Le discours de trop d’Ariel Henry !
6 min readUn an depuis l’Accord du 11 septembre 2021, un an depuis que le Gouvernement ressasse les mêmes promesses. Dans un discours diffusé le dimanche 11 septembre 2022, le Chef du Gouvernement de fait, le Dr Ariel Henry, a fait le point sur sa gestion tout en refixant les mêmes objectifs que ceux d’il y a un an, à savoir l’organisation des élections et l’apaisement social tout en soulignant qu’il travaille pour le compte de la population en dépit du silence qu’on lui reproche. Certains estiment que M. Henry n’aurait pas dû faire cette adresse à la nation.
Des objectifs dont l’atteinte paraît si simple dans les discours du Premier Ministre, mais qui dans la réalité n’apparaissent point à l’horizon. Alors que les troubles socio-politiques et économiques plongent le pays dans le chaos et l’incertitude, l’Accord du 11 septembre 2021 continue d’exister, et le Dr Ariel Henry se refixe ses objectifs du retour vers un fonctionnement normal des institutions du pays. « Aujourd’hui 11 Septembre 2022, cela fait exactement une année depuis que j’ai tenu ma promesse faite le jour de ma prise de fonction, d’aller vers tous les secteurs de la vie nationale en vue de rassembler les fils et les filles d’Haïti autour d’un projet commun à mettre en œuvre pendant la période intérimaire. Projet qui devait nous conduire à un retour aussi rapide que possible vers un fonctionnement normal de nos institutions démocratiques », a-t-il exprimé lors de son adresse à la nation.
Pascale Solages, militante féministe, dit reconnaître dans le discours du PM de fait Henry, le rejet de ses échecs. « Du début à la fin, dans les propos de Dr Ariel Henry, il n’y a eu que dédain, mépris, rejet de ses échecs, de ses responsabilités, de son incapacité et de sa bêtise. On continuera de crever qu’il ne sortira pas la tête du fumier dans lequel il se vautre et en crachant sur nous », a-t-elle indiqué sur son compte twitter.
Le Premier Ministre reconnaît par ailleurs qu’un an après, les dispositions prévues par l’Accord du 11 Septembre ne sont toujours pas mises en œuvre. « Plusieurs signataires de cet Accord me reprochent d’avoir mis trop de temps à mettre en œuvre toutes ses dispositions. Ils ont raison ! Mais je leur dirai que le but de notre action dans la conjoncture actuelle n’est pas d’obtenir qu’un groupe l’emporte sur tous les autres », dit-il. Pour lui, l’important est encore de rassembler et de discuter, des discussions qui semblent plus difficiles que tout.
« L’important plutôt, est de rassembler le maximum de nos compatriotes afin de trouver ensemble des solutions durables et de faire en sorte qu’en sortant de cette crise Haïti puisse prendre un nouveau départ et s’engager pour de bon sur la voie de la restauration de la démocratie et de l’État de droit, la revitalisation et la transformation de notre économie », a indiqué le Dr Henry.
Pour Eliezer Guerisme, metteur en scène, le discours de M. Henry a pour seul but d’affirmer que ce n’est pas lui le problème et qu’il ne cesse de répéter les mêmes choses. « En gros, souligne M. Guerisme, Ariel fait savoir: qu’il n’est pas le PROBLÈME, qu’il est OUVERT au DIALOGUE, d’ailleurs d’autres ont refusé CETTE MAIN TENDUE; ARRÊTER de manifester, ça ne va pas résoudre les problèmes, les ÉLECTIONS c’est pour bientôt; et pour la question du MANGER : KITS & TI TCHOTCHO ».
Pour sa part, la militante pour les droits des femmes, Monique Clesca, déclare que le PM n’aurait pas dû faire cette adresse à la nation qui a soulevé la colère populaire. Mme Clesca indique ce qui suit sur son compte twitter le 12 septembre pour faire suite à M. Guerisme concernant le PM de fait : « En d’autres mots: il n’a rien compris des revendications des populations qui manifestent en Haïti. Il a démontré qu’il n’est pas à la hauteur des défis (5 millions d’affamés). Il a marqué son dédain pour nous. Il a raté une occasion pour se taire parce qu’il n’avait rien à dire ! ».
L’organisation des élections de nouveau à l’agenda
La remise en fonctionnement des institutions démocratiques du pays semble être à nouveau une priorité dans les discours du Premier Ministre de fait dont la principale mission consiste en la réalisation des joutes électorales. Pour la réalisation des élections, il faut selon lui passer par le dialogue avec les différents acteurs qui, un an après, reste au point de départ. « Convoquer dans les semaines qui viennent « un grand chita tande » susceptible de déboucher sur une entente large, sur la mise en branle du processus devant aboutir à la réalisation d’élections », tel est le nouvel objectif du Gouvernement.
« Avant la fin de cette année, nous voulons mettre le pays en mode électoral, et permettre à toutes celles et à tous ceux qui veulent prendre la direction des affaires de notre pays de participer à une compétition saine et démocratique », a-t-il promis.
Pour sa part, le Dr Stephane Michel, membre de la structure « Nou P ap Dòmi » se demande comment M. Henry se voit au pouvoir. M. Michel avance que M. Henry n’avait pas la qualité pour devenir PM tout en soulignant la question de la décharge. D’après le Dr Michel, il n’y a pas de Premier Ministre sans Parlement et c’est le CORE Groupe qui a validé M. Henry.
M. Henry dit croire qu’il est temps de faire la politique autrement, et que cela est nécessaire pour rétablir la démocratie. « Il est maintenant temps de changer notre façon de faire de la politique dans ce pays, pour entrer dans la modernité politique, pour rétablir la confiance entre nous et pour que la démocratie puisse être établie ». Pour lui, le travail avant tout, raison pour laquelle il ne « s’exprime pas assez ». « Certains me reprochent le fait que je ne m’exprime pas assez. C’est parce que je suis occupé à travailler ! Il y a beaucoup de travail et on ne peut pas perdre de temps », a-t-il affirmé. Quelques heures après son discours, l’humoriste Kerven Cantave dit « Cantave K » a sorti une vidéo où il ironise cette déclaration du PM de fait qui déjà a fait le tour des réseaux sociaux.
Pour Richard Senecal, réalisateur, le travail d’Ariel Henry n’a pas porté fruit un an plus tard. « Un an après, la gouvernance n’a été ni apaisée, ni efficace, l’accord n’a jamais été respecté, l’insécurité fait rage, l’économie s’est davantage effondrée. Et au mépris du bon sens élémentaire, ridiculement, on persiste », a twitté M. Senecal le 12 septembre.
Après un an de gouvernance sous l’égide de l’Accord du 11 Septembre 2021, le Gouvernement actuel a vu le pays connaître les plus grandes crises de son histoire. L’insécurité bat son plein, l’insécurité alimentaire touche plus de la moitié de la population, les institutions démocratiques sont presque toutes inexistantes, et l’inflation galopante rend plus difficiles les conditions de vie de la population. En réponse à cette situation, le Premier Ministre trouve opportun de distribuer un peu d’argent aux « plus nécessiteux », et de supprimer par la même occasion les subventions sur les produits pétroliers, décision qui plonge le pays dans une nouvelle ère de pillage et de « peyi lòk ».
Clovesky André-Gérald PIERRE