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Me Saintidor veut marquer de son empreinte l’univers juridique haïtien

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Me Yvelise Saintidor vient de s’adjuger le premier prix du concours de plaidoirie organisé par le Barreau des Côteaux. Un titre qui symbolise pour la jeune avocate le fruit de nombreux  sacrifices. Après ce parcours glorieux, elle se dit prête à représenter fièrement son Barreau au niveau national et international. Découvrons dans ce numéro de « Moun ou dwe Konnen », le parcours plus qu’inspirant de la lauréate.

Me Yvelise Saintidor fait la une de nombreux quotidiens de la ville, après avoir remporté le concours de plaidoirie du Barreau des Côteaux. Un exploit qui l’a mise sous les feux des projecteurs, en effet. Pour en arriver-là, la jeune avocate a dû emprunter un chemin jonché d’embûches, d’obstacles, de moments  obscurs qui auraient pu, n’était-ce sa détermination, lui réserver un autre destin. Un destin différent de ce qu’elle connaît aujourd’hui.

Benjamine d’une fratrie de cinq enfants, Yvelise Saintidor voit le jour un 2 avril dans la commune de Fond-des-Blancs, dans l’arrondissement d’Aquin. Fille d’un cultivateur et d’une couturière, l’avocate n’a pas connu une belle enfance. Evidemment, pourvoir aux besoins de cinq enfants avec les maigres ressources de ses parents, n’était pas du tout une mince affaire. En effet, « souvent, je portais les mêmes vêtements, les mêmes chaussures, je consommais le même repas pendant plusieurs jours », se souvient-elle. Certes, elle n’avait pas les mêmes privilèges que les autres enfants du quartier, mais elle avait « un père aimant et une mère soucieuse qui se sacrifiaient pour son éducation », à en croire son témoignage.

Déjà toute petite, elle avait l’étoffe d’une défenseuse, fervente, tenace et surtout perspicace. Elle était ce genre de gamine qui prenait la défense de ses frères et sœurs face aux grognements de ses parents. « Je ne voulais pas être une petite fille soumise. Même en reconnaissant mes fautes, je tenais toujours à ce que je m’explique. Et c’est là que j’ai compris ce que je voulais devenir quand je serai grande : avocate », raconte Me Saintidor, conquise par le droit dès son plus jeune âge.

« C’était le début de mon calvaire »

Après ses études primaires à l’École Exode évangélique de Fond-des-Blancs, et la première manche de ses études secondaires au CollègeFrançois Xavier, son père est frappé d’une atroce maladie. Elle venait à peine de boucler son cycle fondamental aux examens officiels de neuvième année. Une situation qui a affecté considérablement son parcours académique. « C’était le début de mon calvaire », se rappelle Me Saintidor. Une situation qu’elle a eu du mal à digérer tant le goût de l’échec était aigre. « Voir mes amis, mes camarades de promotion me devancer n’était pas une chose facile », avoue la lauréate.

Pour pallier ce déficit économique et continuer son parcours, elle a accepté de fournir ses services dans une école en 2009, pour un salaire mensuel de 1000 gourdes, dans l’espoir de pouvoir poursuivre ses études. « Je me disais qu’au moins j’allais continuer mes études et que je le pouvais avec mon propre argent », songe Me Saintidor qui n’avait à l’époque que dix-sept ans. C’est ainsi que la jeune adolescente s’est engagée dans cette voie qui aurait pu l’aider à aller au bout de ses études. Mais, c’était sans compter avec le fardeau du temps, de l’épuisement physique et moral, qui allait l’engloutir.

« Je me suis inscrite à la Vacation PM d’un Collège. Je travaillais le matin et j’allais à l’école l’après-midi, raconte-t-elle. Mais le trajet était tellement long ! J’étais toujours fatiguée. À 17 ans, je devais me réveiller à cinq heures du matin pour éviter d’être en retard au travail. Souvent je partais sans rien avaler. À dix heures, je mangeais à la cantine avec mes élèves. À midi, je devais laisser la salle pour me rendre au Collège. Le soir, je rentrais à six heures. Et même là encore, je ne pouvais pas me reposer car je devais préparer les cours pour le lendemain, et trouver le temps pour étudier », poursuit la juriste, qui, malgré les efforts consentis, a dû abandonner au bout de cinq mois. « C’était l’enfer », se remémore Yvelise Saintidor, cette brillante avocate qui a galéré pendant deux ans avant de boucler ses études, sans avoir à verser un centime.  De plus, grâce au soutien de Saint-Boniface Haiti Foundation, elle a pu entreprendre des études universitaires, dans ce domaine qui l’a toujours passionnée : le droit.

« Si je n’étais pas avocate, je serais avocate », dit-elle avec une pointe d’humour

« J’ai opté pour le droit parce qu’il a toujours été ma plus grande passion. Si je n’étais pas avocate, je serais avocate », dit-elle avec une pointe d’humour. Pour moi, c’est le métier le plus noble. Savoir que quelqu’un est libre, sourit et respire encore grâce à mes interventions au niveau des tribunaux, est un sentiment merveilleux », enchérit l’avocate, qui a dans sa ligne de mire le bâtonnat du Barreau des Côteaux.

Cependant, la juriste dit être consternée par cette crise qui affecte le système judicaire haïtien, qui se montre de plus en plus corrompu, inefficace et quasi-dysfonctionnel. « À mon avis, la principale solution envisageable est une vraie réforme du système qui pourra aboutir à une justice haïtienne indépendante, fiable, efficace et autonome », soutient Me Saintidor, passionnée de lecture et de recherche.

Yvelise Saintidor constate que, malgré les nombreuses luttes menées jusqu’ici pour l’émancipation et les droits de la femme haïtienne, la représentation féminine est peu significative dans le système judiciaire. « Est-ce un manque d’engagement, de volonté ? Ou simplement du désintéressement, s’interroge-t-elle ». « En tout cas, le peu de femmes qui s’intéressent au monde de la basoche font montre de compétence, de rigueur et de sensibilité quand elles sont confrontées aux problèmes d’équité de genre dans l’accès à la justice en Haïti », confirme celle qui va bientôt représenter le Barreau des Côteaux à la Fédération des Barreaux d’Haïti.

Que pense-t-elle de la violence faite aux femmes en Haïti ?

Me Yvelise Saintidor a tenu à rappeler les nombreuses conventions internationales ratifiées par Haïti en ce qui concerne le respect des droits des femmes, dont la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et la Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la femme. Des ratifications qui, selon elle, traduisent la volonté d’Haïti d’œuvrer à l’amélioration de la situation des femmes et des filles.

Pourtant, regrette la juriste, plus d’une décennie après ces ratifications, la question de la violence à l’égard des femmes  est toujours banalisée, tolérée et occultée dans la société. Bien qu’elle  reconnaisse que de nombreuses victimes préfèrent se taire au lieu de porter plainte, car souvent les agresseurs s’en sortent indemnes. Selon elle, les victimes devraient faire l’objet d’un accompagnement légal, psychologique et matériel. Elle soutient  de plus que les victimes doivent se sentir en sécurité  lors des dépositions et que la loi doit être appliquée avec rigueur contre tous les agresseurs. « Personnellement, je mène une lutte contre les stéréotypes sexistes, contre les violences faites aux femmes et contre la justice haïtienne qui est fondamentalement misogyne », déclare la militante des Droits Humains, en encourageant les femmes à penser et à agir autrement.

Me Yvelise Saintidor rêve de devenir une femme influente dans son domaine. À l’instar de Mme Mirlande H. Manigat, Me Marie Suzie Legros ou de l’ancienne Présidente Ertha Pascale Trouillot, et de toutes des femmes qu’elle admire, elle veut marquer de son empreinte l’univers juridique haïtien. En ce sens, ce prix fraîchement remporté n’est que la pointe de l’iceberg de ce qu’elle veut accomplir dans sa carrière.

Rappelons qu’en 2020, Me Saintidor a été parmi les finalistes du concours de plaidoirie du Bureau des Droits Humains en Haïti. Une expérience qui lui a permis de parfaire son art oratoire et ses techniques pour argumenter, répliquer et convaincre. En ce qui concerne la prochaine étape, « j’ai hâte de remporter le trophée national au nom du Barreau des Côteaux », conclut avec enthousiasme l’éloquente oratrice.

Statler LUCZAMA

Luczstadler96@gmail.com

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