À travers un document intitulé, « Le Volume IV de la Revue Développement de Connaissances et Compétences Financières (RDCCF) » rendu public au début du mois de juillet, la Banque de la République d’Haïti (BRH) estime qu’il paraît opportun de dynamiser et de moderniser davantage le secteur des coopératives en Haïti. Ceci, en procédant par un renforcement de l’accompagnement technique et l’adoption d’un cadre de supervision plus inclusif…
La digitalisation représente aujourd’hui un levier stratégique pour améliorer l’accessibilité, optimiser la gouvernance et étendre les services financiers aux populations exclues, notamment dans les zones rurales et reculées, à en croire la Banque Centrale. Pour cette dernière, faciliter l’accès au statut agréé pour les coopératives performantes et digitalement outillées permettrait non seulement d’accroître le nombre d’institutions financières formelles, mais aussi de renforcer leur capacité à jouer un rôle plus important dans l’inclusion financière et la réalisation des Objectifs de Développement Durable (ODD).
Pour ce faire, la BRH estime qu’il est nécessaire de mettre en place un « cadre de protection des consommateurs financiers pour encadrer cette transition des caisses populaires vers le numérique, afin de garantir la sécurité, la transparence et l’inclusion financière et digitale de tous les usagers ».
Coup d’œil sur l’historicité du mouvement coopératif en Haïti
Le mouvement coopératif en Haïti trouve ses origines au début du XXᵉ siècle, et s’est progressivement structuré sous l’impulsion de figures politiques et religieuses à travers des caisses d’entraide et des coopératives agricoles, a expliqué la BRH, en précisant par ailleurs que c’est sous la présidence de Sténio Vincent (1930-1941) que le mouvement a réellement connu un encadrement officiel.
Eu égard au Conseil National des Coopératives (CNC), il a été créé en 1981. Il est un acteur clé du mouvement coopératif. En partenariat avec le Ministère de la Coopération et de la Planification Externe (MPCE), le CNC encadre, contrôle, forme les dirigeants, évalue la santé financière des coopératives autres que les caisses populaires et supporte la recherche de financements, explique la BRH. De plus, le CNC est l’autorité principale responsable de l’octroi des agréments pour toutes les coopératives. Cependant, en ce qui concerne les coopératives d’épargne et de crédit, ajoute la BRH, une fois cette étape achevée, la réglementation et la supervision sont exclusivement assurées par la Banque de la République d’Haïti (BRH).
Au cours des années 1990-2000, les coopératives d’épargne et de crédit, couramment appelées Caisses Populaires, se sont développées en parallèle à la montée des institutions de microfinance non mutualiste en Haïti, explique la BRH. Une crise survenue en 2002-2003, provoquée par des schèmes frauduleux, a entraîné de lourdes pertes pour certains épargnants et a ébranlé la confiance dans le secteur, a rappelé la BRH, en relevant par ailleurs que cette situation a également favorisé l’adoption d’une loi spécifique en 2002 au CEC et aux fédérations de CEC établissant un nouveau cadre légal visant à encadrer et sécuriser le fonctionnement de ces institutions.
La Banque de la République d’Haïti, dans l’une de ses publications, en 2018, relative à la loi sur les coopératives d’épargne et de crédit, repositionne les coopératives d’épargne et de crédit comme étant : « Toute association autonome de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques, sociaux, culturels communs, au moyen d’une entreprise dont la propriété est collective et où le pouvoir est exercé démocratiquement » (Loi 2002 sur les coopératives en Haïti).
Selon la BRH, l’adoption de la loi de 2002 sur le fonctionnement des coopératives d’épargne et de crédit a marqué un tournant décisif pour le secteur en Haïti, en ouvrant la voie à la création de fédérations, d’associations et de regroupements coopératifs. Cette réorganisation, avance la BRH, a permis de mutualiser les ressources, de renforcer la supervision et d’améliorer la gouvernance du sous-secteur. « Grâce à un cadre légal concis, le secteur s’est réorganisé par la formation, en 1998, de la première association de caisses populaires haïtiennes (ANACAPH), suivi en 2007 par la mise en place d’une première fédération des caisses populaires haïtiennes (FECAPH) dit Le Levier, et en 2017, par la constitution d’une deuxième fédération : la Société Coopérative communément appelée, Le Sociétaire », a soutenu la Banque de la République d’Haïti.
Aujourd’hui, le sous-secteur coopératif d’épargne et de crédit en Haïti se structure autour de deux types de coopératives : les caisses de premier niveau, en contact direct avec les sociétaires, et les fédérations de second niveau, qui leur apportent des services mutualisés, explique la BRH en soulignant que ce niveau de structuration favorise la professionnalisation des caisses, renforce la stabilité du sous-secteur, améliore l’accès aux services financiers pour les populations vulnérables et promet une réponse coordonnée à l’exclusion financière.
Quelles sont les importances des CEC?
Grâce à leur ancrage endogène, la BRH a fait savoir que les coopératives sont aujourd’hui reconnues comme des acteurs incontournables du développement économique et de l’inclusion financière à l’échelle mondiale. Elle souligne que dans des contextes régionaux similaires à celui d’Haïti, notamment en Amérique latine et en Afrique, on observe une forte densité d’institutions coopératives, qui contribuent activement à la dynamisation de l’économie de proximité en facilitant l’accès au crédit, à l’épargne et à des services financiers solidaires.
Dans le cas d’Haïti, et ce même après 79 ans d’introduction du modèle sur le territoire national, il est difficile de quantifier de manière précise le secteur des coopératives en général dans le pays, a indiqué la BRH. Toutefois, il importe de rappeler, selon la Banque Centrale, que les CEC accompagnent 1,4 million de sociétaires et mobilisent plus de 23 milliards de gourdes d’épargne. Actives dans les dix (10) départements du pays, elles s’imposent comme des acteurs de proximité essentiels, en particulier pour les populations éloignées du système financier traditionnel.
Jackson Junior RINVIL
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