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Le système judiciaire et l’instruction de l’affaire Jovenel Moïse

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Le juge Mathieu Chanlatte s’est déporté du dossier de l’assassinat de Jovenel Moïse après que le Doyen l’ait choisi pour instruire l’affaire. Ce recul survient au milieu de crises au sein du système judiciaire du pays. Me Samuel Madistin, se prononce sur la situation. 

Alors que le pouvoir judiciaire ne s’est pas encore extirpé des crises au sein desquelles le feu Président Jovenel Moïse a grandement contribué à l’y plonger, les Autorités du pays ne se découragent pas à essayer de faire avancer l’enquête sur l’assassinat de ce dernier, le 7 juillet 2021 en sa résidence privée. L’instruction de l’affaire a été remise aux soins du juge Mathieu Chanlatte. Pourtant, tout ceci ne semble pas convaincre le dirigeant de Fondasyon Je Klere (FJKL), Samuel Madistin. « J’ai des doutes sur la volonté réelle des Autorités en place pour faire avancer le dossier », avoue-t-il.

L’avocat énonce les raisons de ses doutes : « la question sécuritaire n’est pas adressée pour le siège du Palais de justice abandonné par les magistrats depuis environ trois ans. Les cas de disparition de corps du délit et de procès-verbaux dans les dossiers au Parquet et dans les greffes des cabinets d’instruction sont monnaie courante et ce problème n’est pas adressé ». 

Samuel Madistin estime aussi que les allers et venues avec les détenus au Palais de justice est problématique quand des détenus n’ont pas vu leurs juges pendant plus de six mois en raison de la situation d’insécurité au Bicentenaire. « Nous parlons de 44 détenus. On ne sait pas encore combien de témoins seront auditionnés. Tout ceci demande une logistique particulière, des moyens spéciaux pour favoriser le déroulement de l’enquête. Je n’ai pas l’impression que les gens en sont conscients », confie le dirigeant de FJKL.

Me Samuel Madistin s’inquiète qu’en plus de l’absence de structures adéquates, des greffiers et des juges de paix dans l’enquête préliminaire ont été menacés de mort et se sont heurtés au silence et à l’indifférence de l’État. « Je sens plus une volonté de la part des gens au pouvoir d’utiliser le cadavre de Jovenel Moïse à des fins de propagande électoraliste et de persécution politique. La volonté de faire toute la lumière sur le dossier est absente », assène-t-il.

Mort du greffier du juge d’instruction

Alors que plusieurs personnalités de l’enquête préliminaire ont fait l’objet de menaces, le greffier du juge d’instruction nouvellement nommé a trouvé la mort dans la nuit du 11 août 2021. Une mort que plusieurs, dont Samuel Madistin, trouvent suspecte: « Dans tous les cas de mort suspecte, il faut l’ouverture d’une enquête criminelle. Le Commissaire du gouvernement doit mettre l’action publique en mouvement contre X. C’est obligatoire », réclame-t-il.

Le dirigeant de FJKL affirme que le greffier Lafortune lui avait confié, le jour de son décès, qu’il avait refusé de recevoir le dossier du Greffe général pour ne pas finir au Pénitencier national pour rien, du fait de l’absence de structures adéquates pour gérer les corps du délit dans un dossier aussi sensible.

Pour Samuel Madistin, cette affaire est une opportunité exceptionnelle pour la justice haïtienne de redorer son blason. Il déplore pourtant le fait que cela ne semble pas être une priorité pour nos dirigeants. Il estime que la désignation du juge Chanlatte est regrettable et risque d’entraver la bonne marche de l’instruction dans la mesure où, selon lui, ce dernier n’est pas crédible. « Le doyen aurait dû, en fonction de son expérience, éviter au système judiciaire un tel camouflet dans un dossier si important, si médiatisé. Le monde entier nous regarde », déclare-t-il.

Ketsia Sara Despeignes

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