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La migration clandestine, un terrain favorable aux réseaux des passeurs et un danger pour ceux et celles qui émigrent

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La migration clandestine s’explique par le fait que des émigrants laissent leur pays en prenant des risques très importants au péril de leur vie pour aller vers d’autres pays  dans lesquels ils espèrent avoir des conditions de vie meilleures. Ce type de migration  relève d’une décision irrationnelle, même s’il est clair que l’instinct de survie permet de se surpasser et de faire des choses inimaginables. Et souvent, ils abandonnent ou liquident tous leurs avoirs en échange du déplacement.

Par ailleurs, les passeurs ou trafiquants peuvent être considérés comme un mécanisme directement lié à la migration clandestine. Des qualitatifs comme manipulateurs, arnaqueurs et escroqueurs sont les attributs de ces gens. Dans un reportage de France 24 en Turquie, le journaliste Murat Savas affirme que « les passeurs ne considèrent pas les migrants comme des êtres humains ». Il cite l’exemple suivant :« Il s’agissait de faire partir des gens par la mer, mais il était évident que le bateau allait couler. Les migrants ont refusé de monter, les passeurs les ont frappés, ils ont pris leur argent et les ont forcés à embarquer… »[1]. Par la suite, le bateau a coulé et de nombreux migrants sont morts noyés. 

L’expérience des migrants nous montre l’incertitude et le danger des routes irrégulières. En Amérique, Haïti compte parmi les pays dont le nombre de candidats à l’émigration est le plus élevé. Comme outil de vérification, nous pouvons prendre en compte les différentes crises migratoires vécues par les Haïtiens au cours de cette décennie.

Essayons de comprendre les routes irrégulières d’Haïti au Brésil à travers les différents facteurs mentionnés ci-dessus tout en considérant l’aspect socio-économique.

En effet, les lieux de transit des émigrants haïtiens se trouvent en Équateur, au Pérou et en Bolivie.[2] Depuis le pays d’origine jusqu’à la terre tant convoitée, ils empruntent une route périlleuse et irrégulière qui  leur coûte très cher. Un émigrant haïtien explique qu’il est d’abord passé par la République Dominicaine, puis, après une escale à Panama, il s’est envolé pour l’Équateur où il est resté quelques temps avant de prendre la direction du Pérou. C’est surtout dans le pays des Incas que les émigrants font face  au plus grand nombre de difficultés, car souvent, ils se font dépouiller de leurs biens par la police péruvienne, lors des contrôles, avant d’arriver au Brésil.[3]

Quelle que soit la voie empruntée par les émigrants haïtiens pour se rendre au Brésil, le voyage a un coût. Mais les plus grandes difficultés surgissent quand ils passent par les frontières de plusieurs États pour rentrer illégalement au Brésil. Aussi, au coût initial du voyage, il faut ajouter les montants utilisés pour soudoyer les agents de police des frontières et les passeurs.

Le voyage des émigrants haïtiens coûte très cher,le montant varie entre 3.000 et 6.000 dollars américains.[4] Une estimation qui comprend le coût des transports aérien et terrestre, de l’alimentation, de l’hébergement, y compris la dissimulation dans une maison de passeurs dans la commune de Mancora à l’abri de la police. Pour couvrir les frais de voyages, certains font des prêts, d’autres vendent leurs biens ; voitures et autres.[5]

A cause de l’escroquerie et de la tromperie des passeurs, ces migrants font beaucoup de dépenses qui n’ont pas été planifiées. Cela affaiblit leurs moyens en vue de s’installer décemment dans un premier temps dans les villes frontalières  par lesquelles ils transitent, ce qui leur met dans une condition sociale précaire.

Un autre chemin à parcourir, cette fois-ci sur le territoire brésilien

Paradoxalement, le Brésil par sa superficie de 8 511 965 km2 « présente les plus fortes inégalités sociales au monde. »[6] Marcelo Ribeiro, directeur de recherche révèle dans une étude que : « Les villes qui offrent les meilleures conditions sont celles du Sud et du Sud-est, et quelques-unes du centre du pays. Les pires scores sont localisés dans le Nord et le Nord-est, et aussi dans le centre du pays, une zone de transition. »[7]

C’est ce qui explique le déplacement des migrants haïtiens du Nord du territoire pour aller vers le Sud, quoi qu’ils pourraient entreprendre le chemin régulier pour atteindre le Sud du géant latino-américain sans passer par le Nord du territoire, néanmoins, cela requiert des  documents légaux tels que : passeport, visa et carte d’identification. Souvent, même avec le visa, ils optent pour la route irrégulière. Cette route qui donne accès au Nord du Brésil, nous permet de constater une grande mobilité de nos migrants haïtiens sur le territoire sud-américain.

Les pays de transit mentionnés ci-dessus facilitent l’accès des migrants haïtiens clandestins au Brésil en passant par des zones de transition: Tabatinga, en Amazonie, Brasileia, capitale d’Acre, villes où on leur remet un numéro de registre fiscal (CPF), un numéro d’identité fiscal, et un permis de travail qui leur donneront le droit de s’établir au Brésil.[8] D’après une étude sur la migration haïtienne, les chercheurs expliquent qu’« enregistrer les Haïtiens dans les régions frontalières comme à Tabatinga et Brasileia est une pratique qui a contribué indirectement à la traite humaine[9]

Le choix des migrants haïtiens d’entrer au Brésil comme clandestins les fait tomber dans les mains des réseaux mafieux. Hormis les péripéties auxquelles ils ont dû faire face avant d’arriver dans ce pays, ils doivent encore trouver de l’argent pour poursuivre leur trajet vers Sao Paolo et Rio de Janeiro. À ce moment-là, la plupart d’entre eux attendent de l’argent de leurs proches ou de leurs amis ou acceptent d’être embauchés par des entreprises qui leur offrent un salaire couvrant à peine le déplacement vers le Sud.Eddy Junior BONET, Internationaliste, Diplomate


[1] Reportage de France 24 « l’illusion turque : l’immigration »

[2]Organisation Internationale des Migrations, Bureau national de l’Amérique du Sud, Migration haïtienne vers le Brésil : caractéristiques, opportunités et enjeux, cahiers migratoires No.6, Buenos Aires, 123 pages.

[3] Simon Benoit-Guyod, « Le long et périlleux périple des Haïtiens vers le Brésil » in article, le 2 mars 2014, https://www.vice.com/fr/article/8gymap/haitiens-bresil-immigrants-curitiba

[4] Therno N. Alisthene Senelus, « La migration haïtienne vers le Brésil », in atelier des médias, le 30 juillet 2015, http://atelier.rfi.fr/profiles/blogs/la-migration-haitienne-vers-le-bresil, consulté le 23 septembre 2018.

[5]Op.cit., OIM, La Migration haïtienne vers le Brésil: caractéristiques, opportunités et enjeux.

[6]Marie-Françoise Fleury, Hervé Théry, « Les contrastes du développement au Brésil », in document,  http://hist-geo.ac-rouen.fr/doc/ddc/dvlpbre/dvlpbre.pdf

[7] « Classement les villes brésiliennes les plus agréables sont », in Courrier Expat, le 9 décembre 2016,

https://www.courrierinternational.com/article/classement-les-villes-bresiliennes-les-plus-agreables-sont

[8] Ibid.

[9]Miguel Joubel, « Haïti Amazonie Brésil – l’immigration haïtienne au Brésil est bien antérieure au séisme de 2010 » in Journal de Guyanne, le 4 décembre 2014,

http://www.une-saison-en-guyane.com/breves/journal-des-guyanes/haiti-amazonie-bresil-limmigration-haitienne-au-bresil-est-bien-anterieure-au-seisme-de-2010/

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