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Nos politiciens: sont-ils lucides?

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La crise nous pète au nez. Toutes les conditions sont réunies en Haïti pour une explosion sociale. Rien ne fonctionne, sauf les gens qui continuent à se mouvoir comme de futures proies perdues dans la jungle. Sur ce territoire qui charrie une histoire florissante, l’État accuse une faiblesse sans précédent. Toutes ses institutions sont à genoux. La nation est administrée en fonction des caprices des opportunistes car, les lois sont bafouées par les rapaces politiques. Ils se souviennent d’elles quand cela joue en leur faveur (pour persécuter des adversaires par exemple ou pour consolider leur pouvoir).

On dirait que tous les Haïtiens connaissent le véritable problème qui empêche le pays de progresser. Ils voient les faits. Ils constatent la crise. Ils sont d’accord pour reconnaître que le pays a été mal dirigé et qu’il l’est encore. Ils comprennent que la corruption, l’impunité, l’avidité, le chômage, la misère constituent le plat quotidien de la population dépourvue de tout. Ils constatent  l’effondrement des systèmes éducatif, judiciaire et sanitaire du pays. La politique a tout vassalisé. Ce qui les amène à la conclusion qu’une entente nationale est l’unique clé qui pourrait contribuer au dénouement de la situation.

S’il est vrai qu’un problème identifié est à moitié résolu, on peut avancer sans grand doute que ce peuple qu’on chasse même à l’intérieur de ses maisons de fortune pour aller voir ailleurs, est sur la bonne voie pour résoudre ce marasme qui n’a que trop duré.

Chacun  a sa propre expérience. Ceux qui sont au pouvoir et ceux qui sont dans l’opposition et dans la société voient la nécessité que tous les  acteurs se mettent ensemble pour dialoguer. Mais, en dehors de cette évidence, personne ne se dévoile réellement. Devant le fait accompli, chacun se retire sournoisement brandissant de fallacieux prétextes. On est habitué.

On n’arrête pas de reprocher à la population sa naïveté. Son émotion dans le choix de ses leaders. Quoi qu’on dise, elle a fait ce qu’elle pouvait en maintenant debout le système démocratique fondé sur le principe de la représentation. Par contre, les acteurs politiques obsédés par l’occupation du pouvoir en passant par la petite porte, ont tout fait pour empoisonner la vie de la Nation.

À présent le pays  subit les conséquences de ces batailles politiques mesquines. Les trois pouvoirs de l’État n’existent que de nom. La présidence a été éliminée. D’autres institutions régaliennes sont devenues des instruments politiques. L’impunité est à son plus haut niveau dans le pays. Le Président, victime de ce qu’il a cautionné,  risque de ne pas trouver justice. Les mêmes embuches qu’il avait volontairement dressées sur la voie des victimes qui l’ont précédé, dont pour la plupart étaient des anonymes, empêchent que lumière soit faite sur son assassinat. Hormis les manœuvres pour brouiller les pistes, le doyen du TPI n’a pas pu trouver avec aisance de juge pour instruire le dossier. Le Président défunt avait délibérément refusé de renouveler le mandat de certains d’entre eux. La justice qu’il avait prise en otage est probablement maintenant elle-même kidnappée par ses assassins. Le revers de la médaille.

Un accord politique pourrait faire bouger les lignes. Mais les mêmes mesquineries s’y opposent. Ils ont fait croire à la population que l’après- Jovenel Moïse (le représentant du système) est assuré. Un mois après sa mort, ils parlent encore d’accord politique. Pire, ils perdent à nouveau le contrôle de la transition. Malgré tout, ils  persistent dans ce discours en lequel ils ont prouvé mille et une fois qu’ils ne croient pas.

Pendant que les politiques continuent de pratiquer l’amalgame, le pays est en train de perdre tout ce qu’il a acquis au prix de grands sacrifices. Ironie du sort, le Premier Ministre de facto a tenté de justifier l’exécutif monocéphale alors qu’il est censé, pour l’heure, être le garant de la bonne marche des institutions.

On est vraiment ridicule. Tous cherchent à éviter de rater à tout jamais l’occasion de cette énième transition. Certains disent s’opposer au CEP actuel ; mais, dans le même temps, ils s’inscrivent dans le même processus que pilotent  les conseillers du CEP. Parallèlement, le peuple, au nom duquel ils militent, est toujours prisonnier de Martissant, de Bel-Air, et d’autres zones tombées aux mains des gangs. Il est en plus abandonné à lui-même, sans produit pétrolier, sans électricité, sans travail, sans parler du reste. Il est enfin exposé à la fureur de terribles cyclones à venir et à la pandémie de la Covid-19.

Daniel Sévère 

danielsevere1984@gmail.com

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