La descente aux enfers d’Haïti se poursuit à un rythme effréné et inquiétant. Le recrutement et l’utilisation des enfants par les groupes armés sont devenus monnaie courante. La directrice générale de l’UNICEF, Catherine Russell, lors de son allocution au Conseil de sécurité de l’ONU le 28 août 2025, estime qu’aujourd’hui les enfants représentent actuellement pas moins de 50 % des membres des groupes armés actifs.
L’avenir de ce pays qui, autrefois, était un espace de refuge pour les sans-abris à travers le monde, est menacé. Des enfants qui représentent l’avenir d’Haïti « sont contraints de participer à des combats et à des affrontements armés. D’autres sont utilisés comme coursiers, guetteurs, porteurs d’armes ou exploités comme domestiques – des rôles qui les exposent à des souffrances physiques et psychologiques graves et durables ». C’est ce qu’a révélé Mme Russell lors du débat public du Conseil de sécurité sur Haïti.
Lors de sa visite en Haïti, la directrice générale de l’UNICEF dit avoir constaté que les enfants sont victimes de violences sexuelles effroyables qui ont atteint des niveaux sans précédent. En 2024, affirme-t-elle, le nombre de cas signalés de violences sexuelles contre des enfants a augmenté de 1 000 % par rapport à l’année précédente.
Des souffrances inimaginables
Les enfants haïtiens, selon Mme Russell, continuent de subir des souffrances inimaginables au cœur d’une violence armée brutale. De fait, a-t-elle poursuivi, l’une des caractéristiques marquantes de cette crise est la persistance des violations des droits des enfants. « Haïti figurait parmi les cinq pays figurant dans le programme « Enfants et conflits armés » où le nombre de violations graves contre des enfants vérifiées est le plus élevé au monde.
L’année dernière, les Nations unies en Haïti ont vérifié plus de 2 000 violations graves contre des enfants, soit une augmentation de près de 500 % par rapport à l’année précédente », a déclaré Mme Russell tout en soulignant que « le taux d’infractions a continué d’augmenter en 2025». Au premier trimestre de cette année, a-t-elle indiqué, il y a eu une augmentation de 25 % par rapport au premier trimestre de 2024.
Le plus alarmant, avance Mme Russell, est l’augmentation de près de 700 % des cas de recrutement et d’utilisation d’enfants, ainsi que l’augmentation de 54 % des meurtres et des mutilations. « Il ne faut pas oublier qu’il ne s’agit là que des cas que nous avons pu vérifier ; nous pensons que les chiffres réels sont bien plus élevés », a-t-elle expliqué, en soulignant par ailleurs que des enfants sont tués et mutilés lors des violences entre acteurs armés, en particulier dans les zones densément peuplées de Port-au-Prince.
Elle dit avoir constaté, également, des cas d’exécutions sommaires d’enfants. L’arrivée de nouveaux acteurs armés et de technologies plus sophistiquées, notamment des armes explosives, dans les combats met encore plus en danger la sécurité des enfants, affirme-t-elle.
L’UNICEF face à la situation
À en croire la directrice générale de l’UNICEF, face à cette situation dévastatrice pour les enfants, l’UNICEF et ses partenaires se voient refuser l’accès à l’aide humanitaire dont ils ont tant besoin – ce qui, a-t-elle ajouté, constitue ainsi une grave violation des droits de l’enfant. En 2023, elle a précisé que l’ONU a recensé cinq cas de refus d’accès humanitaire, tandis que l’année dernière, ce nombre a grimpé à 728.
« En refusant l’accès, les groupes armés compromettent la capacité des acteurs humanitaires à atteindre les 1,6 million d’enfants et de femmes dans les zones sous leur contrôle », déclare Mme Russell, précisant que cela entrave par ailleurs les efforts de surveillance de l’UNICEF et de signalement des graves violations commises. « Le mois dernier, six membres du personnel de l’UNICEF ont été pris en otage par un groupe armé alors qu’ils effectuaient une mission humanitaire vitale. Heureusement, ils ont depuis été libérés, mais cet incident révèle les dangers auxquels sont confrontés les collègues humanitaires sur le terrain. Les travailleurs humanitaires ne sont pas et ne doivent jamais être des cibles», a fait savoir Catherine Russell.
Plus loin, elle pense qu’ « il faut faire beaucoup plus pour protéger les enfants d’Haïti du fléau de la violence qui s’est emparé de leurs communautés ». C’est pourquoi elle demande aux membres du Conseil de sécurité de l’ONU d’« utiliser tous les moyens de pression disponibles pour protéger les enfants… et de soutenir des actions concrètes pour prévenir de nouvelles violations ».
« Je vous demande d’exiger que tous les groupes armés cessent leurs attaques contre les écoles et les hôpitaux… libèrent immédiatement les enfants de leurs rangs… et permettent un accès sûr et sans entrave aux travailleurs humanitaires pour atteindre en toute sécurité les communautés dans le besoin », a demandé la directrice générale de l’UNICEF aux membres du Conseil de Sécurité de l’ONU. « Je vous demande, poursuit-elle, d’appeler les forces de sécurité sur le terrain à donner la priorité à la sécurité et à la protection de tous les enfants… et à veiller à ce qu’ils soient traités comme des enfants avant tout».
Jackson Junior RINVIL
rjacksonjunior@yahoo.fr