Martine Moïse est-elle le nouveau joujou de la République ?
4 min readAu bord de l’explosion, Haïti se cherche. L’image du corps en passoire du défunt président dérange. La Nation, soudée dans l’humiliation, le chagrin et la colère, crie justice, mais cette dernière est lente à chausser ses patins sans égard aux attentes du moment. L’impatience, étant mauvaise conseillère, elle déborde de la marmite des criminels, qui s’activent pour ajuster le couvercle afin d’éviter la commotion appréhendée. Il n’y a aucune chance à prendre.
C’est un peuple à surprises quand il est traqué. Les Européens avaient goûté royalement à sa médecine, il y a de cela plus de deux cents ans. Ne jouant point au hasard du dé, les malandrins veulent toujours détenir un coup d’avance sur sa libido, sinon ils sont faits à l’os, à l’ère du totalitarisme numérique. Telle est la raison de l’utilisation du parapluie de la première dame !
Pour perpétuer le pillage du pays sous toutes les formes, les stratèges d’hier avaient extrait de leurs goussets le crédule Jovenel, surfant sur une image folâtre venue tout droit du ciel : terre, eau, soleil, une trilogie simpliste à faire valser les macaques et à abêtir la masse qui carbure à l’espoir.
L’exaspération pousse aujourd’hui certains leaders d’opinion à exiger de l’action. Les clowns affamés et bien armés qui jouent aux apprentis « bandi légal » risquent de se prendre au sérieux. La patience est à bout. La misère criante s’avère le carburant d’un cocktail explosif. Les commanditaires sont inquiets. Le pays se dirige, droit devant, vers la catastrophe annoncée. Un nouveau Rwanda est à craindre. Que faire ?
Triste dans sa douleur, soignant ses blessures à l’âme, et perdue dans ses réflexions, Martine Moïse, la veuve éplorée, est appelée à la rescousse des maîtres du jeu, débordés sur leur gauche, tentant de calmer les ardeurs d’un peuple décidé à se faire justice lui-même. Pour cela, pianotant sur la diversion, ils préfèrent jouer avec le réel sur le terrain de la fiction pour temporiser, en attendant demain.
On la déplace en jet privé, entourée d’une sécurité composée d’étrangers en uniforme pour éblouir la galerie. Martine, percluse de remords, joue malgré elle, avec un faux sourire, le théâtre à cinq sous, tous frais payés d’avance. En une journée, affaiblie et désinvolte, la pauvre débarque au Cap-Haïtien, pour se retrouver, en quelques heures, en safari sur les sentiers de la Grand-Anse, dans le sud du pays, suivie par une flotte de VUS, à l’image de la reine d’Angleterre en visite.
Sa santé peut-elle résister à ce rythme infernal pour sécuriser les criminels inquiets qui ne savent à quels saints se vouer ? Or, à la cadence à laquelle se déroule l’enquête, tout le monde s’attend à du « jus de tomate ». Sauf que la rage de la rue les indispose et fait craindre le pire. Donc, la présence de l’épouse éplorée servira de baume pour endormir les désespérés. Faute de président, on leur présente la « veuve écarlate ! »
Sera-t-elle candidate, le jour venu ? Mystère et boule de gomme ! Nul ne sait quelle sera la réaction des éternels opposants, sans conviction, qui piaffent dans les couloirs en s’accrochant prestement aux poignées du coffre-fort national. En attendant, tel un drap léger et fragile, l’ombre de Martine recouvre timidement le ciel de l’île, pour éviter toute entrée de courant d’air malsain, porteur de virus explosifs.
Propulser la veuve flétrie au-devant de la scène est-il un risque à prendre ? Voyez-vous, la vengeance d’une femme blessée n’est pas à dédaigner. Bien des exemples dans l’histoire sont déjà édifiants. Mais quand on est assiégé, tous les coups sont tentants pour éviter de se retrouver « échec et mat ».
Comme assurance tous risques, les commanditaires gardent à l’esprit l’image du dépeçage vécu par Martine, lors du découpage sans vergogne du corps de son mari, à titre d’effet persuasif, pour la tenir en laisse, en cas de rêve de représailles. Le message est sans équivoque pour attiédir certains penchants romantiques, sauf si elle est suicidaire. Malgré tout, nul ne peut jouer au maître des horloges du temps sans être béni des dieux !
En attendant, elle joue le jeu. Le film vient juste de commencer ! Pour répéter notre Maurice Sixto national : « Achetons-nous, une « carte pelouse » et une chaise basse pour regarder le match ». Il y a de quoi rêver, les yeux ouverts.
Max Dorismond