Les remous autour de l’enquête sur l’assassinat du Président Jovenel Moïse

L’enquête sur l’assassinat du Président Jovenel Moïse survenu le 7 juillet 2021 dans sa résidence privée, semble faire son chemin à grands pas. Plusieurs noms ont été dévoilés, des individus appréhendés, l’international s’en est mêlé. Une enquête qui prend les airs d’un roman d’intrigues, dont le dénouement reste encore inconnu. 

Avec l’annonce de la nouvelle sur l’assassinat de Jovenel Moïse, le Premier Ministre a.i., Claude Joseph  allait rassurer la population au matin du 7 juillet  2021 : la Police Nationale d’Haïti (PNH) et les Forces Armées d’Haïti (FADH) contrôlaient la situation.  Lorsqu’il a déclaré l’état de siège sur toute l’étendue du territoire national, Claude Joseph a aussi assuré que la force publique était mobilisée pour que justice soit rendue au Président. En effet, la force publique semble progresser avec l’enquête aujourd’hui, à tel point que des auteurs intellectuels présumés de l’assassinat ont été appréhendés.

Dans une conférence de presse donnée le vendredi 16 juillet 2021, le Chef du Gouvernement a partagé les derniers bilans de l’enquête : « 23 arrestations, 7 mandats d’amener, 10 maisons fouillées, 24 mesures conservatoires, 4 policiers en isolement, 27 auditions », a-t-il énuméré.

Au cours de cette conférence, Léon Charles, le directeur général a.i  de la PNH, a précisé que toute la PNH  était mobilisée afin que justice puisse être rendue.  « Ce n’est pas seulement les enquêteurs de la police, mais toute la police qui est mobilisée afin de continuer à chercher tous ceux qui sont impliqués de près ou de loin dans l’assassinat de notre Président », a-t-il déclaré. Il affirme que 5 policiers ont été placés en isolement dans le cadre de l’enquête administrative. Ils étaient d’abord 4 faisant partie de la sécurité du président, mais l’enquête a  apporté suffisamment de preuves pour qu’un 5^ème soit placé en isolement, selon Léon Charles.

Plus loin dans l’actualité, pas moins de 5 interpellations auprès du Parquet de Port-au-Prince ont été faites auprès de politiciens et hommes d’affaires qui ont tous été invités à se rendre au Parquet dans le cadre de l’enquête sur  l’assassinat du Président. Ils devaient se présenter à l’endroit convenu le 12 juillet 2021. Jean Marie Vorbe, Pierre Réginald Boulos, Steven Benoît, Youri Latortue et Dimitri Vorbe.

Selon le Premier Ministre a.i, les assassins auraient été pris par surprise. « Les assassins ont cru que les autorités auraient mis le voile après qu’ils avaient tué le Président Jovenel , ils auraient trouvé du temps pour effacer et nettoyer les preuves sur la scène du crime avant de se sauver », dévoile Claude Joseph. Pour lui, c’était un mauvais calcul puisque beaucoup d’entre eux ont été appréhendés grâce à la vigilance de la PNH et à l’intelligence de la population. 

En effet, dès le 8 juillet  2021, la police avait déjà commencé à mettre la main sur certains des Colombiens présumés membres du commando. Les arrestations, au cours desquelles certains des suspects ont trouvé la mort dans des échanges de tirs avec la police, avaient continué et les autorités colombiennes ont reconnu plusieurs d’entre eux comme des membres retraités de l’armée colombienne.

Avis de recherche

Des avis de recherche ont aussi été émis. La PNH en a émis au moins 4. Les personnes recherchées sont surtout  celles qui auraient planifié l’assassinat, à en croire les autorités haïtiennes. Selon le directeur général de l’institution, ces personnes sont : Joseph Félix Badio qui serait le coordonnateur de l’opération sur le terrain; logistique; location d’une maison aux alentours de la résidence du Président; acquisition de matériel; falsification de plaques d’immatriculation CD; fabrication du logo de la DEA, etc., Rodolph (Dodof) Jaar qui serait, quant à lui, le coordonnateur de l’opération sur le terrain; hébergement des mercenaires à Laboule 22 trois jours avant l’assassinat; location de véhicules; chargé de la coordination des rencontres avec les mercenaires; paiement du matériel et financement, et Gordon Phenil Désir, responsable de location des véhicules ; coordination des rencontres avec les mercenaires et paiement du matériel.

Ainsi, cet assassinat  aurait été  planifié longtemps à l’avance et soigneusement préparé. L’opération aurait même un trésorier qui est, lui aussi, recherché. Il s’agit de l’ancien sénateur John Joël Joseph, chargé de la coordination des rencontres avec les mercenaires ; location de véhicules ; paiement du matériel acheté. Le directeur général a aussi affirmé que d’autres personnes sont également activement recherchées. Seulement, il a précisé que si leurs noms n’ont pas encore été publiés, c’est pour  ne pas nuire au déroulement de l’enquête. La police a aussi salué l’aide internationale dont celle apportée par les États-Unis et la Colombie dans le cadre de cette enquête.

Auteurs intellectuels et accusations

Les noms et une photo où figurent les auteurs intellectuels de l’opération ont aussi été dévoilés par les enquêteurs. Il s’agit de Christian Emmanuel Sanon et James Solages. D’autres personnes figurant sur la photo seraient aussi des planificateurs de l’assassinat de Jovenel Moise, dont Antonio Emmanuel Intriago Valera, le responsable de la firme de sécurité vénézuélienne CTU, basée à Miami qui serait entré plusieurs fois en Haïti pour planifier l’assassinat. La PNH est aussi en train d’enquêter sur la compagnie Worldwide capital lending group qui aurait collecté des fonds pour financer l’exécution de l’acte criminel tandis qu’elle rechercherait activement l’ancien sénateur John Joël Joseph.

De son côté, le média colombien Noticias Caracol aurait mené sa petite enquête afin de dévoiler, au cours de la semaine, que le Premier Ministre a.i, Claude Joseph,  faisait partie des planificateurs de la mort du Président Jovenel Moïse. Une information qui a été niée par la PNH dans une note de presse datant du 15 juillet 2021  affirmant que l’enquête ne révélait aucun lien avec lui et que les suspects n’avaient rien avoué en ce sens. La PNH en a profité pour mettre en garde contre toute manœuvre de diversion. Quant au Premier Ministre, il affirme que ces tentatives sont la preuve que la PNH est sur la bonne voie.

Ketsia Sara DESPEIGNES