21 novembre 2025

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“Nou vle viv”

Alors que la violence, l’effondrement institutionnel et l’incertitude économique semblent étouffer la vie quotidienne, le peuple haïtien continue de réclamer quelque chose de fondamental : le droit de vivre. Malgré la peur, malgré la fatigue, malgré l’abandon, les Haïtiens se lèvent chaque jour. Et lorsque surgissent des moments de lumière — comme la commémoration du 18 novembre, symbole de victoire historique, ou la récente qualification d’Haïti pour la Coupe du monde qui a enflammé les rues —, la nation démontre une fois de plus qu’elle refuse la résignation. Haïti souffre, mais Haïti respire encore. Haïti veut vivre.

Un pays au bord, un peuple debout

À travers les crises successives qui secouent Haïti depuis plus d’une décennie, une réalité profonde persiste : le peuple haïtien veut vivre. Ne pas seulement survivre, mais vivre — avec dignité, sécurité, espoir et humanité. Derrière chaque journée de violence, chaque blocage, chaque prix qui explose, il y a des millions d’hommes et de femmes qui refusent d’abandonner.

Cet entêtement à exister demeure l’un des traits les plus puissants du caractère haïtien. Pourtant, il est souvent méconnu par ceux qui ne voient du pays que ses images de chaos. Le peuple, lui, continue de lutter, non pas parce qu’il est “résilient par nature”, mais parce qu’il n’a pas d’autre choix que d’avancer.

“Nou vle viv” : un cri simple mais fondamental

“NOU VLE VIV” n’est pas seulement un slogan. C’est une revendication existentielle.

Vivre, dans le contexte haïtien, signifie :

  •        Pou kapab mache san pè

  •        Pou kapab dòmi san tande kout zam

  •        Pou kapab travay san riske lavi w

  •        Pou kapab lwe, manje, etidye, reve

  •        Pou kapab voye timoun lekòl san krent

         •        Pou kapab planifye yon demen

Dans un pays où les droits les plus simples sont devenus des privilèges extraordinaires, vouloir vivre est presque un acte de résistance.

18 novembre : la mémoire d’une victoire qui oblige à espérer

Chaque année, le 18 novembre — date de la Bataille de Vertières — rappelle au pays qu’il est né d’un combat victorieux, d’une volonté farouche de briser l’impossible.

En 2025, la commémoration a pris une dimension encore plus symbolique : dans un pays où l’avenir semble flou, Vertières rappelle la force historique du peuple.

« 18 novembre, c’est la preuve que nous ne sommes pas faits pour courber la tête », confie Jean-Rémy, professeur du secondaire. « Quand je pense à Vertières, je me dis que si nos ancêtres ont pu vaincre l’armée de Napoléon, nous pouvons surmonter ce que nous vivons aujourd’hui ».

Dans un contexte d’abandon généralisé, Vertières reste un phare.

Une mémoire « ki raple pèp la pou l pa lage ».

La qualification d’Haïti pour la Coupe du monde : un pays qui respire malgré tout

Dans un pays meurtri, la qualification historique d’Haïti pour la Coupe du monde a créé un souffle national inattendu.

Des quartiers boulevés par l’insécurité « rive sou dèyè mache ansanm ». Des familles « ki pa t pale depi lontan rasanble pou selebre ». Les rues se sont enflammées de cris, de klaxons, de drapeaux. Pendant quelques heures, la peur a cédé la place à la fierté.

« J’ai vu des hommes pleurer ce jour-là », raconte Marie, vendeuse de fruits à Delmas. « On avait oublié ce que ça fait d’être heureux ensemble. Même si c’était pour une soirée, ça nous a rappelé qu’on peut encore sourire ».

Le football a joué son rôle le plus noble : unir un peuple divisé par la douleur.

Et cette union montre que la vie circule encore dans les veines du pays.

Un quotidien qui ne pardonne pas

Mais après la fête, la réalité frappe.

Haïti vit dans une tension permanente où tout semble menacer de s’effondrer. L’insécurité transforme des quartiers en zones de guerre. Les institutions ne répondent plus. L’économie s’effrite.

Et pourtant, chaque matin, les rues finissent toujours par se remplir :

  •        les marchandes se lèvent avant le soleil,

  •        les moto-taxis traversent zones rouges,

  •        les professeurs enseignent sans salaire,

  •        les jeunes cherchent Wi-Fi « pou etidye oswa chèche lavi lòt bò dlo »,

  •        les parents « renegosie ak lavi pou timoun yo ale lekòl ».

« Ce pays nous fatigue, mais on n’a pas le droit de le quitter en esprit », dit Marie.

« Mwen bouke, wi, men mwen vle viv ».

Un peuple abandonné mais pas brisé

Haïti souffre d’un abandon généralisé :

abandon de l’État,

abandon de la communauté internationale,

abandon d’une partie des élites.

« On nous demande d’être forts, mais personne ne nous donne les moyens d’être simplement vivants », déclare Jean-Rémy.

Et pourtant, chaque jour, les enfants reviennent à l’école, les marchands rouvrent, les radios émettent même sous les balles.

Le pays fonctionne grâce à une seule force : la volonté du peuple.

La survie, entre puissance et danger

La capacité des Haïtiens à survivre dans l’impossible est admirable, mais elle est aussi dangereuse.

Elle donne l’illusion que “les Haïtiens vont toujours s’en sortir”.  “Epa vre”.

Le prix de cette survie est énorme :

Épuisement mental, insécurité permanente, avenir bloqué.

« Mwen pa vle reziste ankò. Mwen vle viv », témoigne Samuel, étudiant.

« Si peyi a t ap ban m minimòm sekirite, mwen t ap rete travay pou li ».

Une renaissance encore possible

Haïti peut renaître.

Mais aucune reconstruction n’est possible tant que le peuple lui-même n’est pas protégé.

On ne rebâtit pas un pays où vivre devient un luxe.

La première réforme dont Haïti a besoin n’est pas politique ni constitutionnelle.

La première réforme, c’est la restauration du droit à la vie.

 Un peuple qui dit encore “nou vle viv”

Malgré tout, le peuple haïtien continue de lever la tête. Il continue de rêver. Il continue de revendiquer l’essentiel : “Nou vle viv”. Ne pas seulement survivre.

Mais vivre — pleinement, dignement, « libreman ».

Tant qu’il reste une voix pour dire cela, Haïti n’est pas mort.

Tant qu’il reste un peuple « pou kwè nan demen, espwa a viv toujou ».

Olry Dubois

Olrydubois@gmail.com

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