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La passivité et le silence de la population haïtienne par rapport au non-respect de ses droits: combien de temps cela va durer?

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Le 1er janvier 1804 est née la première nation noire du monde. Cette nation singulière a brisé les chaînes de l’esclavage, l’une des plus grandes formes d’exploitation que l’humanité a connues. Aujourd’hui, 218 ans après la proclamation de l’indépendance, Haïti, la terre de la liberté, vit l’un des moments les plus sombres de son existence. Ce peuple qui a combattu l’une des plus grandes armées du monde reste, cependant, silencieux et passif face à aux différentes crises alimentaire, sécuritaire, politique et sociale qui ne cessent de l’étouffer.

L’histoire du peuple haïtien suscite, en effet, nombre de réflexions. Depuis la création de la nation, ce peuple alterne entre crises et incertitudes. Les années s’écoulent, les gouvernements se succèdent mais la qualité de vie de la population ne s’améliore guère. Le peuple vit dans une précarité totale et manque de l’essentiel. Ses droits fondamentaux et inaliénables ne sont pas respectés. Ses fils et filles meurent quotidiennement de tous les maux possibles et inimaginables. Le gouvernement en place ne fait et ne dit rien pratiquement. La population non plus, pourtant c’est elle qui subit!

On reconnaît au peuple haïtien d’être très résilient et d’avoir la capacité de s’adapter à toutes les situations. Mais depuis quelque temps, il semble confondre résilience et résignation. Car, à force d’encaisser, de résister sans trop se plaindre, de s’adapter, il sombre dans la passivité et finit tout simplement par se résigner. En dépit de tous les drames qui assombrissent le ciel bicolore haïtien, de tous les crimes commis à l’encontre de la population, des vols et des privations qu’elle subit durant ces dernières années, elle reste silencieuse et paraît ne pas mesurer la gravité de la situation actuelle.

Lorsque les structures étatiques sont dans l’incapacité ou manquent de volonté pour résoudre les problèmes de base, la population haïtienne s’accommode de la situation, quelle qu’elle soit. Pas d’électricité, elle se procure un générateur et/ou des panneaux solaires et pour les plus démunies, des bougies et des lampes. Pas d’accès à l’eau, elle achète des camions d’eau. Et dans certaines zones, la population peut marcher jusqu’à des kilomètres pour trouver de l’eau. Cela relève pourtant des responsabilités de l’État que de fournir à la population ces services de base. Pourtant, l’Haïtien s’accommode de tout!

Ce peuple débrouillard dépense toute son énergie pour faire marcher le pays, même si cet effort est insuffisant. En effet, avec un taux très élevé de chômage, les jeunes qualifiés dans différents domaines n’attendent guère l’intervention de l’État pour se bouger. Mais, ils intègrent courageusement le marché informel pour vivre. Entre le secteur commercial, le secteur du transport en commun, et les autres métiers qui emplissent le secteur informel,  jeunes et adultes se débrouillent sous le soleil et sous la pluie pour subvenir à leurs besoins et prendre soin de leurs proches, même si le gouvernement ne daigne même pas avoir un regard pour eux.

Or, des raisons de se rebeller et d’extérioriser sa colère, le peuple haïtien en a plein. Pourtant, il reste silencieux et passif à un niveau qui devient dangereux. Le peuple reste passif face aux prix des produits de première nécessité qui augmentent hebdomadairement, face à la dépréciation de la gourde par rapport au dollar américain, qui frôle les 160 gourdes, face au pourcentage d’enfants non-scolarisés qui dépassent largement la barre des 50%, face à l’absence totale des services hospitaliers et face au nombre indéfini de jeunes, d’enfants et d’adultes qui meurent tous les jours.

La population se résigne et prend tout comme cela vient. La chose qui, selon l’opinion publique, aurait pu mettre un frein à la passivité exagérée et à l’attitude indifférente des Haïtiens est le phénomène de l’insécurité qui devient totalement incontrôlable. Pourtant, en dépit de la dégradation de la situation sécuritaire du pays, du nombre de massacres perpétrés par les groupes armés dans les quartiers les plus vulnérables, des zones totalement impraticables et invivables, des assassinats, des viols et des séquestrations, la population haïtienne s’adapte et garde le silence.

Elle s’adapte au couvre-feu imposé par les bandits, aux routes qu’elle doit fréquenter et se crée d’autres chemins. Si la situation dégénère encore, alors là, elle fuit son quartier et s’installe ailleurs. Alors que les plus chanceux quittent définitivement le pays. Personne ne reste pour se battre et faire face à la situation. Avec le kidnapping qui détruit les vies et ruine encore plus la nation qui n’a presque rien, la population paie quand même les rançons et continue son train-train de vie. Il y a un semblant de « je-m’enfoutisme » dans l’attitude de la population qui agace. Une indifférence qui fait perdre tout espoir.

En effet, le silence de la population haïtienne exaspère plus d’un. Victime de tous les abus possibles, la population poursuit son chemin dans une bulle d’incertitude en réagissant comme ses bourreaux attendent qu’elle le fasse. La population se laisse conduire innocemment, sans répliquer ni se défendre, comme des agneaux qu’on emmène à la boucherie. Or, le peuple est souverain et détient tout le pouvoir, vu que théoriquement on est dans un système démocratique. Malgré les élections qui tardent à se réaliser, les Haïtiens ont l’air d’accepter leurs viles conditions de vie.

L’histoire du peuple haïtien est remplie de pages de souffrance. Ce peuple a connu de sombres moments, pourtant, il s’en est toujours sorti.  Même s’il a attendu environ 200 ans pour se libérer de l’esclavage, 19 ans pour mettre fin à l’occupation américaine et 29 ans pour sortir de la sanglante dictature des Duvalier. Seulement cette fois, les questions demeurent: « Combien de temps va-t-il prendre avant de renverser ce système d’exploitation? Combien d’années d’endurance, de souffrance, de famine, de kidnapping et de silence avant d’exiger que l’État prenne son entière responsabilité?

Leyla Bath-Schéba Pierre Louis

pleyla78@gmail.com

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