Le faire semblant !
3 min readEn seulement deux ans, Haïti s’est transformé en un véritable chaudron. La violence entretenue par les élites nationales avec une certaine complicité de la communauté internationale rendent invivable l’espace haïtien. La population est prise entre deux feux. Ses appels de détresse ne sont pas entendus. Les images atroces qui circulent dans les médias et les sombres rapports publiés par les organismes de Droits Humains n’interpellent pas non plus les structures organisées, dont l’ONU qui tergiverse à statuer sur la sollicitation de l’Exécutif haïtien. Dans la foulée, c’est le levier du « sauve qui peut » qui est actionné.
La crise actuelle était prévisible. Son dénouement n’est pas pour demain car, on a pris le temps d’entretenir les frustrations de la population. En professant une culture individualiste. En multipliant des élections frauduleuses. En alimentant une économie de rente non profitable aux couches défavorisées, mais aussi, en donnant le pouvoir à des corrompus tout en affaiblissant progressivement le système éducatif haïtien.
La recrudescence de l’insécurité multiforme tolérée par les autorités et alimentée par des acteurs politiques et économiques du pays a tout chamboulé. La société, tout comme les opposants politiques de l’administration de Jovenel Moïse d’alors, n’était pas prête à compenser un vide institutionnel comme celui provoqué par le drame du 7 juillet 2021. Ce déclic a accéléré la situation délétère qui sévissait dans le pays au point d’atteindre un niveau d’insécurité sans précédent.
En réalité, tous les ressorts qui absorbaient la mauvaise gestion de l’État depuis des décennies sont épuisés. Une guerre fratricide se déclenche et risque de s’exacerber. Pour la première fois, l’inflation atteint un niveau qui annihile d’un coup le pouvoir d’achat de la population. Dans la foulée, les dirigeants confortables dans leur position et leurs privilèges pratiquent une politique du « faire semblant ». Ils font semblant de ne pas comprendre la gravité du phénomène des gangs qui se partagent le pays comme un butin de guerre. Des problèmes internes qui handicapent la Police Nationale d’Haïti. De la dépréciation accélérée de la gourde. De l’accentuation de la spoliation foncière un peu partout sur le territoire qui chasse les citoyens de leurs habitations et les dépossèdent de leurs biens. L’effondrement de la justice. La normalisation de la corruption.
Parallèlement, en guise d’appui important à l’appel d’urgence des Haïtiens, la communauté internationale fait la même chose que les dirigeants haïtiens. Elle fait semblant d’agir à travers des actions qui prêtent à équivoque. En facilitant une émigration massive (le cas du programme Humanitarian Parole) ; en imposant des sanctions au compte-gouttes tout en évitant d’assister techniquement de manière massive la PNH ou d’organiser, comme le réclame le Gouvernement, une intervention militaire pour contrer les actions des bandits. En envoyant des bateaux de patrouille dans les eaux haïtiennes et en faisant sillonner l’espace aérien par un avion de reconnaissance. Concrètement, les gangs sont devenus plus violents et plus actifs.
On apprend que 22% des médecins de l’Hôpital universitaire de Mirebalais ont renoncé à leur exercice de leur profession et se rendent aux États-Unis en vue de fuir l’enfer haïtien grâce à ce programme controversé. D’autres membres du personnel de l’hôpital ont quitté le pays ou sont en attente d’approbation de leur dossier. Il existe des milliers d’autres candidats au départ, incluant la PNH, l‘administration publique globalement, le système éducatif, entre autres. Des établissements scolaires ressentent déjà les effets du dit programme. Tout le monde a la tête ailleurs, ce qui va affecter considérablement la vie du pays en passe de se dépouiller de ses cadres, sans compter des jeunes qui représentent l’avenir de la nation.
Du côté des hommes au pouvoir, ils ne paniquent pas. Peut-être que tout est globalement sous contrôle, selon les dires du Chancelier haïtien en octobre dernier. Quel projet dissimulent ces attitudes suspectes ?
Daniel SÉVÈRE