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Logements en Haïti, une quête des plus difficiles pour les étudiants interdépartementaux

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La crise en Haïti a beaucoup affecté la vie estudiantine dans le pays. En raison de la faible capacité d’accueil de certaines universités se trouvant en province et compte tenu du fait que différentes options ne sont pas toujours disponibles, beaucoup de jeunes sont obligés de partir pour réaliser leur profession de rêve dans la région métropolitaine de Port-au-Prince (Ouest) ou dans un autre département. Pour ces étudiants interdépartementaux, trouver un logement à leur portée n’est pas une chose aisée.

Mike, 24 ans, a depuis cinq ans laissé le Sud du pays dans l’objectif de venir étudier les Relations internationales à Port-au-Prince. Un pari presque gagné pour le futur diplomate. Pour lui, ce rêve compte plus que tout, mais il ne pouvait pas être réalisé depuis chez lui. « Je suis venu à Port-au-Prince pour poursuivre mes études universitaires car il n’y a pas d’université de qualité dans ma région ». Cependant, la situation à Port-au-Prince n’est idéale depuis quelques temps, « climat d’instabilité, insécurité généralisée », se plaint Mike. 

Encore un autre problème pour Mike qui a un bail dans un petit bidonville dans les environs de Port-au-Prince, le logement. « Pour nous, étudiants interdépartementaux, l’un des premiers combats, c’est de trouver un logement abordable et sûr, salubre, dans un quartier « résidentiel » non loin de notre université », déclare-t-il. De plus, le pays est à un haut risque sismique, entre peur et vécu, Mike s’inquiète. « Sincèrement, je m’inquiète beaucoup à l’idée de penser à un séisme, même de magnitude 4 ».

Pour lui, c’est l’État qui ne prend pas ses responsabilités, et il a l’impression que cette accusation est banale. « L’État haïtien devra implémenter des politiques publiques visant la construction d’universités de qualité et des logements étudiants dans toutes les régions du pays, afin de permettre à tous les étudiants d’avoir un accès à une éducation de qualité, sans avoir à se soucier de la sécurité et de l’hébergement », a-t-il confié au journal Le Quotidien News.

« J’ai eu la chance de ne pas avoir à faire face à ces difficultés »

Toutefois, pour Francia, 25 ans, qui elle aussi a quitté son département pour venir étudier à Port-au-Prince, la situation du logement a bel et bien une autre couleur. Elle habite un autre quartier surpeuplé à Port-au-Prince, une petite chambre dans une maison strictement louée à des étudiants. Pour elle, tout va bien depuis six ans, et elle espère terminer ses études dans un minimum de sécurité. « J’habite cette maison depuis six ans. Pour moi il n’y a pratiquement rien à raconter. Le loyer n’est pas exagéré compte tenu de la situation, et je n’ai pas subi d’abus, sous aucune forme. En tout cas, pas en ce qui concerne le logement », explique-t-elle. L’insécurité n’a pas encore frappé son quartier, malgré les menaces, elle reste confiante. « La zone était calme. Elle l’est encore en comparaison avec d’autres quartiers de la capitale. Au contraire, c’est tout récemment que j’ai appris que des bandits souhaitaient prendre possession de la zone. Mais je crois encore que là où j’habite je suis en sureté ».

D’un autre côté, Jephtanie a également laissé le Sud pour venir étudier, elle aussi, les Relations internationales à Port-au-Prince. Pour elle, les choses sont plus simples. « Heureusement pour moi, j’ai obtenu une bourse d’étude dans la capitale, et le logement est inclus ». « J’ai eu la chance de ne pas avoir à faire face à ces difficultés. Non seulement je suis logée dans une résidence universitaire, mais je bénéficie d’un ensemble d’accompagnements essentiels pour moi et pour mon parcours universitaire », se réjouit-elle. 

Cependant, ce n’est pas le cas pour certains de ses amis qui, dit-elle, font face à de grave problème de logement aussi bien au début des études qu’en plein milieu. « Je connais d’autres, des amis, qui viennent des autres départements, qui n’ont pas eu la chance de bénéficier d’une bourse d’étude et qui en plus doivent jongler avec de grosses difficultés de trouver un toit. Ils se retrouvent soit chez des amis ou de la famille, et font face à de mauvais traitements », a-t-elle expliqué à la rédaction du journal. 

Le chemin inverse n’est pas plus aisé

Il n’y a pas que le voyage vers Port-au-Prince qui se fait. Que ce soit pour des stages ou pour les universités de province, des jeunes quittent Port-au-Prince pour s’installer ailleurs. Béatrice, 25 ans, vient du Sud-est du pays pour faire des études en Sciences infirmières à Port-au-Prince et souvent, elle se déplace vers des hôpitaux de province pour des stages universitaires. Aujourd’hui, c’est pour le Plateau Central qu’elle est partie, à Hinche, pour un stage de quatre mois. Pour celle qui paye déjà des loyers à des prix exorbitants à Port-au-Prince, faire un stage en province est une double charge, et elle en parle. « Les étudiants stagiaires bénéficient d’office d’un traitement spécial, mais pas à leur avantage », a-t-elle affirmé. « C’est devenu très difficile maintenant de trouver où nous loger durant les stages. Les propriétaires à Hinche en font vraiment un business spécial. Ils louent leurs chambres par mois, pas par année. Elles sont devenues plus chères », se plaint la jeune étudiante. 

Pour cette future infirmière, ses origines sont également un critère pour voir le prix monter. « Nous qui venons de Port-au-Prince, nous avons un accent différent du leur. Ils devinent tout de suite que nous ne sommes pas de la région, et ils nous font payer très cher parce que nous sommes des infirmières stagiaires et que nous ne faisons que passer ». Et il n’y a pas que dans le logement que cette situation se reproduit. « Même avec le taxi c’est pareil. Quand les chauffeurs voient que nous ne sommes pas de la région, ils essayent de nous arnaquer en nous demandant deux fois le prix », explique-t-elle.

Pour payer moins de frais, ses camarades et elles avaient une tactique, une grande cohabitation. Mais, comme pour tout le reste, ces jours-ci ça peine à passer. « Nous faisions en sorte de prendre un seul bail pour nous tous, et ainsi réduire les coûts. Mais ils définissent désormais les prix selon le nombre de locataires. C’est vraiment dur pour nous ! ». Cette fois donc, ils sont obligés de faire autrement.

Un autre problème affecte Béatrice dans un département où l’épidémie de choléra fait de nombreuses victimes depuis quelques mois, c’est l’eau potable. « Avec la sécheresse, il est très difficile de nous approvisionner en eau. Pour certains d’entre nous qui ont de la chance, nous louons une maison qui dispose d’un puit avec une pompe à eau manuelle. Mais pour d’autres, il faut acheter dans les kiosques, ou aller jusqu’à la rivière ». Si ces étudiants sont partis pour apprendre à sauver des vies, cette situation leur fait courir aussi des risques face aux dangers sanitaires. 

Clovesky André-Gérald PIERRE

cloveskypierre1@gmail.com

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