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« Le système éducatif d’un pays doit refléter la réalité de ce dernier »

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Le 17 mai dernier, plusieurs écoles fondamentales et secondaires du pays ont célébré la journée nationale des enseignants. Cette journée créée pour rendre hommage aux enseignants qui constituent une pierre primordiale dans la construction de la société haïtienne, a été célébrée dans un contexte socio-politique et économique particulier. D’un autre côté, certains professeurs constatent avec dépit et un sentiment d’impuissance la dégradation du système éducatif haïtien qui doit être adapté à la réalité du pays.

Le Ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle (MENFP) n’est pas resté indifférent à la journée annuelle de commémoration du travail des enseignants haïtiens dans la communauté. Ainsi, comme à l’accoutumée, les Directions Départementales d’Éducation (DDE) ont rendu un vibrant hommage aux professeurs dans leurs zones respectives, selon le MENFP. Toutefois, cette journée des professeurs a été également l’occasion pour des enseignants de poser des problèmes cruciaux auxquels le système éducatif est confronté dans la conjoncture actuelle. C’est du moins, ce qu’a tenu à faire l’enseignante Sabrina Alexis, dans une entrevue accordée au journal Le Quotidien News.

La professeure Sabrina Alexis affirme ne pas avoir vécu la journée des enseignants comme au temps de son enfance. « Du plus loin que je me souvienne, la fête des professeurs en Haïti était une journée grandiose où les professeurs étaient mis à l’honneur par les élèves, les étudiants et le staff de chaque école. Les enseignants recevaient des fleurs, des présents et des petites fêtes étaient organisées en leur honneur. Aujourd’hui, ce ne sont que de rares institutions qui perpétuent cette tradition. Cela est compréhensible car, à cette époque, les jours de classes étaient réguliers et le pays était calme », s’indigne celle qui n’a que quatre ans d’expérience dans l’enseignement.

La normalienne de 24 ans affirme être fière d’avoir choisi ce métier et ne regrette pas une seconde ce choix, malgré les difficultés qu’elle rencontre sur son chemin. Toutefois, à en croire Mme Alexis, plusieurs éléments compliquent lourdement la tâche des professeurs haïtiens. « Les modèles d’apprentissage utilisés par le système éducatif sont inadaptés à la réalité haïtienne. Ces derniers temps, le système éducatif importe généralement des modèles d’enseignement venus d’Europe. Les écoles haïtiennes, généralement, suivent une pédagogie mise en place par des pédagogues étrangers, qui n’a rien à voir avec la réalité de nos jeunes. D’ailleurs; ces pédagogues produisent des travaux en fonction de leur réalité et de leurs expériences », dénonce la professeure de sciences expérimentales en 3e cycle.

Pour l’enseignante en 4ème année fondamentale également, il est possible de révolutionner ce système qui fait beaucoup de tort aux apprenants haïtiens même si certains arrivent à se surpasser, malgré tout. « Il faut se pencher sur les réalités sociales, politiques et culturelles du pays pour bâtir un système éducatif équilibré et adapté à la réalité. Il faut que les autorités étatiques, particulièrement celles de la sphère éducative, apprennent à écouter et à faire confiance aux penseurs et chercheurs haïtiens qui effectuent des travaux académiques en fonction de notre réalité. Le système éducatif d’un pays doit refléter la réalité de ce dernier », conclut Mme Alexis.

Entre-temps, il ne faut pas omettre que la crise multi-dimensionnelle qui règne dans le pays affecte gravement les professeurs haïtiens, à différents niveaux. Partout, des professeurs revendiquent de meilleures conditions de travail et un salaire décent. Les professeurs des institutions administrées par l’État observent très souvent des grèves pour faire entendre leurs voix aux autorités. D’autre part, de nombreux professeurs sont au chômage à cause de l’insécurité et parallèlement plusieurs écoles sont forcées de fermer leurs portes. Il ne suffit pas d’envoyer des fleurs aux professeurs, mais il faut également créer des conditions pour qu’ils puissent vivre décemment.

Leyla Bath-Schéba Pierre Louis

pleyla78@gmail.com 

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