La fête des “Guédés”: un symbolisme qui remet en valeur la culture haïtienne
4 min read“La fête des Guédés reste un événement très significatif pour la communauté du vodou qui met en valeur la culture haïtienne dans un contexte d’acculturation”, rappelle l’anthropologue, chercheur et professeur à l’Université d’État d’Haïti (UEH), Jean Sergo LOUIS, dans une interview accordée à la rédaction Le Quotidien News le 1er novembre 2023.
Dans plusieurs pays du monde, les gens célèbrent les morts et profitent de cette occasion pour déposer des offrandes, des fleurs sur les tombes en mémoire des disparus. Ce rituel fait appel à un ensemble de traditions fortes appartenant à chaque culture. En Haïti, la fête des morts est connue sous le nom de la fête des « Guédés », un rituel annuel dans le vodou haïtien réalisé tous les 1er et 2 novembre. Les cérémonies se déroulent généralement dans les cimetières du pays considérés comme étant la grande maison des « Guédés ». Cependant, il existe un sentiment de rejet de la part des protestants qui en profitent pour organiser des journées de prières dans le but de chasser des « mauvais esprits ». Les chrétiens ne prient pas pour leurs morts, car leur foi leur permet de savoir que la personne décédée est accueillie par le Seigneur.
Les « Guédés » font partie du patrimoine religieux du panthéon haïtien. Selon la religion du vodou, les « Guédés » symbolisent généralement les esprits de la mort. Il y a différents noms attribués aux « Guédés » ; Papa Guédé, Guédé Nibo, Guédé Masaka, Guédé fouillé, Guédé plumage. En ce qui a trait à la symbolisation des couleurs, l’anthro-pologue précise que la couleur noire considérée comme couleur du deuil symbolise le commencement de la vie dans le monde du vodou, le mauve violet évoque la transformation et le blanc la pureté. Ces mélanges de couleurs servent à amener les morts à la vie.
« La fête des Guédés est un élément fondamental dans la religion du vodou haïtien. Ce rendez-vous est crucial pour les vodouisants, il marque le retour temporaire des esprits dans l’univers du vodou. Pour témoigner leur respect vis-à-vis des esprits, les pratiquants du vodou nettoient les tombes. Ils dansent et chantent au rythme des musiques du vodou et de rara, tracent des vèvè, et apportent des fleurs pour honorer la mémoire des défunts », indique l’anthropologue Jean Sergo Louis en rappelant que la vénération des morts n’a pas lieu seulement le jour de la fête des « Guédés ». Car dans la conception du vodou, elle fait partie d’une pratique quotidienne. Les vivants communiquent souvent avec les morts pour qu’ils puissent intervenir pour les protéger.
Ce rituel permet aux « Guédés de garder leur rapport harmonieux avec les morts. Les pratiquants du vodou en profitent pour présenter leurs demandes auprès des esprits. « Dans la cosmogonie du vodou, il n’y a pas une séparation entre les vivants et les morts, c’est pourquoi les vivants veulent toujours restés attachés avec les morts. La présence des morts est très significative dans le culte du vodou », ajoute le professeur Sergo Jean Louis.
« Fêter la fête des Guédés, c’est en effet une façon de transcender la réalité, de casser les formes, d’essayer de comprendre l’univers du vodou. Elle remet en question un ensemble de traditions propres au vodou. Les Guédés se rattachent à la biodiversité et au corps de l’humain. Cela s’explique clairement par les mises en scène, les personnes en transe utilisent souvent leur corps, plus précisément leurs yeux, leurs parties génitales en y ajoutant beaucoup de piment cru et du ‘’clairin’’. Ils lancent des propos qui font appel à la sexualité. Bien que la façon par laquelle se manifestent les esprits des guédés fait l’objet de critiques sociales, ces rituels restent et demeurent l’identité des guédés », explique-t-il en précisant que c’est tout simplement le défi d’accepter la différence, car nous ne disons pas les choses avec le même langage. Les « Guédés » ont leur propre langage.
« Toutefois, l’utilisation du piment cru et du ‘’clairin’’ par les « Guédés » dans leur corps reste un phénomène mystérieux. Comment le corps peut-il se métamorphoser pour supporter la douleur ? Est-ce que le mélange de piment cru et de ‘’clairin’’ ne contient peut-être pas une substance qui peut aider le corps à résister contre la douleur ? Ces questions font appel à la science. Peut-être, faudrait-il mettre en place un vaste laboratoire pour essayer de comprendre ce phénomène », se demande le chercheur en soulignant que ce phénomène devrait interpeller les biologistes, les chimistes, les ethnologues, les anthropologues, etc.
Marie-Alla CLERVILLE