L’impunité, peut-elle faire partie de la solution?
3 min readOn s’en doutait. Toutes les conditions étaient réunies pour que nous en arrivions à ce stade. La lutte permanente pour faire obstacle à la justice n’aurait pu avoir d’autres récompenses que l’anarchie et la barbarie.
Tous les efforts gouvernementaux depuis bien plus de trente ans convergeaient vers cette culture de l’impunité. Le discours en faveur de l’État de droit n’a jamais été autre chose que du folklore. La justice malgré l’honnêteté de certains et la bonne volonté d’autres a toujours été la chasse gardée des politiciens influents et de personnalités fortunées. C’est la justice au plus offrant.
Ces derniers temps, l’anarchie a atteint son paroxysme en Haïti. On ne peut imaginer pire que ce qu’on est en train de vivre. Les mêmes pratiques persistent: on doit systématiquement avoir les juges dans la poche. Il faut qu’on soit toujours au pouvoir pour ne pas tomber dans l’ennui. C’est pour cela que nos élites sont devenues insatiables en ce qui a trait aux vols, aux détournements de biens publics, aux blanchiments des avoirs, aux financements du terrorisme (les gangs armés), aux massacres d’êtres humains, etc.
Cette culture de l’impunité est la cause première de ces crises à n’en point finir. Chacun veut se couvrir de ces actes et use de tous les moyens pour le faire. Avant toute négociation, les acteurs cherchent à s’assurer qu’ils ne se mettront pas en danger. Et, ce n’est pas sans raison que certains osent envisager que les gangs qui ont mis le pays à feu et à sang méritent un traitement de faveur.
Puisque la majorité des gens ayant dirigé le pays ont des comptes à rendre à la justice, ils seraient ravis de voir qu’on fait désormais table rase. Qu’on passe l’éponge. Et que les coupables soient innocentés. D’où sort ce discours d’amnistie pour les gangs? Ce n’est pas par le fait qu’ils ont pris le dessus sur la Police qu’ils sont en position de force pour imposer à l’État leur volonté. Ce n’est pas parce que ceux qui sont les cerveaux du gangstérisme pensent avoir la totalité du pouvoir en Haïti qu’ils peuvent prétendre pouvoir imposer une telle démarche dans le but de satisfaire leur agenda. C’est un secret de polichinelle que les civils armés ont leur part de responsabilité, mais ils ne sont pas les seuls.
On ne réinvente pas la roue. Ceux qui ont choisi les mauvaises combines finiront toujours par tomber dans leur propre piège. Vu les tactiques utilisées par les gangs. Au regard des matériels (armes et autres) qu’ils utilisent, on ne peut pas se contenter de parler d’une simple affaire de banditisme. C’est aussi un leurre de penser qu’on est en passe d’entamer une révolution. On a affaire à des terroristes et, le cerveau derrière tout ça dissimule des projets difficiles à identifier.
L’impunité ne doit pas être une option. On ne pas bâtir une nation forte sur de la corruption. C’est insensé de construire une maison sur du sable. Tous les Haïtiens espèrent un lendemain meilleur mais, cela n’est possible que si on met chacun à sa place. Sauf les faibles qui acceptent les raccourcis. Qui choisissent la petite porte. Mais comme bon nombre d’Haïtiens auparavant, leurs jours sont comptés. Et ils devront faire face à leur conscience et à la loi sans demi-mesure. Si l’on veut une solution heureuse à la crise, on ne peut pas continuer de recycler des gens qui n’inspirent pas confiance. La réconciliation nationale est une nécessité, mais cela ne signifie pas qu’il faille gracier les auteurs des crises structurelles. Même pour colmater les brèches, il ne faut pas s’aventurer sur cette tactique d’impunité. La femme de César doit être au-dessus de tous les soupçons.
Daniel SÉVÈRE