.
Katiana Jean est un nom qui résonne assez fort dans les locaux de l’Université Quiqueya. Campus Director pour le Hult Prize, elle fait montre d’un leadership qui influence les jeunes étudiants de l’université qui célèbre ses trente ans. Même les hauts responsables sont admirés ses compétences. Elle est du genre à s’intéresser aux points sur les i, à mettre l’accent sur les détails. Dans sa pensée, en effet, ce sont les détails négligés qui peuvent nuire à un travail impeccable. A l’évidence, Katiana est une jeune femme soigneuse et très organisée. Elle a le goût de la perfection; une grande qualité qu’elle hérite de sa mère, couturière. Si la sensibilité à l’esthétique lui est léguée par sa mère que s’y connaît en couture, la rigueur dans le travail lui est transmise par son père, ingénieur.
Étonnamment, malgré ses capacités héréditaires, Katiana n’a pas grandi avec ses deux parents et cela a été son plus grand handicap. Elle en parle en ces termes : »le fait de ne pas pouvoir grandir avec ses deux parents dans la société, peut constituer un grand handicap pour une jeune fille. Psychologiquement on est affectée car sans l’affection des deux parents, on a du mal à tenir l’équilibre. Elle tient toutefois à l’égard de sa mère des propos de gratitude. « Ma mère est une femme forte. Elle a fait tout ce dont elle pouvait pour me combler », reconnait la chargée de communication interactive à l’InnovEd-UniQ.
Le sentiment d’insécurité d’une femme seule dans une société machiste
À l’issue des embrouilles familiales, la jeune femme a dû une canonnade de diatribes de la société, quand elle a décidé d’aménager seule à Turgeau, à l’âge de vingt-cinq ans. « Je ne me sentais pas en sécurité dans une société où l’on vous colle toutes sortes d’étiquettes, dont celle de libertine, sur le chemisier d’une femme qui habite seule », témoigne Katiana qui considère ces critiques infondées empreintes d’un machisme démodé comme des idioties.
Plus loin, selon elle, cette situation peut affecter les relations amoureuses d’une personne.« Il est quasi impossible pour un partenaire d’entretenir une relation solide avec une jeune femme indépendante qui n’habite pas au moins chez un parent, faute de confiance», relate-t-elle pour montrer à quel point peut être profond et aberrant ce manque de confiance vis-à-vis des femmes originales.
En effet, peu de gens ont une noble opinion des femmes qui vivent indépendamment de leurs parents. Sans aucune preuve à l’appui, ils sont convaincus de l’obscénité de leurs activités pour gagner leur vie. Selon les dires de l’étudiante, ce qu’elle considère comme un phénomène sociétal résulte de la pauvreté du pays. « En Haïti, une femme de plus de trente ans n’a pas le droit d’habiter seule. Tandis que dans les pays développés, dès la majorité, une jeune femme peut vivre sa vie comme bon lui semble », avance-t-elle.
Ce vide laissé par la séparation de ses parents ne sera jamais comblé. « J’aurais sincèrement souhaité me réconforter dans les bras de mes parents quand je rentrais chez moi », dit Katiana Jean qui a connu en raison de son indépendance des incompréhensions et des discriminations, d’une voix tremblante qui ne cache pas sa mélancolie.
La force d’une femme hyper motivée
Malgré d’innombrables pièges tendus sur sa route , Katiana Jean, étudiante en Gestion touristique, parvient à maintenir le cap vers la réussite de sa vie. Les critiques acerbes dont elle a été sujette n’ont point ébranlé son estime, sa confiance en elle, voire sa détermination. Au contraire, elles n’ont que renforcer sa personnalité.
« La réussite d’une jeune femme ne peut dépendre de la question de savoir si elle habite ou pas sous le toit de ses parents, mais dépend plutôt de la force de son caractère. Ce sont en effet sa volonté, sa détermination, ses convictions, ses compétences et sa motivation qui vont orienter sa vie vers le succès », affirme t-elle. Ainsi, elle invite la gente féminine à ne pas fléchir devant cette société où règne le patriarcat et qui peine à leur faire confiance malgré l’évidence de leurs compétences. « Depi tèt ou pa koupe, ou mèt espere met chapo », lance-t-elle particulièrement aux femmes orphelines.
« Peu importe ce que vous vivez, peu importe la situation dans laquelle vous vous trouvez, mesdames, soyez dignes ! Car, vous pouvez réussir avec dignité », résume la Directrice du Campus pour le Hult Prize de l’Université Quisqueya .
« Leadership is power over problems not over people », conclut Katiana Jean.
Statler LUCZAMA