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La fête des mères, entre le désir de célébrer et les crises multiples !

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Le mois de mai arrive ordinairement avec un vent de festivité et de gaieté. Dès le 1er jour du mois, on célèbre la fête de l’Agriculture et du Travail. Puis, le 18 mai marque l’anniversaire du bicolore. Et enfin, de manière immuable, chaque année, lors du dernier dimanche du mois où fleurit le printemps, c’est la fête des mamans ! Cependant, compte tenu des nombreuses crises qui entravent la vie de la nation, cette année, la fête sera évidemment moins grandiose que les années précédentes !

Cette année encore, la fête des mères répond au rendez-vous ! Cette tradition datant du début du 20e siècle a une importance particulière en Haïti. En ce jour, toutes les mamans des quatre coins du territoire sont honorées et choyées par leurs enfants. Ainsi, ces derniers offrent à leurs mères des cadeaux allant des plus simples aux plus luxueux. Des fleurs, des gâteaux, des cartes et même des articles ménagers ne sont jamais de trop pour témoigner notre gratitude envers ces femmes qui nous ont portés, choyés, aimés, soignés et accompagnés tout au long de nos vies ! En cette journée, chacun dessine un sourire sur le visage de sa mère, à sa manière et selon ses moyens.

Outre la portée émotionnelle de la fête des mères, il nous faut aussi évoquer sa portée économique. Durant cette période, la plupart des magasins proposent des réductions importantes sur leurs produits. Cette pratique commerciale est très courante en temps de fêtes. Les consommateurs se hâtent donc d’acheter les produits à prix réduits, ce qui est bénéfique à tous. Il y a aussi de nombreux spectacles organisés pour l’occasion sans compter d’autres activités qui permettent de générer des revenus. Si les secteurs privés et informels ont beaucoup bénéficié des célébrations de la fête des mères, au cours des années antérieures, cette fois ils connaissent le revers de la médaille.

Aujourd’hui, c’est un secret de polichinelle que l’économie du pays est paralysée par le poids de toutes les crises qui l’étreignent. Entre les crises alimentaires, sanitaires, politiques, sociales et le manque d’infrastructures existant dans toutes les sphères de la vie nationale, l’économie nationale est à genoux. Ajouté à cela, il y a la crise sécuritaire,  la dernière goutte qui a fait déborder le vase. À cause du kidnapping, qui est à son bilan le plus élevé, soit 225 cas enregistré durant le premier trimestre de cette année, selon un rapport du Centre d’Analyse et de Recherche en Droits Humains (CARDH) publié le 30 mars dernier. La population est décapitalisée, beaucoup de familles sont ruinées, sans parler des séquelles psychologiques.

Dans son intervention à l’occasion du 13e congrès universitaire, organisé par la Pastorale Universitaire Archidiocèse de Port-au-Prince les 14 et 15 mai dernier, le professeur Josué Vaval a parlé de l’impact psychologique de l’insécurité sur la population. À travers son exposé, le coordonnateur de la Faculté des Sciences Humaines (FASCH) de l’Université d’État d’Haïti (UEH), avance que l’insécurité qui règne sur le territoire agit de manière négative sur le psychisme de la population, c’est-à-dire, sur notre conscience, nos émotions, notre intelligence, nos facultés affectives et notre volonté. Ces agressions provenant de l’extérieur ont des répercussions néfastes sur le fonctionnement de nos facultés cérébrales et malheureusement, d’une manière ou d’une autre, beaucoup de personnes présentent des syndromes post-traumatiques, parfois sans le savoir.

Cette période festive qui devrait apaiser l’atmosphère et rendre heureuses les mamans, ne peut guère dissoudre le flot de stress qui s’empare de celles-ci. En effet, ces dernières années ont vu couler bien des larmes. Combien de mères ont vu mourir leurs enfants sous les coups de la violence qui règne dans le pays ? D’ailleurs, pas plus tard que ce samedi écoulé, une jeune mère pleurait de détresse et d’angoisse, l’enlèvement de son unique fille. Combien de mères ont poussé des cris de douleur et de rage dans ce pays ? Et combien d’enfants ont perdu leurs mères dans des circonstances peu ordinaires ?

Dans une entrevue accordée au journal Le Quotidien News, Nadège*, une commerçante et mère célibataire, nous confie son angoisse. Habitant un quartier à Delmas 69, avec sa fille de 20 ans, étudiante dans l’une des meilleures universités de Port-au-Prince, Nadège* confie avoir une boule à l’estomac à chaque fois que sa fille doit sortir dans les rues. « Je n’ai pas peur pour moi, mais pour elle. La rue est tellement pleine de pièges, j’ai peur de ne pas la voir rentrer et je panique si je n’arrive pas à la joindre au téléphone »,  nous dit-elle. En effet, la situation actuelle l’enferme dans un dôme d’angoisse perpétuelle.

« Avec la situation d’insécurité, je n’ai pas vraiment le cœur à fêter. Le stress, l’anxiété, les cauchemars ne me permettent pas de célébrer comme cela se doit, poursuit-elle, mais je suis quand même heureuse et fière, je ne regrette pas d’avoir fait le choix d’être mère. Ma fille est un cadeau du ciel, c’est pour elle que je me sacrifie et que je vis. Malgré la vie chère et tous les problèmes, on va fêter comme on peut. J’espère juste que durant les années à venir on pourra célébrer les mamans comme cela se faisait dans le temps »,  conclut Nadège*.

Depuis quelques années déjà, la fête des mères en Haïti perd de plus en plus son prestige. Cette année, entre les crises pluridimensionnelles qui paralysent le pays et les impacts psychologiques néfastes de l’insécurité sur l’ensemble de la population, la fête des mères ne fait que garder la face. Et comme d’habitude, on s’adapte à toutes les situations, comme des grenouilles dans une marmite d’eau que l’on chauffe, à condition qu’elle ne devienne pas bouillante ! Alors, peu importe le climat, on s’adapte comme on peut et on se prépare à fêter les mamans !

Leyla Bath-Schéba Pierre louis

Pleyla78@gmail.com

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