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Martissant : les bandes armées installent leur poste de péage en toute quiétude

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L’entrée sud de la capitale au niveau de Martissant est  occupée par des bandes armées depuis plus de 12 mois. Les chauffeurs de transport en commun désirant de se rendre, malgré tout, au centre de Port-au-Prince ou  dans la périphérie sud doivent payer un montant pour avoir droit de passage. Deux personnes qui  font régulièrement le trajet partagent leurs témoignages.

Il est 12h. Le soleil bat son plein. Les gens ont l’air épuisé. Il suffit de bien lire sur leurs visages. À proximité du stade Sylvio Cator, des bus jaunes attendent d’être pleins de passagers pour quitter la station à destination de Mariani ou de Léogane. Des chauffeurs « a dwat» se lancent dans  une lutte sans merci pour voir lequel d’entre eux va remplir en premier leur bus de passagers. En général, cela se passe ainsi. Pour eux, il ne s’agit rien d’autre que d’une ambiance.

À l’invitation d’un chauffeur, Ricardo et sa femme Régine montent dans un bus jaune. Ils embarquent pour Mariani, commune de Gressier. Et voilà, il faut payer les frais de transport. Déjà, un conflit éclate entre le « travailleur » et certains passagers. Ces derniers refusent de payer les 75 gourdes exigés pour se rendre à Gressier. Le chauffeur principal éteint le moteur du bus et demande à ceux et celles qui refusent de payer les 75 gourdes de descendre. « Il y a une pénurie récurrente de carburant dans le pays alors que vous refusez de payer les frais de transport», lâche-t-il pour inciter les passagers à se conformer. Après plusieurs minutes de discussion, il redémarre le bus.

« Je fais cette route deux fois par jour. C’est beaucoup plus facile et plus rapide, mais c’est stressant aussi », dit Régine. « C’est une route complètement oubliée par l’État haïtien. Si les gangs armés décident qu’il n’y aura pas de circulation, il y en aura pas», a-t-elle confié. Âgé de 40 ans et commerçant, Ricardo, quant à lui, estime que c’est la population qui paye toujours les conséquences de la mauvaise gouvernance des dirigeants. « À Martissant, un frais est exigé pour passer. Nous, la population, nous payons les gangs indirectement par l’intermédiaire des chauffeurs. Cette situation est due à la mauvaise gouvernance des autorités étatiques », explique-t-il soulignant qu’il est inacceptable pour un peuple de vivre dans  des conditions pareilles.

Entre-temps, le bus est déjà à quelques mètres du Théâtre National. Il roule lentement. De l’eau, il y en a partout sur la route. On dirait une rivière en crue. Par ailleurs, il y a un silence inquiétant qui s’installe dans le bus. C’est comme un silence de cimetière. Apparemment, les gens ont très peur. Le bus se retrouve déjà en face du sous-commissariat de Martissant. Il ralentit. Un homme armé s’approche du chauffeur pendant que d’autres restent en retrait. Le chauffeur lui remet quelque chose dans la main. Cela étant, à droite du bus, il y a d’autres hommes armés  assis en train de dialoguer, en toute tranquillité. Ils ont l’air calme. Ils sourient entre eux.

Partout sur les murs du sous-commissariat de Martissant abandonné par la Police Nationale d’Haïti (PNH),  se trouvent des impacts de projectiles. Les maisons  se trouvant des deux côtés  de la route sont trouées, et ceci, jusqu’à  l’ancien local de Médecins Sans Frontières (MSF). À bien regarder, c’est l’espace d’un véritable champ de bataille. On dirait que les bandes armées n’ont pour compagnie que des arbres. Des maisons en très mauvais état sont inhabitées. De Portail Léogane à Martissant 25, c’est comme une véritable « vallée de la mort ».

Martissant est devenu l’expression de la banalisation terrifiante de la vie. Les gangs sèment le deuil par envie de faire couler le sang. « L’État haïtien n’a aucune volonté de régler le problème de Martissant.  Passer par Martissant pour se rendre dans le Grand Sud est la voie la plus facile et la moins coûteuse, certes. Cependant, le risque de se faire atteindre par un projectile est très élevé», raconte Ricardo.

Ayant l’habitude d’utiliser la route de « Ti kajou» pour se rendre au centre-ville, Régine établit une différence entre les deux. « Quand on passe par Ti kajou pour se rendre au centre-ville de Port-au-Prince, on prend beaucoup plus de temps en route. Et le voyage est plus coûteux. Il est plus fatiguant. La route est en mauvais état. On exige un droit de passage également, et cela se fait à trois endroits au moins. Dans la station à Fontamara 43, au milieu de la route et avant d’arriver à destination», raconte-t-elle soulignant que ce sont les chauffeurs qui paient et non les passagers.

Frantz Elbé, directeur général a.i de la  PNH sur le cas de Martissant

Le 9 mai 2022, Frantz Elbé, directeur général  de la PNH par intérim, a fait son bilan à la tête de l’institution. Il avait alors déclaré  que « la guerre des gangs à Martissant qui paralyse les activités de la population depuis un certain temps, notamment dans le Grand Sud, sera bientôt abordée efficacement ». De mai à septembre 2022, cela fait cinq mois. La réponse au problème de Martissant se fait encore attendre. Et la population du Grand Sud est impatiente de voir la PNH  passer enfin de la parole aux actes.

La Rédaction

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