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Le Rara en Haïti, une tradition qui défie le temps

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Durant les 40 jours appelés temps de Carême dans la religion chrétienne, soit du premier jeudi après le mercredi des Cendres jusqu’au premier lundi suivant le dimanche de Pâques, des activités de bandes à pied se font ressentir un peu partout dans le pays. De Léogane à l’Artibonite, la tradition perpétue et l’ambiance s’amplifie. Au nom des dieux, le Rara invite aux réjouissances et aux défoulements.

Selon la tradition orale, le Rara s’est développé principalement à Léogâne et dans l’Artibonite, car la reine Anacaona résidait dans cette région et se déplaçait souvent avec sa garde d’honneur au son de la musique vers l’Artibonite pour visiter son époux, Caonabo, cacique du royaume du Maguana (actuellement département de l’Artibonite).

Avec la période coloniale, le Rara et le Vodou ont tissé des liens serrés. Les déplacements des bandes avaient surtout lieu la nuit et se déroulaient dans les sites vodou et leur périphérie. Les bandes étaient telle une petite armée appelée à défendre un territoire. Composés de musiques, de danses et de processus ritualisés, ils sont organisés en bande et dirigés par des chefs. Ils s’identifient à travers leur nom représentatif tel que Raram, Follow Jah, Chien méchant, Silibo, Toro lakou etc. Les musiciens jouent des instruments traditionnels : coquille de lambi, vaksin, râpe en fer blanc, tige de fer et tambour. Ils étaient composés de près de cinquante personnes. Cependant, avec le temps, ils se sont transformés jusqu’à deux milles personnes. Selon Donan Dotou Sounougan Wilson Senexant, Grand Maître de l’Ordre Merkabah, le rituel du rara a évolué avec le temps. Certaines modifications ont été apportées.

« Avant la sortie du rara, il existe des services conçus dans le Hounfort. Après avoir allumé un feu au carrefour, yo tire frèt kach, yo fè libasyon dlo, kleren, du rhum, etc. ». Dans les parcours réalisées en pleine journée, maintes pratiques sont prises en compte telles que : le défilé d’un bœuf habillé, un zombie en blanc, des serpents autour du rein, des recettes dans les marchés, un bois en flamme sur quoi on souffle du rhum, des reines et rois qui se remuent pour le plaisir des passant, etc.

Les raras sont presque tous fondés par un « ougan ». Les musiciens des rituels Vodou sont les premiers à y jouer. Ainsi, beaucoup de Léoganais commencent dès leur jeune âge l’apprentissage de la musique, et ainsi, ils bénéficient d’un contrat pour une saison Rara rémunérateur. Léogâne fournit alors dans presque toutes les régions du pays des musiciens pour le Rara. Selon le témoignage de nombreux dirigeants, les bandes se forment à la demande d’un « lwa » (divinité du vodou) et ont pour obligation d’organiser leur sortie chaque année. Cet engagement se transmet à travers les générations. Le Grand Maître de l’Ordre Merkabah continue pour dire : « Une personne faisant partie d’un rara peut bénéficier de plusieurs choses comme la joie, l’effusion, la protection par les égrégores du rara, elle va bénéficier de l’énergie du soleil et du Grand Soleil Central, ce sont les deux énergies que vous retrouvez dans chaque lettre qui forment le mot Rara. »

Lors du premier festival de Rara en 1992, le rara a été mise en valeur par les organisateurs. Avec de nouveaux dirigeants issus de la diaspora, le Rara est alors administré par un comité exécutif. Les membres du comité sont nommés en fonction de leurs aptitudes, à l’exception du président qui, lui, est choisi en fonction de sa position privilégiée dans la localité. Ce dernier est transformé en distributeur de biens et assume seul certaines dépenses de la bande. Les tailleurs, les artisans, les vendeurs d’eau et les prêteurs sont les heureux gagnants durant la période de Rara. La marée du sentiment protectionniste les embrasse et les affaires prospèrent. Dans les concours de Rara, le groupe champion bénéficie également de cette protection.

Les bandes de rara, comme la majorité des pratiques culturelles ayant lien avec le Vodou subissent parfois diverses discriminations de la part de ceux qui en sont contre. Pour Léon, membre de la bande Silibo : « Les religieux ne nous aiment pas, mais cela n’empêche pas qu’ils se remuent la tête lors de notre passage, l’ambiance les transporte dans la réalité culturelle qui les dépasse».

Lanéus Amos, étudiant en patrimoine et tourisme à l’Institut d’Études et de Recherches Africaines (IERAH-ISERSS) qui termine son travail de mémoire sur le rapport des Raras avec le secteur du vodou appuie Léon, déclare : « Je fréquente les Raras de Léogâne depuis toujours. C’est l’âme de la cité. Une anecdote populaire véhicule que les hommes perdent leurs femmes à cette période. Chaque recoin a sa bande et personne ne veut rien rater. Cette tradition est éternelle. Car malgré les problèmes sur la route de Martissant, cette année encore, la population est au rendez-vous ».

Cette pratique peut être mal accueillie par certains. Mais pour les adeptes des cris de joie et des paroles vexantes lancées à tout vent lors de leur passage, le rara reste une tradition ancrée dans le patrimoine national haïtien qui mérite d’être transmis selon les normes patrimoniales.

« Le rara est un jubilé populaire qui montre que nous devrions profiter de nos vies au lieu de nous concentrer sur l’adversité et la mort. Il nous suffit simplement d’un peu de discipline,» conclut  de son côté le Grand Maître.

Notons certaines informations de cet article ont été déduites de ce travail universitaire: « Dautruche, Joseph Ronald. Rara et vodou dans la plaine de Léogâne : les transformations d’un rituel, Mémoire de maîtrise, Port-au-Prince, Université d’Etat d’Haïti, 2008 ».

Geneviève Fleury

genevievef359@gmail.com

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