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L’Avant-projet de révision constitutionnelle : un processus entaché de vices de forme, selon le CUEH

À travers une note officielle datée du 27 juin 2025, le Conseil de l’Université d’État d’Haïti (CUEH) exprime ses vives préoccupations face à la mise en circulation anticipée de l’avant-projet de révision de la Constitution par le Comité de pilotage de la Conférence nationale. Un texte distribué au public sans que les conditions minimales d’inclusion démocratique soient réunies.

Pour le CUEH, c’est un processus entaché de vices de forme. Il commence par rappeler le cadre légal et politique ayant conduit à cette tentative de révision constitutionnelle : l’Accord du 3 avril 2024 et le décret du 17 juillet 2024 qui ont respectivement institué le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) et la Conférence Nationale. Ces deux instruments étaient censés orienter le pays vers une nouvelle gouvernance, fondée sur un projet de société construit avec l’implication des principaux secteurs de la nation.

Or, selon le Conseil, l’absence même de la tenue de cette Conférence Nationale remet en cause toute la légitimité de l’avant-projet. Ce dernier devait émerger du débat collectif et non d’un processus unilatéral conduit par un comité dont le rôle, tel que défini dans le décret, était strictement limité à la coordination.

Une dérive institutionnelle dénoncée

Plus encore, le CUEH s’inquiète du glissement de rôle opéré par le Comité de pilotage, qu’il accuse de s’être « abusivement investi des compétences d’une assemblée constituante souveraine ». En publiant un avant-projet de constitution destiné à être soumis au référendum, ce comité aurait franchi une ligne rouge institutionnelle, celle de la représentation populaire et de la souveraineté citoyenne.

Autre point de critique soulevé : le calendrier précipité de publication de ce texte. Pour les universitaires, il est inconcevable qu’un document aussi fondamental que la loi mère d’un pays soit rédigé sans que soit au préalable élaboré un véritable projet de société. La démarche actuelle, selon eux, inverse les priorités et court-circuite le processus démocratique.

L’université comme vigie de la nation

En tant qu’institution publique indépendante, investie d’une mission de formation intellectuelle, d’analyse critique et de recherche, l’Université d’État d’Haïti revendique sa place dans le débat constitutionnel. Elle se montre particulièrement soucieuse de contribuer à l’élaboration d’un cadre politique et social porteur d’espoir pour un pays en pleine tourmente.

Le Conseil n’élude d’ailleurs pas le contexte sécuritaire extrêmement dégradé dans lequel s’inscrit ce débat. L’insécurité chronique qui frappe la population haïtienne, les déplacements forcés de centaines de milliers de personnes, les zones entières livrées aux gangs armés… Autant d’obstacles réels à la tenue d’un processus démocratique sincère. Selon le CUEH, vouloir imposer une réforme constitutionnelle dans un tel climat de peur et de défiance reviendrait à bâtir une maison sur du sable.

Un appel à la responsabilité collective

Ce message de l’Université d’État d’Haïti sonne comme un rappel à l’ordre moral et institutionnel. Si l’initiative de réforme est en soi légitime et attendue, sa mise en œuvre doit être exemplaire sur le plan démocratique. Elle ne peut être menée sans débat national, sans implication des forces vives, sans respect du cadre prévu.

Le CUEH ne rejette donc pas l’idée d’une révision constitutionnelle. Au contraire, il affirme sa volonté de contribuer activement à ce moment historique. Il conditionne sa participation à la reprise du processus dans les règles, avec une véritable Conférence Nationale, des assises inclusives et un retour aux principes fondamentaux de souveraineté populaire.

Hector Marcoslev

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